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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

88’comparative. — Un connaît assez la fécondité de la méthode comparative en géologie pour la reconstitution des animaux disparus, en biologie dans la détermination des fonctions, par analogie avec d’autres fonctions connues, et par leur complexité, détermination de l’ordre de succession des êtres ; voici qu’à son tour, la psychologie apporte à l’ethuologie le même secours. A des institutions semblables, en des sociétés différentes et à des époques différentes, elle donne par analogie la même explication, les unes aident à comprendre les autres ; la même interprétation est transportée des unes aux autres en s’appuyant sur cette identité de processus psychologique. » Dans tous les temps, l’immortel sauvage qui dort dans l’âme humaine a été prompt à s’éveiller et à s’affirmer lui-même en des mythes rajeunis ». Cf. A. Lano, op. cit., p. 317. On voit toute i’ampleur de cette méthode, puisqu’elle compare, non seulement les peuples d’une même famille, mais toutes les races humaines ; elle est « entre les mains des mythologues l’instrument sans lequel i ! paraît impossible de faire désormais aucun progrès danscette science ». Cf. Toutain, EtuJ. de mythologie et d’histoire des religions antiques, Paris, 1909, p. 35. On en verra l’application outrancière dans les travaux de G. Frazbr : Golden Bough’, London, 1890, 1910 ; W. Robbrtson Smitu (1846-18g4), à propos du totémisme ; van Gennrp. dans la Formation des légendes, et son application aux Rites de passage, conçus comme identiques, à propos de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de la mort, et les exagérations plus outrancières encore de leurs disciples français : Gustave Lb Bon, Les premières civilisations, Paris, 1889 ; Salomon Reina™, Cultes, Mythes, Religions, 2 vol. Paris, 1906, etc. A la philologie comparée de Max Muller, l’école anthropologique substitue donc cette méthode comparative ; elle y voit l’équivalent de l’expérimentation. Elle attend d’elle : 1) l’explication des institutions connues ; 2) un procédé de suppléance pour les lacunes actuelles de l’histoire des religions ; 3) une justification de la loi unique du développement de la religion dans l’humanité. Cf. bibliographie sur la valeur de cette méthode, L. Jordan, Comparative religion, Edinburgh, igo5 ; M. Vbrnbs ; Les abus de la méthode comparative, Paris, 1886, et L’histoire des religions, son esprit, sa méthode, Paris, 1887 ; G. Foucart, Histoire des religions et méthodecomparative, Paris, 1912 ; II. Pinard, S. T., Semaine d’Ethnologie religieuse, Paris, Beauchesne, fgi 3 : « Des méthodes dans l’étude des religions, et spécialement de la méthode comparative ». p. ( i-y2 ; L’Etude comparée des religions, Paris, Beauchesne, 1922, p. 35a-385 ; Bros rt Hadbrt, Rev. du Clergé, « Deux méthodes », 1909, p. 583 sq.

IV. Les conséquences. — L’école anthropologique tient le fait religieux, 1) non pour un accident, mais pour une manisfestation spontanée, universelle et naturelle de l’àme humaine ; a) cette universalité est liée à la permanence dans l’homme d’une tendance animiste ou anthropologique ; 3) les religions, dans leur multiplicité, traduisent sous des formes différentes cette identité d’aspiration ; 1) il n’y a donc ni infaillibilité en religion, ni orthodoxie immuable, ni réalisation religieuse définitive, ni transcendance, mais évolution perpétuelle et relativité universelle ; 5) le monothéisme lui-même ne représente qu’un moment de cette évolution, et une forme de ce développement : le Dieu unique disparaîtra sans doute devant une religion nouvelle, pur moralisme kantien, ou irréligion de l’avenir, dans une sorte de culte cosmique ou panthéiste, au sens de

Cuyau, ou une religion de l’humanité, avec l’école de Comte et de Durkheim.o Dieu peut mourir, comme sont morts ses prédécesseurs, les Baalim et les Tesll, Assour et Ainmon, Odin et Jupiter, comme mourront ses contemporainsd’aujourd’hui, le Brahm de l’hindouisme et l’Allah de l’Islam et même Iahveh, le saint d’Israël » (Goblbt d’Alviblla, L’idée de Dieu, p, 3go). L’évolution religieuse qui a formé l’idée d’un Dieu unique, en se poursuivanl, amènera sa dissolution. Kt Dieu disparu, apparaîtra, sous une forme nouvelle, un équivalent de la vie religieuse. Ainsi la perpétuité de la vie religieuse, résultat d’une tendance permanente de l’àme humaine, n’est liée à aucune forme religieuse, à aucun dogmatisme, et à aucune idée du Dieu personnel. Comme la science, l’art, la morale, la religion elle-même se séparera de Dieu, mais pour retrouver le divin. Cf. Félix Pécaul, Ang. Sabatier, F. Buisson, Hébert. Loisy.

V. Critique- — Unecritique complète devrait comprendre une discussion des postulats — de l’explication — des preuves diverses — des conséquences

— de la valeur delà méthodecomparative.

Résumons la discussion sur chacun îles points.

1. Critique des postulats. — D’une façon générale, il importe de lemarquer ce qu’il y a de défectueux, au point de vue scientifique, dans la méthode adoptée. Avant l’examen des faits, avant l’étude des religions, 0Il prend pour définitive une interprétation philosophique qui la conditionne, la domine, la fausse d’avance. Une métaphysique est placée à la base, des recherches historiques ; la thèse initiale est affirmée, avant d’aborder les faits. Comment s’étonner de la retrouver à la conclusion ? Cf. Th. Mainage, Rev. de ph., 1921 : L’histoire des religions, p. 1305.

a) Le postulat agnostique. — L’exclusion d’une révélation primitive, et de toute révélation, n’est pas d’ordre scientifique, mais métaphysique. C’est uniquement par l’étude des faits de l’histoire des religions, par la comparaison de leurs éléments, que nous pourrons légitimement conclure à l’existence ou à la non existence de la transcendance d’une forme religieuse. — De même pour l’affirmation d’un Etre suprême, d’une àme, de sa survivance ; pourquoi et de quel droit décréter qu’elles ne sont pas le résultat normal d’une activité rationnelle de l’homme, mais le produit d’un rêve, de l’interprétation imaginative et illusoire de faits étranges, sinon anormaux ? Ici encore l’on tient pour certain dès l’abord que la religion est le résultat d’une « maladie de la pensée primitive » ; a priorisme que rien n’autorise, que tout condamne, au seuil d’une recherche scientifique.

b) Le postulat évolutionniste. — La loi d’évolution n’est-elle pas seulement une hypothèse ? Cette hypothèse a-t-elle été assez vérifiée dans le domaine de tout le connaissable, pour l’étendre à tout le domaine matériel, psychique, moral, social ? Ne sommes-nous pas en présence d’une induction d nue portée singulièrement aventureuse, puisque par elle on prétend atteindre la loi même de la science, la loi la plus générale, la plus universelle ? — On sait comment les travaux de la critique scientifique, avec Poincaré, Milhaud, Duhem, Leroy, Leclercdu Sablon, ont abouti à abattre l’orgueil du scientisme, à montrer ce qu’il y avaitde mouvant dans les hypothèses, d’artificiel dans les lois, en insistant sur nos ignorances. En face de ce dogmatique universel, ce mouvement contingenliste a rappelé à l’humilité et à la modestie de la vraie science. — Enfin, à la loi d’évolution, d’autres opposent une loi de désintégration, de dissolution, qui marquerait le rythme de cette