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RÉFORME

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sur le principe rival Faith and Order. Le protestantisme, qui a tant annoncé le salut par la foi seule, quelles que soient les œuvres, en est, en effet, venu à prêcher ardemment le salut par les œuvres seules, quelle que soit la foi. — La séparation des Eglises et de l’État, qui menacecertains cantons, n’apportera pas de changements immédiatement sensibles dansla situation du protestantisme. Elle fut votée à Genève le Sojuia 1907, Le nom d’  « Eglise nationale protestante » fut conservé. Jésus-Christ, « en quelque manière qu’on le comprenne », est chef de cette Eglise, qui ouvre ses portes à tous les protestants du canton de Genève, sans leur imposer aucune confession de foi ». C’est l’avènement du « multitudinisiue », le commencement d’une « évolution vivante vers la liberté ».

Enfin, disons que le protestantisme, qui proclame eu théorie un individualisme assez dédaigneux des formes sociales proprement religieuses, provoque en pratique, par une secrètecompensalion, une quantité d’oeuvres sociales et une confiance en l’organisation politique, qui va même — c’est le cas surtout en Suisse alémanique — jusqu’à identilier le Royaume de Dieu avec la victoire prochaine du socialisme.

Apologétique protestante. — Certain protestantisme s’estime menacé autant par le progrès d’une a pensée moderne plus ou moins déchristianisée » que par * la victoire d’une pensée chrétienne complètement catholicisée ». A la déchristianisation de la pensée moderne, il oppose la « tradition » du protestantisme suisse, la liberté de conscience « entendue selon les vrais principes de l’Evangile et de la Réforme », l’expérience du Christ » en quelque sens qu’on le comprenne », la Bible librement étudiés à la lumière de la conscience chrétienne et de la science ». Au catholicisme, il reproche les dogmes, qui lui semblent une entrave intolérable à la liberté de la recherche, un obstacle au progrès de la vérité ; la foi aux sacrements, à l’Incarnation, auxmiracles, à l’infaillibilité pontificale, à l’inspiration littérale de l’Ecriture.., choses dans lesquelles il voit autantde u matérialisations » de la vraie piété, laquelle est purement intérieure et spirituelle ; la hiérarchie visible, les pouvoirs de magistère et dejuridiction, qui lui apparaissent comme des cadres bons pour retenir les âmes faibles, mais indignes des esprits hardis, des individualités fortes ou amoureuses du « risque ». Sans entreprendre ici l’examen, même sommaire, de cette apologétique, notons simplement qu’elle formule les « protestations » du naturalisme contre le surnaturalisme. Dogmes, sacrements, Eglise sont, en eiret, aux yeux des protestants, des produits naturels de l’activité humaine, et il est bien odieux, dans ce cas, de leur conférer, avec l’Eglise romaine, une valeur divine ou simplement immuable.

Conclusion. — Le protestantisme suisse présente un intérêt bien différent de celui qu’offre le protestantisme des Etats-Unis. Celui-ci est une religion sans passé, et qui s’essaie à édilier un univers nouveau .^>lui-là est, au contraire, l’œuvre d’une longue évolution — disons dissolution, — qui se poursuit tous les jours, avec des accélérations très variabien selon les temps et les lieux. Ce processus de dissolution n’est pas près de prendre fin, car, d’une part, les traditions religieuses et patriotiques, tout entremêlées sont vivaces dans le cœur d’un peuple le son histoire, et, d’autre part, le naturalisme, mis en présence de la Personne du Verbe fait chair et du fait évangétique, peut s’insurger en bien des manières — toutes ne sont pas épuisées, — et recommeneer inlassablement, mais en les adaptant, les tentatives du passé. L’avenir du protestantisme

suisse sera exactement ce qu’eût été, en Occident, l’avenir du catholicisme s’il eût pu devenir moderniste.

Charles Jocrnet.

XI. — LA RÉFORME DANS LES PAYS-BAS

Anabaplisme, Luthéranisme et Calvinisme voilà les trois confessions principales protestantes dans les Pays-Bas.

Les premières et plus anciennes traces de la soidisant Réforme se trouvent dans la secte fanatique des Anabaptistes. Sous le poids des persécutions ils quittèrent l’Allemagne et se dispersèrent çà et là. En Hollande, ils fixèrent leur demeure premièrement à Amsterdam. Leurs bandes y causèrent beaucoup de désordres et parcouraient les rues dans une nudité scandaleuse. En peu de temps, malgré la réprobation dont ils étaient l’objet, ces hérétiques étaient devenus très nombreux. De telle sorte que l’anabaptiste Melchior Hoffmann, voulant fonder à Strasbourg un « Royaume de Dieu », demanda secours aux Frères d’Amsterdam, qu’il avait visités en 1532. Donc il envoya une lettre aux Anabaptistes en Hollande, disant : « Saints et bien-aimésde Dieu et membres dévoués du Christ, relevez vos têtes, vos cœurs, vos yeux et vos oreilles, car la délivrance est proche… Quand le royaume de Babylone et de Sodome aura pris fin, alors Joseph et Salomon régneront de nouveau dans la puissance de Dieu ».

La fondation du royaume de Sion, qui venait d’échouer à Strasbourg, allait mieuxréussir à Munster. En 1533 un grand nombre de partisans de Melchior Hoffmann, excités par sa lettre, s’étaient empressés de quitter la Hollande et la Frise et de venir à Munster. Parmi les Hollandais se distinguait surtout le tailleur Jban de Leydb, qui trouva beaucoup d’adhérents. En janvier 1534, le prophète d’Amsterdam, Jean Mathys, fut appelé à la ville de Munster. Après lui, Jean de Leyde devint un prophète plus grand encore. Il envoya dans toutes les directions des apôtres, qui partout trouvèrent des frères prêts à la révolte, spécialement dans les Pays-Bas. En Hollande, dans la Frise occidentale, dans l’Overyssel et le Brabant, etmême dansle Limbourg, les villes devinrent des foyersd’hérésie. C’est surtout l’idée de la communauté des biens, qui attirait la foule. Après Munster, Amsterdam devint leur capitale, et peu s’en fallut que la ville ne fût conquise par les Anabaptistes. A la suite d’un écrit de Rothmann (1.534), des complots révolutionnaires s’ourdirent à Amsterdam, qui d’un coup envoya trente navires armés dans la direction de Munster. De même on agit à Deventer, à Leyde, dans le pays de Groningue et dans le Limbourg. Quatre armées devaient partir pour Munster. Ce fut un grand bonheur pour les Pays-Bas, parce que ainsi la plupart des anabaptistes quittèrent le pays et allèrent périr à Munster.

Ceux qui restèrent dans les Pays-Bas, reçurent dansla suite du temps la liberté de se réunir dans la secte des Mennonites, appelés ainsi d’après leur chef Mbnno Simons (1536). Ils se distinguent encore aujourd’hui des autres protestants, en ce qu’ils rejettent la doctrine de la foi sans les œuvres, le baptême des enfants, la prédestination absolue, le serment, la guerre et le divorce^tc. Jusqn’à nos jours, le siège principal des Mennonites est dans les Pays-Bus, bien qu’ils soient également répandus ailleurs.

Quoique au commencement le Luthéranisme l’ait emporté en nombre et qu’il ait été favorisé par Guil-