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au Christ, en tant qu’ils agissent conformément an principe de l’amour ; — /’) surtout par son retour à l’Ecriture, qu’il établit aupoinl de départ de la théologie ; — c) et par le double fondement de la « justiticalion » et de la « rédemption », qu’il assigne à son système, Ritschl avait paru un instant réhabiliter une sorte de tradition au sein du protestantisme. — En réalité, au nom de ces divers principes, il n’avait fait qu’accentuer l’individualisme feux, en couvrant une pensée extrêmement subjectiviste d’un formalisme verbal. En soi, les notions religieuses, les jugements qu’on en porte (Scinsurteile) n’ont pour lui aucune utilité : il n’y a d’essentiel que les jugements devaleur( M’erthurteile) sur ces notions, c’est-à-dire la valeur subjective que que ces notions ont pour tel ou tel, lorsqu’il les retrouve et les saisit dans les Livres Saints.

4° La pensée de Ritschl a informé plus ou moins la « religion » actuelle des libéraux, revêtant bien des formes qui pourraient assez bien être représentées par celle où se comptait, précisément, un disciple de Ritschl, Kattbnbusch (Von Schleiermacher zu Ritschl, etc. Giessen, 18y3, p. 38). Celui-ci se réjouit des perspectives ouvertes au protestantisme par la théorie ritschlienne, et qui aboutissent à une sorte de communion spirituelle autour de la langue de la Bible et de la Réforme : * Celte langue est un trait d’union comme la langue populaire… Qu’on se réjouisse de ce que tous les théologiens se rassemblent autour des mêmes mots I » De cela, il résulte que le ritschlianismeet ses dérivés ne pourront pré tendre à vivitier le protestantisme, à en devenir l’essence, que si celui-ci renonce à l’espoir de grouper en une Eglise les pensées libres de ses lidèles. Bot’TROux l’a bien jugé lorsqu’il a noté que l’écueil dece système, « c’est un subjectivisme sans contenu ». (Science et Religion, 1908, p. 3a3). Un autre écueil, dont il faut parler hardiment, sera de se réduire en pratique, si le ritschlianisme sort jamais d’une aristocratie intellectuelle et descend jusqu’à la masse des lidèles, à un psittacisme religieux.

5° Du Ritschliani-me à la Religion de l’Esprit de A. Sabatikr, il n’y a plus un long chemin à parcourir. Aux formules sans contenu, répond bien l’idée d’une religion sans dogmes autres que des dogmes dont la valeur serait purement pédagogique et non obligatoire.

Si l’essence du protestantisme ne saurait se rencontrer dans une doctrine, il reste qu’on la cherche t ; ut simplement dans un esprit ou, comme on dit aujourd’hui, dans une mentalité spéciale.

i" M. Harnack voit dans l’Evangile l’aliment de cet esprit. « Le protestantisme, dit-il, compte sur la nature de l’Evangile, qui est chose assez simple, assez diverse, et par conséquent assez vraiment humaine pour se faire connaître, sûrement, si on lui laisse la liberté, et pour faire naître aussi dans toutes les âmes des expériences et des convictions identiques. » (L’Essence du christianisme, trad. nuuv., Pari=, 1907, p. Zi")). — La communauté spirituelle qui résulterait, entre protestants, de cette entente sur l’Evangile, serait chose in Uniment plus importante et plus précieuse que « tout ce qui les divise », car elle répondrait à leur volonté de constituer un « royaume spirituel », et elle les préserverait ainsi, croit M. Harnack, du reproche d’émietteinent

En effet ! — Mais en se résignant, sans le dire, à l’émiettement, en subordonnant toujours l’expérience collective à l’expérience individuelle, par en renonçant implicitement à la notion d’Eglise ! -- » Que celui qui use d’une Eglise semblable, ise comme n’en usant pas ! i> dit encore M. Har nack. Le conseil est sage, car, aux frontières indélinies de cette Eglise, peuvent fréquenter tous ceux qui, ne cherchant pas dans l’Evangile une direction normative et ne reconnaissant pas non plus son autorité divine, se contentent d’y puiser un idéal attachant de beauté morale. — Or, il n’y a pas besoin d’être protestant pour cela. Sous cet aspect, le protestantisme ne se distingue plus du rationalisme pur et de la libre-pensée, à moins que ce ne soit la libre-pensée qui l’enveloppe et l’absorbe, au point qu’il devienne, suivant la parole de M. Mknbooz, une o collection des formes religieuses de la libre-pensée ». Mais alors, c’est d’une autre question qu’il s’agit : celle de savoir jusqu’à quel point la libre-pensée peut se couvrir de formes religieuses, ou les remplacer, jusqu’à quel point elle peut être un élément de cohésion entre ses adeptes.

Ainsi, pour que l’Evangile fut un lien véritable, à lui seul, entre les diverses fractions de la Réforme, il faudrait qu’elles s’entendissent sur « on autorité et son contenu. El c’est ce qui n’est pas, ce qui ne peut pas être, une Eglise étant autre chose qu’une

« agglomération de personnes réunies pour étudier

les questions de théologie » dans leur rapport avec l’Ecriture et la conscience. — Le catholicisme l’a bien compris : pas plus qu’il ne repousse la religion intérieure, les développements^e la piété individuelle, il ne ne refuse à personne l’Evangile de Jésus Sauveur. Mais, convaincu de sa mission sociale, il explique d’autorité cet Evangile, afin qu’il ne demeure pas le privilège d’une petite élite intellectuelle, vaguement religieuse, mais soit un principe actif d’unité.

2 Pour conclure, il faut donc recourir à cette observation de fait, que ce qui unit in concreto les diverses confessions protestantes, c’est plutôt une idée contie qu’une idée pour.

Ce n’est guère, en effet, qu’en face de l’Eglise romaine qu’ils trouvent toujours un terrain de ralliement et font preuve d’un peu de cohésion et d’unité. A cet égard, le qualificatif de protestants, que nous leur donnons et dont ils se réclament, garde toute sa plénitude de sens et demeure historiquement exact.

Le Los von Rom est une simple négation, et n’offre pas une base positive à un édiûce solide. Il n’est pas défendu d’y voir « l’essence » des protestantismes d’autrefois et d’aujourd’hui. Mais, pour la bien connaître et pour l’appréciera sa valeur, c’est au traité de l’Eglise qu’il faut recourir. La Réforme a été impuissante à le construire pour elle ; elle a aidé le catholicisme à l’achever pour lui. — C’est à ce traité que nous renvoyons une dernière fois le lecteur de cet article.

Claude Bouvier


RÉGALE. — I. Définition ; II. Origine ; III. La querelle de la Régale sous Louis XIV.

I. — Comme beaucoup d’autres prérogatives de la couronne, le droit de Régale serait profondément oublié s’il n’avait mis aux prises Louis XIV et Innocent XI et provoqué la crise gallicane de 1682. On le définissait alors le droit qu’avait le roi de percevoir les revenus des évèchés vacanls et d’y conférer les bénéfices sans charge d’àmes à la nomination rie l’évêque.

II. — L’origine dece droit est très controversée. Mézeray le faisait dériver du spolium : clercs et seigneurs avaient coutume de piller le mobilier des évêques. Pithou el Durand de Maillane, du droit de garde, auquel Noël Alexandre et P. Viollet joignent la concession de fiefs(terres et droits régaliens) faite