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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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vient de chercher dans l’àmehumaine — ctdansune tendance commune à toute àme humaine — le point de départ de la vie religieuse. Et puisque cette tendance doit s’observer plus aisément chez le sauvage, c’est là qu’il faut la surprendre. Le problème est donc le suivant : « Découvrir un trait permanent du caractère ou de l’intelligence du sauvage, qui doit se retrouver en tout sauvage, du fait seul des conditions d’existence, … et auquel on puisse le ramener comme à sa cause. » Maiullibu, int., vm. Et voiciles grandes lignes delà reconstruction anthropologique : Cf. Jean Rrvillb, Les phases successives de l’histoire des religions, Paris, Leroux, 1909 ; Bros, art. cit., W. Schmidt, S. V.P. ; L’origine de l’idée de Dieu, Picard, 1910, ch. 11.

Ainsi une philosophie domine, commande, fausse l’interprétation des faits religieux : d’où, en face des mêmes faits, des interprétations radicalement différentes. Il importe de bien dégager cette philosophie, incluse dans les systèmes d’interprétation, « pour n’avoir pas l’illusion de ceux qui estimentque l’avenir du christianisme se jouera sur le champ de bataille de l’histoire comparée des religions ». Cf. L. DR Grandmaison, op. cit., p. 42- Dans le même sens, Mainagr, art. cité, p. a5-a6.

1) Tendance primitive et universelle citez le sauvage à tout animer autour de lui. — Selon le résumé qu’en a tracé A. Lang, Myt. Cuit. Relig., i r, r éd., 1887, ch.n :

« En psychologie, le sauvage, c’est l’homme qui

étend inconsciemment à tout l’univers la conscience qu’il a de sa personnalité, regarde tous les objets naturels comme des êtres intelligents et animés, et qui, ne tirant aucune démarcation bien nette entre lui et toutes les choses qui existent en ce monde, est facilement convaincu que les hommes peuvent être changés en plantes, bêtes ou étoiles, que le venl et les nuages et l’aurore sont des personnes qui possèdent les passions et les qualités et les passions des hommes… » Ainsi, chez le sauvage, « confusion de toutes choses : elles sont supposées être également toutes vivantes et intelligentes » ; pas de distinction entre l’animé et l’inanimé, pas de séparation entre les règnes ; « aucune ligne de démarcation entre les hommes et les choses qui existent en ce monde j.Les êtres ainsi créés, les êtres spirituels, c’est-à-dire indépendants des corps, résultat de cette tendance, sont construits sur le modèle de leur propre expérience ; ils sont à base d’anthropomorphisme. Cf. Tylor, Prim. Cuit., I, 543. — A. Lang, op. cit., c. m etiv.

— Marillibr, Grande Encyclopédie, art. Religion.

Pour ces primitifs de la pensée, la logique n’a pas encore fait son œuvre ; organique, vivant, humain, correspondent à desclassificationsqui s’élaboreront seulement plus tard. Pour eux, en définitive, toutest sur le même plan, tout se ressemble et leur ressemble. C’est une spontanéiléd’imagination qui instinctivement configure le monde à leur propre image. Loi universelle, c Tous les sauvages ont une conception animiste du monde. » Marillikr, op. cit. Loi nécessaire. Elle résulte d’une tendance normale.

Onlevoit, cette description de la mentalité du sauvage est à base strictement psychologique et individualiste, par suite en radicale opposition avec la théorie sociologique, et aussi avec toute explication métaphysique.

a) La même tendance animiste se révèle chez l’enfant. — Suivant la loi biogénétique, l’histoire de l’individu récapitule l’histoire de l’humanité, ou, sous la formule plus savante, l’ontogenèse reproduit la phylogénèse. A Comte utilisait déjà cette loi pour vérifier dans le développement intellectuel de l’enfant la loi des trois états et leur succession dans l’huma nité. C. d. ph. pos., 2" leç. ; l’évolulionnisme en a fait un dogme fondamental. Cf. Harckbl. L’école anthropologique l’applique à l’origine de la religion chez le primitif, confirmée par la psychologie de l’enfant. Au début de sa vie, l’enfant ne faitpas nettement la distinction du moi et du non-moi ; en particulier, il tient tout pour vivant autour de lui. Il se fâche un peu plus tard contre l’objet inanimé qui l’a blessé et il le frappe pour le punir ; il prête sa propre vie à ses jouets, à sa poupée, à son cheval de bois ; il croit lui aussi spontanément, activement, à cette animation. La foi animiste du primitif se révèle entière en lui. Cf. Tyi.or, op. cit. ; pour Sal. Reinach, Cuit. myt. relig., la preuve évidente que l’enfant naît animiste — et totémisle — est donnée dans le fait de l’attraction singulière et de l’irrésistible sympathie de l’enfant pour les animaux, t. I, p. 4. — et aussi dans la prédilection de l’enfant pour la fable animale, survivance de la mentalité de l’homme au temps où les bêtes parlaient… Cf. Marillibr, art. cit. ; Goblbt d’Alviblla, L’idée de Dieu, d’après l’anthropologie et l’histoire, Alcan, 1892.

Quelques auteurs développent plus complètement la logique de l’évolulionnisme ; et de même qu’ils retrouvent en l’enfant la psychologie du primitif, ils découvrent la même tendance dans l’animal. En vertu de la même loi de continuité, celui-ci doit manifester déjà quelque chose de toutes les dispositions qui apparaîtront dans l’homme, et par suite on doit retrouver en lui les premiers linéaments des tendances religieuses. Cf. van Endb, Histoire naturelle de la croyance, i re part. L’animal, Paris, 1887. Sal. Reinach attribue à l’animal des scrupules, le scrupule du sang de l’espèce ; et les scrupules, comme pour l’homme, sont le commencement des tabous et de la religion, sp.cit., int. 2.

3) Cette uniformité de tendance du primitif explique la ressemblance des faits religieux, prière, sacrifice, communion, rites matrimoniaux, funéraires, etc. et la ressemblance des mythes, à travers les âges, et en des sociétés entièrement séparées. — Il existe « une surprenante monotomie des idées », « une étrange récurrence des faits », « une frappante concordance » entre les explications mythiques des peuples. Cf. Marillibr, introd., A. Lang, op. cit., Myt. Cuit. Rel., 1897, xii, xiv ; mythes du Déluge, de l’avaleur des eaux, de la terre pêchéc, de la vierge qui donne naissance à un héros, de l’enlèvement du feu, de l’origine de la mort… « L’humanité, livrée à elle-même se répète elle-même perpétuellement, ses créations inconscientes sont jetées dans le même moule et les idées comme les mots qu’elle enfante se développent et se diversifient en conformité aveedeslois toujours pareilles. » Cf. Marillibr, op. cit., xiv.La religion se répète « en se reproduisant à l’infini, comme les images que se renvoient deux miroirs opposés ». Hubbrt, Introd. à Chantbpib nu la Saussaye, Manuel d’histoire des religions. — En particulier, le totémisme serait une preuve de l’universalité de l’animisme, d’où sortirait l’idée d’une parenté de l’homme et de certains animaux. Ita A. Lang, Frazkr, etc.

4) Celte ressemblance des faits et des mythes religieux s’explique elle-même par l’identité foncière de l’esprit humain. — Les lois constatées du développement religieux sont universelles : les circonstances locales, diverses, temporaires sont impuissantes à rendre compte de cette étroite parenté, - pas davantage l’hypothèse d’emprunts n’est admissible, chez des peuples entièrement séparés, et sans contact les uns avec les autres ; l’hypothèse d’une tradition commune, résultat d’une révélation primitive, ne relève pas de la science. II reste donc qu’il faille chercher