Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/369

Cette page n’a pas encore été corrigée

RÉFORME

726

pendant un quart île siècle, à la cour de Russie, le rôle d’un ambasseur officieux de la hiérarchie anglicane. A la lettre qui lui fut remise, Platon, métropolite de Kiev, répondit avec un empressement inattendu, en demandant à quelles conditions les prélats anglais estimeraient une rencontre possible ; le rigide Pobiédonostsef, procureur du Saint-Synode, s’exprima dans le même sens. Benson, surpris et reconnaissant de cette ouverture, fut assez mal inspiré pour envoyer à Kiev quatre volumes traitant de la validité des ordinations anglicanes. On en conclut que la question île foi passait, aux yeux des Anglicans, pour secondaire, et les pourparlers furent rompus.

Parallèlement à ces démarches en Russie, un effort anglican se poursuivait à Constantinople. En 18y8, une lettre chaleureuse de Tb.mplk, nouveau primat de Canterbury, provoquait une réponse bienveillante du patriarche Constantin V, ancien étudiant à Halki, à Athènes, à Strasbourg et à Heidelberg. Une visite de l'évêque de Salisbury obtenait l'établissement d’une commission permanente de quatre membres, trois grecs et un anglican, pour examiner la question du rapprochement des Eglises. En 18yo, , <.ht ns l’intention officielle d’honorer la mémoire du saint archevêque de Canterbury, Théodore de Tarse G90), une presse anglaise était créée au Phanar. Le patriarche Joachim III (déposé en 188*4, rétabli en 1901, mort en 1912) montra plus qu’aueun de ses prédécesseurs l’intelligence et le désir de l’union. Il ne craignit pas de proposer, à cet effet, la convocation d’un Concile et l’adoption du calendrier grégorien. La réponse du Saint Synode de Russie (a3 fév. 1903) fut signilicalive. Tout en marquant pour la Haute Eglise d’Angleterre une spéciale bienveillance, on sommait l’anglicanisme d’avoir préalablement à vomir de son sein le virus calviniste, qui corrompait la notion d’Eglise. Tel était le dernier mot de l’orthodoxie russe.

La guerre européenne vint tout bouleverser. Déjà, au cours des années précédentes, divers courants favorables à l’union des Eglises s'étaient développés en divers lieux. L’Angleterre avait vu naître en 1906, par l’initiative fervente du Rev. Fynes-Clinton, l’Union des Eglises anglicanes et orthodoxes orientales, devenue bientôt Association anglicane et orientale puissante société, patronnée par des hommes d’Etat anglais et russes, présidée successivement parCollins, évêque de Gibraltar, par Blyth. évêque de Jérusalem (191 1), par "Winnington Ingram, évêque de Londres (1 y 1 4). La présidence générale avait été dévolue à l’archevêque russe de Yaroslav et Rostov. La Russie avait ellemême créé, sous la dépendance immédiate du Saint Synode, mais en liaison avec la précédente, une société purement russe, qui tint sa première séance (février 1912) dans la résidence officielle de Sabler, pi 'cureur général du Saint Synode, et se donna pour président Euloge, éveque de Khelm, ardent ennemi de Rome. Cette société prit l’initiative d’invitations à des clergymen anglais, qui vinrent donner en Russie des conférences sur l’histoire ecclésiastique. Enfin les milieux épiscopaliens d’Amérique avaient accueilli la propagande du Rev. R. H. Gardiner, en faveur d’une conférence mondiale des Eglises sur la foi et l’ordre : propagande appuyée par les prélats de l’Eglise russe : Platon, archevêque des Russesd’Amérique, et Antoine, alors archevêque de Kliarkov, depuis métropolite de Volhynie ; par la Tserkovny Vestnik, de Saint-Pétersbourg ; par les professeurs Gloubokovsky et Serge Troïtzky.

Vint la guerre. Le 9 juin 1916, le dévoué Birkbeck était mort, plein de sombres pressentiments.

Le l5 mars 1917, Nicolas II signait son abdication, et le |5 avril de la même année le primat de Canterbury, jugeant l’heure venue d’une action directe, adressait un salut pascal au Saint Synode, qui n’accusa point réception. Cependant le grand Sobor (Concile de toutes les Russies) réclamé depuis quinze ans, promis par Nicolas II et toujours différé, s’ouvrit en août 1917. Le Il septembre 1917, le primat de Canterbury télégraphiait au nom de l’Eglise anglicane. La réponse se fit attendre trois mois, mais elle dépassa les espérances. Le patriarche Tykhon, intronisé le 4 décembre à Moscou, faisait voter, dès le 14, la résolution de resserrer les liens avec les Eglises épiscopaliennes d’Angleterre et d’Amérique, et donnait au message du primat de Canterbury une réponse autographe. Mais des jours sombres s’annonçaient pour l’Eglise russe, et la carrière du patriarche Tykhon allait s’enfoncer dans le mystère bolchevique.

Cependant une jeune Eglise slave grandit, dont on ne peut méconnaître l’importance dans les perspectives d’union — ou de désunion. C’est l’Eglise serbe. Vu de Belgrade, le programme anglican présente une particulière netteté de contours. Non seulement l’intercommunion, admise en principe dès iy15 par la hiérarchie serbe, peutêtie tenue pour acquise ; niais une partie du clergé serbe se forme à Oxford. L’orthodoxie serbe ne s'étonne plus de rien. Le patriarche Dimitri, amené en Angleterre par la guerre européenne, a depuis accueilli à Belgrade le secréiaire du primat de Canterbury (sept. 1920). Le Rev. Fynes Clinton a siégé au congrès épiscopal

« le Karlovki dans les rangs des évêques serbes

(sept. 1921) ; il y a reçu en séance plénière les insignes d’archiprêtre orthodoxe et clos la réunion par une « messe anglicane », célébrée à l’autel patriarcal.

Avec moins d'éclat que l’Eglise serbe, mais dans un esprit peu différent, l’Eglise grecque orthodoxe poursuit, de son côté, une évolution semblable, sous l'œil bienveillant de l’Angleterre.

La conférence de Lambeth, en juillet-août 1920, fut marquée par la présence officielle de représentants du Phanar. Jamais, depuis le Concile de Florence (143y), l’Orient n’avait fait un tel pas vers l’Occident. L’importance en fut encore soulignée par la déférence avec laquelle les délégués orientaux laissèrent discuter à Lambeth l’avenir de leur Eglise, et d’abord la désignation de leur patriarche. La même conférence entendit le professeur Comnenos, théologien laïque à l'école patriarcale d’IIalki et délégué officiel du Phanar, se prononcer en faveur des ordinations anglicanes, et invoquer le suffrage émis antérieurement dans le même sens par un autre théologien grec, le D 1 Petrakakos. Constantinople, d’ailleurs, songe de moins en moins à rebaptiser tous les Occidentaux : or, pour bearcoup d’esprits, la reconnaissance du baptême occidental entraîne tout le reste. Quant à la sentence de Léon XIII touchant les ordres anglicans, le même théologien grec l'écarté en affirmant que, si le calvinisme a pu affecter des opinions privées, l’Eglise d’Angleterre, comme institution officielle, a tenu tête à l’hérésie. Même l’Ordinal d’Edouard VI témoigne, à ses yeux, d’une foi correcte. Les trente-neuf articles peuvent bien être tenus pour articles de religion, mais non de foi.

La discussion n’est pas close ; mais jamais les parties n’y ont apporté tant de complaisance. Dans son discours d’intronisation (en 1922), le patriarche Meletios sourit à la Communion anglicane. D’autre part, les Syriens jacobites (mono pbysites) ont demandé l’intercommunion. L’Eglise anglicane montrera-t-