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REGALE

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par le loi aux églises. C’est ce dernier élément seul que relieunent Ruzé, Marca, Fleury et de nos jours Phillips, Hauck, etc.

Plus récemment, une théorie nouvelle a été proposée : M. Ulr. Stutz voit dans notre droit un démembrement du droit germanique de propriété sur les églises privées, qui, aux ixe et x « siècles, se serait étendu aux évêchés et grandes abbayes.

L’appropriation progressive des églises — qui n’a du reste absolument rien de particulièrement germanique, — pendant les années qui précédèrent la réforme grégorienne, est un fait auquel se rattache en effet le droit de Régale ; mais loin d'être un démembrement de la propriété, il paraît être plutôt le terme auquel, dans certaines régions, la résistance de l’Eglise arrêta dans leur évolution vers la pleine et absolue propriété les droits plus anciens qu’exerçaient les rois ou les Seniores : droit de garde, droit de patronage et autres, plus ou moins apparentés avec le vieux mundium mérovingien.

Dès les temps carolingiens, les évêchés vacants sont dans la main du roi ; /'/ donne l'évéché, l’office comme les biens ; il semble même succédera l'évêque dans une partie de sa juridiction. Il n’est pourtant pas propriétaire ; les revenus ne vont pas à son fisc. Du temps d’Hincmar de Reims (fin du ix*sièclc)et de Gerbert(ûndu x c), nous rencontrons des économes ecclésiastiques administrant les biens des églises' veuves au profit du futur évêque, sous la protection et la garantie des princes francs et de leurs lois. Mais on sait aussi qu'à cette époque protection et propriété — au moins domaine éminenl — sont des idées connexes : les églises du midi de la France semblent être devenues, aux xe et xie siècles, de véritables propriétés privées. Dans le Nord de la France — le futur domaine du droit de Régale, — l’appropriation des évêchés et des grandes abbayes paraît au contraire avoir été beaucoup moins complète.

Dès la fin du xi* siècle et pendant le xu% dans presque toute l’Europe occidentale, les princes perçoivent à leur profit les revenu » des églises vacantes, assez souvent pendant un an et un jour. En la plupart des régions, on qualifie encorecelad’abus : dans le Midi de la France, par exemple, c’est « une mauvaise coutume », à laquelle les princes finissent par renoncer : en Espagne, en 1130, Innocent II félicite l’archevêque de Compostelle de l’abandon fait par le roi Alphonse de cet usage inique ; en Angleterre, Orderic Vital signale dès 1089 son injuste introduction par les Normands ; le 1 a' statut de Clarendon, qui le consacre (iiô^), est condamné par Alexandre III, ce qui ne l’empêche pas de régir encore l’Eglise établie ; en Allemagne, pendant cent ans, les empereurs ne cessent de proclamer qu’ils détestent cette vieille coutume ; mais ils ne cessent pas non plus de prendre les fruits des évêchés vacants, jusqu'à ce que Frédéric II les abandonne à l’Ordre Teutonique (12a3). Dans la France du Nord, au contraire, c’est à cette époque un droit bien distinct de toutes les coutumes analogues ; un droit qu’on ne conteste guère, dont on condamne seulement l’extension ou l’exercice abusifs. Les premiers témoignages nets sont de naa et 1 1 a S. En souvenir peutêtre de l’ancienne protection générale du souverain carolingien sur toutes les églises de France, le roi oapétien, son successeur, exerce le droit dans quelques églises situées hors de son domaine propre. Il n’est pas du reste le seul seigneur qui perçoive à son profit les revenus de la vacance dans les évêchés et grandes abbayes.

En 1274, le second concile de Lyon reconnut l’existence de ce droit partout où la coutume ou une réserve des fondateurs l’avait établi, mais en modéra

l’usage et défendit de l'étendre aux églises jusqu’alors exemples.

Comme tous les droits de cette époque, le droit de percevoir les revenus des églises vacantes entra dans les cadres féodaux, et d’autant plus facilement que le domaine des églises était en grande partie formé par les libéralités des seigneurs et surtout du roi : terres et droits régaliens. D’où le nom donné bientôt à la dot des églises : Regalia, le mot est courant dès le xii' siècle ; c’est un pluriel neutre.

Ces biens sont remis à l'évêque après — quelquefois avant — qu’il a prêté un serment de fidélité, qui n’est pas, semble t-il, l’hommage du vassal. Néanmoins, la féodalisationde notre droit entraîne des conséquences pratiques et théoriques intéressantes. Déjà Philippe Auguste saisit tout le temporel de l'évéché d’Auxerre (y compris les dîmes), parce que l'évêque a failli à 60n devoir de vassal ; Philippe VI explique au pape que le fonds — pas seulement le revenu — revient en la main du suzerain, parce qu'à la mort de l'évêque le fief n’a plus d’homme pour rendre le service féodal ; de là découle aussi la compétence exclusive du parlement de Paris en matière de régale, etc.

De très bonne heure, et peut-être aussi en vertu du principe féodal qui remettait au suzerain, pendant que le fief était en sa main, la collation des bénéfices mineurs dont le vassal était patron, le roi nomme aux prébendes de certains évêchés vacants, mais non pas de tous. Pendant le xni* siècle, la curia régis tranche les différends à ce sujet d’après la possession immémoriale. Quand S. Louis croyait son droit de collation établi par la coutume, il n’hésitait pas à le défendre, même contre le pape. Mais à partir de 130g, le procureur du roi prétend que le prince est en possession de conférer les prébendes o in regaliis per tottim regnum ». En 1330, Guillaume du Breuil introduit cette doctrine dans le Stylus petits I’arlamenti. Désormais on dira : Bénéficia suni 'infructu. Ce droit de collation s’appellera plus tard la Régale spirituelle ; la perception des revenus s’appellerala Régale temporelle ; l’une et l’autre s’ouvrent à la mort de l'évêque ou à sa translation, déposition, élévation au cardinalat ; l’une et l’autre se closent à la prestation du serment de fidélité, plus tard à l’enregistrement de ce serment à la Chambre des comptes de Paris, voire même à la signification de cet enregistrement aux officiers du roi chargés d’administrer les biens de l'évéché vacant.

Le premier conflit sérieux entre les rois et les papes au sujet du droit de Régale, est celui qui s'éleva entre Philippe le Bel et Boniface VIII. Non content de réprouver les abus commis à l’occasion de son exercice, le Pape voulut : 1) obtenir du roi — simple laïc — qu’il ne prétendit pas conférer plenojure des bénéfices ecclésiastiques, mais seulement par dispense et permission pontificale ; 2) il alla même plus loin : le droit de percevoir les revenus des évêchés vacants n’est pour lui qu’un abus : la Régale n’est qu’un droit de garde, les fruits doivent être remis à l'évêque successeur (Bulle Ausculta fili, 5 décembre 1301). On sait la tempête que soulevèrent en France ces déclarations. Le dernier pape d’Avignon, Grégoire XI, reconnut solennellement en 13^5 le droit de Régale tel qu’il était appliqué dans le royaume.

C’est vers cette époque que le droit de percevoir les revenus des abbayes vacantes tombe peu à peu en désuétude.

III. — Le nom même que, dès le haut moyen-àge, on avait donné aux biens épiscopaux — regalia, — eut une étrange influence sur l'évolution de notre droit. Ce pluriel neutre, devenu dès le xiv" siècle le féminin singulier Regalia ae, la Régale, en fit