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POSSESSION DIABOLIQUE


comme s’il eût étéimpotent de tous ses membres, il fut traîné du milieu de l’église à une colonne, et là, les pieds joints, le dos collé à la colonne, sans s’aider de ses mains, il fut transporté en un clin d’œil au plancher, comme un poids qui serait attiré d’en haut avec vitesse sans qu’il parût qu’il agit. Suspendu au plancher, les pieds collés et la tête en bas, je lis avouer au démon, comme je me l’étais proposé pour le confondre, l’humilier et l’obliger à quitter prise, la fausseté de la religion païenne. Je lui lis confesser qu’il était un trompeur, et en même temps je l’obligeai d’avouer la sainteté denotre religion. Je le tins pins d’une demi-heure en l’air, et n’ayant pas eu assez de constance pour l’y tenir plus longtemps, tant j’étais effrayé moi-même de ce queje voyais, je lui ordonnai de le rendre à mes pieds sans lui faire du mal… Il me le rejeta sur-le champ comme un paquet de linge sale sans l’incommoder, et depuis ce jour-là mon énergumène, quoique pas entièrement délivré, fut beaucoup soulagé, et chaque jour ses vexations diminuaient, mais surtout lorsque j’étais à la maison ; il paraissait si raisonnable qu’on l’aurait cru entièrement libre… Il resta l’espace de cinq mois environ dans mon église, et au bout de ce temps il se trouva enfin délivré, et c’est aujourd’hui le meilleur chrétien peut-être qu’il y ait à la Cochinchine. »

Ce récit se passe absolument de commentaires. Une simple remarque pourrait peut-être trouver place ici, pour expliquer une différence du cas présent avec la plupart des exemples donnés précédemment. Là le démon est presque toujours chassé immédiatement, par un chrétien quelconque, au moyen d’un simple objet bénit ou par l’eau bénite. Ici il résiste pendant des mois à l’exorciste lui même, au missionnaire. Observons donc d’abord, que l’ordinaire n’est pas une règle sans exception jensuite, que l’énerguraène ici est un chrétien, que Dieu semble avoir puni pour son crime, et à qui il laisse expier son sacrilège, peut-être aussi pour l’exemple des autres ; enfin que l’exorcisme est un moyen efficace, mais non infaillible, et que la délivrance peut dépendre Je plusieurs causes, comme le faisaient déjà remarquer lesPères de l’Eglise ; ainsi Minutius Félix (Octiv., xxvn), et après lui saint Cyprien (Quod idola dii non sint, vu), nous disent : Et vel exiliunt statim (dæmoniii), vel evanescunt gradatim, prout fides patienlis adjuvat aut gratia carantis inspirât. Il est d’ailleurs beaucoup d’exemples où le démon résista longtemps, même aux saints. Cf. Acta sanctorum, variis locis, v. g. tom.VIMaii, p. 491, n. 100, cum nota (o).

Si nous croyons le récit du P. Lacour, assez éloquent par lui-même, nous ne pouvons cependant nous empêcher de citer l’explication duD r Calmkil, d’autant plus qu’elle est très brève et fort simple, et qu’à son tour elle nous dispense de commentaires. La voici :

  • On doit savoir gré aufrère Delacourt.den’avoir

pas gardé le « ilence sur ce prétendu fait de possession, car ce missionnaire a décrit à son insu les phénomènes de la monomanie religieuse ; et il est clair pour tout le monde aujourd’hui qu’il n’a exorcisé qu’un homme atteint de délire… ! »

Tant il est vrai qu’il n’y a pas de pire aveugle que celui quineveutpas voir. lien est de même desmiracles ; ils ne sauraient convertir ceux qui ne veulent pas être convertis ; et rien d’étonnant si Dieu ne les fait pas inutilement devant des hommes de mauvaise foi et de mauvaise volonté.

Nous voudrions cependant voir un homme comme M. Charcot faire une excursion scientifique avec les missionnaires, au lieu de visiter les musées de pein ture (Des Démoniaques dans l’art), d’où il semhle n’avoir rien rapporté qui puisse tourner au profit de la science.

IV. Quelques exemples de possession dans les pays chrétiens. — Malgré la rareté relative des interventions manifestes du démon dans les pays chrétiens, nous n’avons encore ici que l’embarras du choix. Il faut cependant tenir compte de la différence des temps ; car, même dans les pays chrétiens, il y a des raison » pour le démon d’intervenir d’une manière manifeste plutôt à une époque, et dans telles circonstances, qu’à un autre temps et dans des circonstances différentes. Nous renvoyons de nouveau le lecteur aux observations préliminaires à notredémonstration de la réalité historique de la possession.

Nous pourrions produire ici des faits nombreux en consultant seulement les Acta Sanctorum des Bollandistes ; nous nous bornerons à deux extraits, en priant le lecteur, désireux de s’instruire davantage, de recourir lui-même à cette vaste collection de documents. Il suffit de consulter la table placée à la fin de chaque volume, Index realis et moralis, aux mots dæmon, energumenus, etc. Si MM. Charcot et Richer avaient consulté les Acta Sanctorum, ils y auraient trouvé beaucoup de renseignements historiques et autres, qui leur auraient fait éviter bien des erreurs.

Nous avons, en outre, des témoins, même non catholiques, et dont la parole ne saurait être suspecte. Ainsi Fbrnel, médecin deHenrill, et Ambroise Parb, protestants, font mention d’un possédé qui parlait grec et latin, sans avoir jamais appris ces deux langues. Le savant Cudworth, dont les opinions sur la religion sont fort incertaines, allègue plusieurs exemples dans son Système intellectuel (c. v, §82).

Un autre exemple, où nous trouvons réunis presque tous les signes de possession, et aussi les plus certains, nous est rapporté par un témoin oculaire, d’une autorité incontestable. C’est Ed. Corsini, religieux des Ecoles-Pies, 1703-1765, homme d’initiative en fait de sciences, et d’une vaste érudition.

Voici comment iltermine unlongtraité sur la possession (Instit. Philosoph., t. IV, Disp. 11, metaphys., c.i, n. 3) : « On ne peut donc pas nier qu’on ne trouve quelques obsédés et énergumènes, etc. ; ou si par hasard il était permis à quelqu’un de le nier, cela ne m’est certes pas permis à moi ; j’ai vu toutrécemment une femme, qui non seulement se tordait dans les plus étranges agitation s du corps, mais qui révélait ies secrets d’autrui, sur lesquels elle était interrogée, qui éteignait, sur un ordre reçu, des chandelles allumées très distantes, elles rallumait à un autre commandement, qui, ne sachant que sa langue maternelle, répondaiten latin et en français, d’une manière claire, congrue, nette et distincte, qui enfin, ne sachant aucunement lire ni écrire, traçait douze espèces de caractères, comme les auraient formés douze écrivains ; par ces caractères elle exprimait les noms des différents esprits dont elle s’était déjà dite possédée, ainsi que leurpuissance, leurnombre, les conditions de leur sortie, ou les pactes, et autres choses semblables. »

Le différend entre les rationalistes et nous ne porte pas sur les signes corporels Qu’on gratifie la femme en question de n’importe quelle maladienerveuse, qu’on attribue ses contorsions à l’hystérie la mieux caractérisée, qu’on lui donne l’attaque démoniaque décrite par M. Charcot, nous concédons tout, d’autant plus que la possession n’exclut pas la maladie, surtout les névroses, bien au contraire. Mais qu’on nous explique les phénomènes intellectuels décrits, et cette action à distance, sans agentnaturel, Je dis : qu’on nous explique ces manifestations-là,