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REFORME

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lauræ d’Orange, pourtant peu après il dut céder devant le Calvinisme, qui était à la mort du dit prince(1584) la secte hérétique prédominante dans les Pays-Bas. Etabli comme Eglise réformée quelques années déjà avant 1566, le Calvinisme s’accrut bien vite. En voici les causes.

Les Calvinistes, qui arrivaient de Genève ou de France, se virent bientôt entourés parun grand nombre de disciples. Le sol des Pays-Bas était depuis déjà longtemps préparé par la corruption et l’indifférence en matière de religion. Surtout la vie sensuelle, qu’on menait à la cour des ducs de Bourgogue, exerça une influence funeste sur la noblesse, qui passait son temps en réunions, fêtes, jeux et autres plaisirs, de telle sorte qu’elle se trouvaitpeu à peu profondément endettée. Les riches bourgeois des grandes villes ne le cédaient guère à la noblesse pour la dépense et le luxe. La littérature du temps n’était pas sans contribuer largement au dévergondage des mœurs. La situation ecclésiastique n’était pas non plus très brillante dans la première moitié du xvie siècle. Une grande partie du clergé manquait de la formation nécessaire ; l’oisivité et l’immoralité en étaient souvent la suite. L’instruction religieuse était négligée, le dimanche n’était plus sanctilié. Quatre évêques seulement avaient la surveillance de dix-sept provinces.

Pour la plupart, de maisons nobles et princières, ils cherchaient leur puissance et leur considération personnelle, plus que le salut de leurs ouailles. Aussi le peuple vivait-il dans l’irréligion et l’immoralité ; à ce point que Marie de Hongrie, qui avait gouverné comme régente ces contrées pendant trente-cinqans, écrivait à Charles-Quint qu’elle ne voulait pas vivre plus longtemps chez un peuple qui n’avait plus de respect ni pour Dieu ni pour les hommes.

L’hérésie trouvait ainsi la voie ouverte. Les édits sévères, publiés par Charles-Quint avec l’assentiment des Etals-Généraux, eurent peu de résultat.Ici, un mot sur le nombre des soi-disant martyrs protestants (anabaptistes et calvinistes surtout). » Après un examen consciencieux de tout ce qui a été écrit sur la matière, notre conviction est que le nombre des véritables martyrs néerlandais, c’est-à-dire de ceux qui moururent uniquement pour leur foi, a été énormément exagéré… Le nombre total des martyrs protestants, dans les Pays-Bas, ne dépasse pas, d’après nos calculs, le chiffre de 2000 » (Van dbr Hakgiikn, Bibliographie, I, p. lvi). Et cela est calculé pour le nord et pour le sud des Pays-Bas, pour tout le xvi’siècle, pour toutes les Confessions : Anabaptistes, Calvinistes, Luthériens et Zwingliens. Il n’y a pas lieu d’insister, parce que les chiffres sont clairs et sûrs.

Le calvinisme trouvait ainsi peu de difficultés sur sa route. Les nobles donnaient l’exemple à la foule et favorisaient la nouvelle doctrine. Leur but, en amenant ces désordres, était de s’emparer des biens ecclésiastiques, pour couvrir leurs dettes et rétablir leur antique fortune. La haute noblesse avait déplus l’intention de chasser les Espagnols et de prendre en ses propres mains le gouvernement du pays. Le chef de ce mouvement était Guillaume de Nassau, prince d’Orange. Il vivait dans la dissipation, était accablé de dettes et indifférent en religion. Il avait eu une éducation luthérienne ; néanmoins il vivait à Bruxelles en catholique, et appelait encore en 156l les prédiennts des séducteurs du peuple et des bandits. En la même année il promit à Anne de Saxe qu’elle pourrait rester luthérienne, alors qu’il écrivit à Philippe II que son épouse pratiquerait le catholicisme, Un peu plus tard Guillaume était derechef luthérien, puis devint calviniste, en vue de con quérir la Hollande. La religion lui servait uniquement de prétexte pour réaliser ses ambitieux desseins.

En 1 555, Charles- Quint remit le gouvernement des Pays-Bas à son fils Philippe II. Celui-ci, bien que prince sage et prudent, était trop Espagnol de sang et d’éducation, pour que ses sentiments pussent cadrer avec ceux de ses nouveaux sujets ; ne se sentant pas chez lui en Hollande, il retourna bientôt en Espagne (1 559). Marguerite de Parme eut la régence ; Guillaume d’Orange avait espéré l’obtenir, et de dépit il commença une opposition systématique contre le gouvernement.

Il faut décrire ici brièvement la révolution et la perte de la Hollande pour l’Espagne, événemenlssans lesquels jamais le Protestantisme n’eût englouti ce malheureux pays. En [55g eut lieu l’érection de nouveaux évêchés. Le mécontentement qui en fut la suite était injuste au plus haut degré ; Guillaume cependant et ceux de son parti l’entretinrent à dessein. Le séjour de soldats espagnols dans le pays était un second grief : Philippe II les retira. Les nobles haïssaient le cardinal de Granvelle et surtout sa politique : le roi le démit de son poste de ministre. Dès lors ils eurent les mains libres : Philippe laissa faire. Cette conduite faible ethésilante inspira de l’audace aussi bien aux nobles qu’aux hérétiques. Ceux-ci augmentèrent de jour en jour. A beaucoup de conférences qui se tenaient hors les murs, les assistants étaient armés. Des agents anglais et huguenots excitaient à la révolte et s’alliaient avec Orange. A Genève, Bèze déclara que le jour de la révolution était arrivé(156’i).

Les édits sévères portés contre les hérétiques n’étaient plus exécutés depuis la démission de Granvelle et servaient uniquement à fournir un prétexte aux révolutionnaires pour soulever le peuple. Dans le même but, on annonçait constamment que l’Inquisition espagnoleallait prochainementètre introduite, ce qui ne fut certainement jamais la pensée de Philippe II. Cependant, comme le nombre des hérétiques, et par suite l’inquiétude et les troubles, augmentaient toujours, Philippe ordonna vers la fin de 1565 l’exécution sévère des édits. Les conseillers bien intentionnés du roi voulurent l’avertir des funestes conséquences que pourrait entraîner une telle sévérité ; mais Orange conseillait de proclamer aussitôt les ordres royaux, disant à un de ses confidents qu’on verrait bientôt un magnifique spectacle. Le plan réussit. De toutes parts les protestations éclatèrent contre l’Inquisition. L’agitation profonde du peuple fut encore excitée par des libelles violents. On put craindre que l’Inquisition espagnole ne vint réellement faire son ccuvre. La révolution était prochaine.

En 1565 une vingtaine de nobles se liguèrent ensemble à Bruxelles. Ce pacte porta bientôt trois cents signatures. Le 5 avril 1566, quatre cents nobles présentèrent une requête à la régente. Pacte et requête ne visaient pas à la tranquillité, comme on l’assurait, mois à la révolution. On raconte que le^ conseiller Barlaymont aurait tranquillisé la régente par ces mot s : c Comment, Madame, peur de ces gueux ? » Les nobles, qui s’appelèrent désormais « ^uciix », ne se contentèrent pas d’une promesse de modération dans l’exécution des édits. Tout le pays fut en émoi, surtout la Flandre, l’Artois et la Hollande. Parfois 20.000 ou 30. 000 hommes affluaient aux prêches, qui se tenaient même sous les portes des villes.

Les prédicants Guy de Bray, Pérégrin de la Grange, Jean TafTin, François du Jon, Pierre Dathenus, Gaspard van der Heyden, Herman Modcd excitaient le peuple.