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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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à concevoir tous les corps extérieurs quelconques naturels ou artificiels, comme animés d’une vie essentielleanalogue à la notre, avec desimpies différences mutuelles d’intensité’». De plus, à l’élude de l’Individu, il faut substituer l’étude de l’espèce, par l’histoire : d’où la recherche des origines. Cf. Tylor. Primitive Culture, c.xi, p. ^7 ; sur ce rapprochement, cf. Pinard, S. J., L’étude comparée des reUgions, Reauchesne, 1922, t. I, p..’/6.S. A cette tendance se rattache aussi le nom de Vachrrot, De la Religion, Paris, 1869, qui oppose aux explications théologiques, métaphjsiques ou historiques, une interprétation purement psychologique, (par l’activité créatrice de l’imagination, dans l’enfance de l’individu, comme dans l’enfance de l’humanité. Cf. p. 209-2 i.V Sur les précurseurs de l’étude des « sauvages », au xvme siècle, L. Vico, Court de Gébelin, etc., Pinard, op. cit., p. 211.

Ce sentier où avaient marché les prédécesseurs est devenu maintenant une grande route », écrivait A.L.ANG, dès 1887, M) t. cuit. et relig., p. 29. — « Tylor, Spencer y étaient passés ». « On exagérerait diflicilenient la valeur documentaire et l’importance théorique de l’ouvrage (de Tylor) Primitive Culture, Londres, 1871. C’est le monument durable de la science ethnologique au dix-neuvième siècle. Tylor devenait le fondateur incontesté de l’école anthropologique ». Cf. F. BouviKn. Hech. d. se. relig. 191 1,

« Animisme, préanimisme ». Spencer, dans ses Principes

de Sociologie, I, 1876, ’^attache aussila religion à une tendance psychologique, interprétation du rêve, d’où sort la notion d’un double et de la survivance des ancêtres, premier objet de la religion. > — Après eux, et parmi les représentants plus connus de cette école, il convient de citer Mannhart, Mac Lennan, Andrew Lang — un des plus remarquable » interprèles de cette doctrine en sa première manière, — Rober son Smilh, Tiele, Jevons, Frazer, Goblet d’A'.viella, van Gennep, etparmi leurs disciples français, surtout Léon Marillier, Salomon Reinach, etc., qui ont popularisé en France cette doctrine.

II. L » a postulats. — Trois postulats, d’ordre philosophique, sont placés tout au début de l’interprétation de l’école anthropologique, et dominent, exprimés nettement ou sous-entendus, tout le développement du système. Ces postulats ne sont pas d’ailleurs exclusifs à cette école et se retrouvent dans la plupart des systèmes. Cf.BRos, Semaine d’ethnologie religieuse, i<j15 ; « L’animisme de Tylor et de Spencer 1 ; Mainagb, Fev. dephil., 192 1 p. 1 32.5 ; L. de Grandmaison, ^ Christus, c. 1, 3g sq.

1) Postulat agnostique. — L’origine de la religion doit se chercher uniquement dans les facultés humaines ; la religion ne peut être qu’une création de l’homme, un produit de son imagination, sans que rien de transcendant corresponde au dehors à cette création ; les âmes, les esprits, les dieux, sont les moments successifs de cette création. On ne saurait d’ailleurs imaginer, pour une religion particulière, spécialement pour le christianisme, une solution exceptionnelle. Il n’y a pas de religion privilégiée, avec une origine privilégiée ; l’origine doit être commune, l’explication commune, le développement conforme aux lois générales. — Donc, pas de révélation, apportant du ciel une dogmatique, une morale, un culte tout faits ; pas davantage, une métaphysique, théodicée rationnelle.fcherchant d’abord en Dieu le point d’attache de la vie religieuse.C’est en l’homme, exclusivement en l’homme, qu’est ce point de départ, cette origine et cette (in de la religion : spontanéité qui explique le caractère instinctif et universel de la

vie religieuse, à travers les âges. « A moins d’admettre l’hypothèse gratuite et puérile d’une révélation primitive, il faut donc chercher l’origine des religions dans la psychologie de l’homme, non pas de l’homme civilisé mais de celui qui s’en éloigne le plus ».Sal. Reinach, Cultes, Mythes et Religions, t. I, 1, Paris, Leroux, 1905.

2) Postulat évolution/liste. — Une loi générale, unique, paraîtdominer l’univers. C’est la loi d évolution. Appliquée tour à tour au monde céleste, au monde terrestre, à l’origine et au développement de la vie. dans les sciences biologiques, à l’apparition de la conscience et à ses complications progressives en psychologie, au développement de3 sociétés, avec la sociologie, l’évolutionnisme a paru rendre compte, avec une merveilleuee aisance, des complications croissantes de la matière, de la vie, de la pensée. Il suffit donc, par une méthode vraiment scientifique, d’étendre cette loi de tous les faits au fait religieux. Pourquoi celui-ci serait-il seul à échappera cette domination universelle ? Pourquoi ici cette exception singulière, injustifiée et antiscientifique ? Si l’évolution est la loi de tout l’univers, et de tout l’homme, elle doit l’être aussi de l’homme en tant que religieux.

Or la loi d’évolution est essentiellement une loi génétique ; elle explique le passage graduel du plus simple au composé, de l’homogène à l’hétérogène, de l’inférieur au supérieur. Pour expliquer l’origine du fait religieux, comme pour tous les faits, il faut donc regarder vers les formes les plus rudimentaires, tenues pour primitives.

Ces formes élémentaires de la vie religieuse, l’école anthropologique — comme le système sociologique et parce qu’ils sont tous deux évolutionnistes, — les découvre chez les peuples sauvages, — ou non civilisés — ou « primitifs », parce que, par hypothèse, ils doivent représenter plus exactement l’état primitif de l’humanité. Pour la vie religieuse, comme pour lamorale individuelle, comme pour la famille, comme pour la société, comme pour le langage, comme pour la pensée, le non-civilisé représente une expérience privilégiée, le point de départ de l’évolution, et presque la spontanéité native. Dans tous ces cas, sauvage = : primitif. Par delà l’histoire, réservée aux peuples civilisés, l’ethnographie apportera ses documents et permettra de rejoindre la préhistoire de l’humanité. Cf. Tylor, Prim. Cuil., passim.

3) Postulat déterministe. — Il n’y a pas, nous dit-on, d’hiatus et il ne peut y en avoir dans le développement de l’humanité, et par suite dans la connexion des formesreligieuses ; elles s’engendrent les unes les autres, elles sont en dépendance les unes des autres, fruits naturels et nécessaires des antécédents, des milieux, du degré de culture. « Le principe du développement de la religion est l’application à l’histoire du principe de continuité… que tout tient atout, qu’il n’y a de solution de continuité que pour nous, là où la lumière nous manque. » Cf. A. Rkvillk, Prolégomènes de l’histoire des religions, Paris, Fischbacher, 4’éd. 1886, p. 73. D’où, pour aucune des religions, et en particulier pour la religion chrétienne, pas de transcendance : mais la loi commune, l’origine commune, le développement identique, et, par suite, la même valeur relative. La suite de la religion représente, suivant ce qu’en dit Lessing, l’éducation religieuse du genre humain. S’il y a eu des temps d’arrêt ou de recul, cependant dans l’ensemble la direction n’est pas douteuse. Cf. Goblbt d’Alviella. L’idée de Dieu, Paris, 1892.

III. L’explication. — Sous la- diversité des religions, il y a donc la continuité de la religion. Il com-