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une assez riche littérature religieuse et apologétique. Eu i>'/i| 93, parut la version de la Bible îles Frères (Bible Kraliekd), qui. pour le développement de la Langue (choque, a un sens comparable à celui île la Bible île Luther pour la langue allemande.

Le roi Rodolphe (1Ô76-161 1) ne changea rien au stalu ijuo. Les catholiques, qui pouvaient former encore un cinquième de la population, se fortifiai* ni à vue d’oeil, intérieurement et extérieurement. Chez les Néoutraquistes (près des trois quarts de la population), en dépit de la tolérance on put observer un déclin manifeste. Les prédieants importèrent d’Allemagne les divisions religieuses des protestants allemands. Faute de sentir au-dessus d’eux aucune autorité, ils étaient sans discipline, sans formation, sans influence morale. Les pasteurs se faisaient les scr iteurs des patrons, qui retenaient pour eux-mêmes les biens d’Eglise et fondations, nommaient et déposaient à leur gré les prédieants. L’émoi l’ut grand chez les protestants quand Rodolphe, en 1O02, publia contre les « Pickards » un édit, dont les termes pouvaient aisément être tournés contre les Luthériens (restitution des églises, etc.). Les seigneurs formèrent une nouvelle ligue, et comme Rodolphe était embarrassé par son eonllit avec son frère Matthias, ils réussirent à lui extorquer la « lettre de Majesté » (1609) : les adeptes de la Confession de Bohème, à laquelle se rallièrent encore ies Frères conduits par YVenceslas Budovec de Budov, obtinrent la liberté religieuse. Les Protestants tinrent un consistoire à part, où les Frères eux-mêmes furent représentés. Mais ceux-ci maintinrent au sein du protestantisme leur organisation propre et reconnue. L’Université fut adjugée aux Prolestants. Quinze défenseurs furent désignés pour veiller à l’exécution de la loi. Des violences contre les catholiques suivirent le triomphe des protestants : à Prague, des églises et des cloîtres furent livrés au vandalisme et détruits, des prêtres massacrés (dont i ! franciscains en 1611).

Les conflits s’aggravèrent sous le roi Matthias (1611-29), à l’occasion de l’interprétation de l’acte d’union (porovnanï) annexé à la lettre de Majesté. Chaque parti devait avoir le droitde bàtirdes églises sur les terres seigneuriales et dans les villes royales. Les Protestants prétendirent en conclure qu’ils pouvaient construire des temples même sur les terres d’Eglise, celles-ci étant propriété du roi. Là-dessus, l’abbé bénédictin de Broumov (Braunau) dans la ville de Broumov, et l’archevêque de Prague dans sa ville de Uroby (Klostergrab), firent opposition aux constructions protestantes. Les protestants recoururent au roi, qui donna gain de cause aux possesseurs catholiques. De là naquit l’insurrection protestante de il’) 1 s, origine de la guerre de trente ans. Le roi fut déclaré déchu, et un calviniste, Frédéric von der Pfa’z, élu à sa place. Aussitôt éclate une persécution contre les catholiques, les jésuites sont expulsés, avec eux les chefs du mouvement catholique. La Moravie et la Silésie adhérèrent à la conjuration (martyredu B. Jean Sarkander à Olmutz, 1620). Pour le couronnement de Frédéric, l’église de saint Guy à Prague l’ut, par une barbare destruction d’images, r -diiie à la « simplicité » calviniste. Le8 novembre 1620. le règne du « roi d’hiver » et l’insurrection de Bohème trouvèrent une fin sanglante à la bataille de la Montagne Blanche (Bila llora). Le protestantisme était frappé à mort ; les chefs de la conjuration furent exécutes (à titre de rebelles, non à titre de protestants), la noblesse coupable et les villes furenl frappées d’amendes, d’une confiscation d’une partie île leurs bien*, et de restriction de leurs libertés anciennes.

III. Réforme catholique, jusqu’à Védil de tolérance. — La Lusace fut, eu 16a3, séparée delà couronne de Bohême et entièrement protestanlisée par les Saxons. Mais en Bohème, en Moravie, en Silésie, la contre-Réforme catholique débuta en 162^. Les prédieants évangéliques furent expulsés du pays, les églises rendues aux catholiques, l’université de Prague et l’inspection des écoles dans tout le paya contiées aux Jésuites. Par une application du principe mis en avant parla Réforme protestante : cuius regio. illius religio ( 1 555), les possesseurs des terres furent mis en demeure de revenir à la foi catholique ou de s’exiler. L’exécution n’alla pas partout sans peine. Environ 158 nobles, et en tout 36. 000 familles vendirent leurs propriétés et partirent. Au nombre des partants se trouva le célèbre écrivain des Frères, Jean Amos Komensky 15g2-16^3), évêque de l’Union (Jednota). Les propriétés confisquées et abandonnées passèrent souvent à des mains étrangères, surtout allemandes. Aussi les Tchèques considèrent-ils la bataille de la Montagne Blanche comme un désastre national, d’autant que les catholiques demeurés sur place, la noblesse en particulier, perdirent de plus en plus le sentiment national. Cependant il est à remarquer que dès avant 1620 la noblesse subissait de plus en plus l’emprise allemande ; l’introduction massive de prédieants protestants dans le pays ne put que la fortifier. Le vrai sentiment national semble ne s’être conservé que dans la Jednota Bratrska. Mais cette « Union fraternelle » reformait qu’une partie inlime de la population. Frédéric von der Pfalz, qui, au dépit de la noblesse locale, s’était entouré de purs Allemands, n’était sûrement pas plus qualifié pour le maintien du caractère national de la Bohême que les Habsbourg. C’est bien plutôt le déclin de l’Eglise comme telle, cette source fatale de luttes et de dévastations séculaires jusqu’au terrible dénouement de la Montagne Blanche, que le peuple tchèque doit tenir pour la cause profonde de la perte de sa liberté et de son antique splendeur.

Il faut encore observer que la conversion du peuple à la foi catholique ne fut pas principalement une œuvre de violence, mais avant tout l’œuvre de l’abnégation et du zèle éclairé des évêques.du clergé, notamment desjésuites. Celteactivitéavait d’ailleurs commencé bien avant 1620 ; mais à partir de cette date, elle put s’exercer librement. La conversion fut intime et profonde.

En Silésie et en Slovaquie, les Protestants réussirent mieux. En Silésie, ils furent soutenus par les ducs (Liegnitz, Brieg, Wohlau), ou tolérés (Teschen ) ; plus tard, CharlesXII de Suède, lors de la Convention d’Altranstædt (1707) obtint pour eux de Joseph 1 la liberté religieuse. D’ailleurs, en 1742, la plus grande part échut à laPrusse. Néanmoins, des blocs importants furent conservés au catholicisme.

La Slovaquie appartenait politiquement à la Hongrie, où les Protestants obtinrent la liberté en 1606. Elle avait échappé au Hussitisme ; mais le Luthéranisme s’implanta fortement parmi la noblesse et dans les villes, tandis que l’élément magyar inclinait au Calvinisme. La Réforme catholique n’y obtint jamais plein succès.

Sur les terres proprement tchèques, le Protestantisme ne survécut qu’à l’état occulte, là où le ministère des âmes s’exerçait insuffisamment, dans des villages reculés de la Bohêmeseptentrionale et de la Valachie. Il était alimenté par les réserves de littérature protestante transmises en héritage dans les familles, par des retours accidentels d’émigrés, par les émissaires du roi de Prusse qui, dans la conservation de l’esprit protestant parmi les populations