Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/413

Cette page n’a pas encore été corrigée

813

RÉGAL K

814

perdre Je vue l’origine historique et le caractère particulier ; il devint un attribut de la couronne, une prérogative dislinctive, inaliénable, universelle, exclusive.de la monarchie française.

» : 'est de ce contre-sens que devait naître la seconde querelle de la Régale, sous Louis XIV. A vrai dire, elle n’est que le dernier épisode qui marqua la lente et silencieuse invasion de la France entière par le droit de Régale.

Déjà aux xv' et xvi' siècles, les légistes delà maison de Valois avaient trouvé le moyen d’y soumettre d’une manière détournée les évèchés qu’exemptaient les renonciations de leurs anciens seigneurs (Narhonnc et Toulouse), les privilèges royaux (Bordeaux et Aucli (?)), ou leur condition d’anciens pays d’empire (Aix, Arles). Lesofllciers royaux, à chaque vacance, prennent possession des bâtiments et des domaines dans toute la France : dans le Nord au titre ( ! I légale pleine, ailleurs au titre de garde, en réservant toutefois, dans ce dernier cas, les revenus au successeur (Pamiers i<î8/ (, Montauban 1486, Béziers i.' » yi, Sarlat 14<j3, Cahors 14y4, Carcassonne 1498, Saintes 1506, Limoges 1511, e*tc).

Dès le début du xvne siècle, les parlements essayent d’effacer cette distinction. En 1608, le Parlementde Paris rend un arrêt célèbie, déclarant que le droit de Régale s'étend à toutes les églises du royaume. Le Clergé proteste ; le roi, à sa demande, évoque l’affaire a son Conseil. L’instance traîna pendant trois quarts de siècle. L'édit de 1673 trancha le débat en faveur de la thèse parlementaire. Les évéques du Midi, qui n’avaient pas fait enregistrer leur serment de fidélité, devaient accomplir cette formalité dans un délai fixé, sous peine de voir s’ouvrir la Régale dans leurs diocèses. Un second édit, en 1676, précisait quelques termes du premier et impartis6ait aux prélats un nouveau délai.

L’extension de la Régale à toutes les Eglises de France n’avait pour Louis XIV aucun intérêt financier. Depuis Charles VII, les revenus de la vacance des évèchés avaient été remis d’abord par grâce particulière, puis à partir de Charles IX, par une mesure générale et définitive, aux chanoines de la Sainte-Chapelle. Louis XIII, en décembre 164 1, les leur avait repris en échange de l’abbaye Saint-Nicaise de Reims, pour les rendre à l'évêque successeur. Sans vouloir reconnaître aux prélats un droit strict à cette libéralité, Louis XIV suivait l’exemple de son père et réservait seulement un tiers des fruits des vacances pour l'œuvre des nouveaux convertis D’autre part, la Régale spirituelle des évèchés du Midi augmentait d’une manière assez peu sensible le nombre des bénéfices soumis à la collation royale. Le roi voyait dans les Déclarations de 1673 et 1675 un moyen de finir d’interminables contestations et d’imposer au royaume le bienfait de l’uniformité. En réalité, suivant une remarque assez juste de M. Hanotaux : (Recueil des Instructions données aux ambassadeurs Rome. p. en), « le droit, peu important par lui-même, tirait toute sa valeur et de l'éclat du nom qu’on lui donnait.., et surtout de la mesure de précaution qu’il établissait, en ne laissant pas une minute d’interruption dans l’autorité continue du Roi sur l’ensemble de la fortune ecclésiastique ». En somme, l’extension de la Régale avait une valeur avant tout théorique ; et parce qu'à cette théorie, sur laquelle se fondaient les Déclarations, la plupart des évêques français étaient ou ralliés ou habitués, ils’en trouvaseuement deux — accoutumés par lesluttes jansénistes à faire bande à part : Pavillon d’Alet et Caulet de Pamiers, — qui protestèrent contre l’empiétement royal. Louis XIV fut irrité de la résistance des

deux vieux jansénistes ; mais il fut surpris —et toute la France avec lui — quand, à l’avènement d’Innocent XI. la cour de Rome, muette jusqu’alors, répondit à l’appel des deux prélats et se rangea de leur côté. Je n’ai pas à raconter comment, après la mort de Pavillon (1677), tout le poids delà lutte enFrance retomba sur Caulet, puis sur son chapitre, fidèle à son attitude. Quatre brefs du pape ne parvénantpas à convaincre le Roi du mal fondé de ses prétentions, l’habileté et les viole, « s naturelles, ou calculées, du Cardinal d’Estrées n’entamant pas la résistance d’Innocent XI, l’Assemblée du Clergé, se réunit pour opposer la doctrine gallicane comme un rempart contre les coups que Rome pourrait être tentée de porter au Roi. Sur le chapitre même de la Régale, le roi et les évêques comprirent qu’il fallait donner satisfaction à la doctrine commune et incontestée de l’Eglise ; d’autant que l’extension de la Régale à tous les évèchés, déjà contraire au Concile de Lyon, se compliquait de tentatives plus graves encore pour remettre à la collation royale certaines prébendes auxquelles charge d'âmes était annexée. Un accord intervint : les évêques acceptèrent l’extension de la Régale à tous les évèchés de France, le Roi promit que les pourvus en Régale prendraient des Ordinaires la mission canonique. Proposée à la bénédiction du pape, la convention fut condamnée par lui. La fameuse Déclaration des quatre articles suscitait du reste, entre notre épiscopat, le Roi et le Pape, un conflit dont la gravité rejeta au second plan la question de la Régale. Après dix ans de lutte, en 1691, les cardinaux de Forbin Janson, d’Estrées et de Bonzy, parvinrent, pendant le conclave dont le Cardinal Pignatelli sortit pape sous le nom d’Innocent XII, à trouver et à faire accepter la transaction qui permettait de donner des évêques aux trente évèchés vacants en France ; on sauvegardait la doctrine catholique, sans trop maltraiter l’amour-propre des gallicans : il fut entendu que le Souverain Pontife ferait le silence sur la question de la Régale. Innocent XII se contenta, en effet, d’interdire aux nouveaux évêques du Midi tout acte qui directement soumettrait leurs sièges au droit de Régale. Cela ne tirait pas à conséquence : la régale ne s’ouvre que quand il n’y a plus d'êvêque.

A partir de ce moment, l'édit sur la Régale de i(18a est régulièrement appliqué jusqu'à la Révolution. Avec la fortnne de l’ancienne Eglise gallicane, le droit de Régale aurait dû disparaître. Napoléon le fit revivre par un décret du 6 novembre 181 3. Mais on n’en parla guère durant tout le xix' siècle. Depuis 1 883, la troisième République jugea opportun de le ressusciter encore et l’appliqua aux biens des menses épiscopales, avec cette aggravation inconnue à l’ancien régime, incompatible même avec les caractères que la Régale tient de son origine : la vente des immeubles et leur conversion en rentes sur l’Etat. Au moment de la Séparation des Eglises et de l’Etat, quelques menses furent encore saisies en vertu de ce droit. La liquidation des biens des églises ne laissera sans doute aucune place dans les lois à ce vieux souvenir de la féodalité.

Bibliographie. — I. Sur la Régale en général. Bourgain. Etudes sur les biens ecclésiastiques avant la Révolution. Paris, 1890 (livre IV). — [Ant. Charlas| Causa refealiæ penitus explicala…, etc., Leodii 1680. — G. Desjardins, Le droit de Régale. I.'adminibtration des menses épiscopales durant la vacance des Sièges. Extrait des Etudes, tomes XLV.XLVI, XLVII. Paris 1880. — Durand de Maillane, Dictionnaire de droit Canonique … Lyon