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REFORME

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national, ne trouve pas grâce aux yeux du rigoureux étaliste qu’est le D r llenson.

, 'i) Beaucoup moins encore la Papauté, qu’il rond volontiers responsable des disgrâces de l’anglicanisme. Les auteurs de cette Réforme n'étaient pas entrés sans répugnance dans les voies du schisme. En-ore sous Elisabeth, la porte resta longtemps ouverte à une réconciliation. Mais décidément le concile de Trente avait creusé, entre le moyen âge et les temps modernes, un fossé trop profond. Le jour où Pie V excommunia Elisabeth, le stigmate de mauvais Anglais s’attacha pour jamais à tout fidèle de Rome. Cependant L'épiscopat, maintenu par Elisabeth pour des raisons politiques, opposait un violent contraste à l’anarchie des Eglises continentales de la Réforme. La concorde de l'épiscopat et de la monarchie lit de l’Angleterre la citadelle de la Réforme ; aucune autre Eglise ne donna plus d’ombrage à Rome.

Sous les Stuarts, la fortune de l’Etablissement décline. Jacques I" avait ambitionné pour son (ils la main d’une princesse catholique ; à la suite d’Henriette de France, les prêtres romains reprirent pied sur le sol anglais. Charles II et Jacques II, parleurs compromissions papistes, précipitèrent la crise qui, en 1688, emporta leur dynastie. L’avènement du prince d’Orange, chef du protestantisme européen, engagea irrévocablement l’Angleterre dans la voie de la Réforme. Le serment du couronnement stipula que l’héritier du trône « maintiendrait la religion protestante, établie par la loi ». L’Acte de tolérance qui, en 1689. récompensa le loyalisme politique des non conformistes, exclut formellement les catholiques romains. Ils ne devaient relever latête qu’après l’Acte l'émancipation (18 >(j)etrvctederéforme(1832), deux coups très graves portés à la religion nationale. C’est alors qu'éclata le mouvement tractarien. Les initiateurs de ce mouvement étaient, aussi énergiquement que possible, antipapistes. Mais la logique de leur position devait les entraîner à des démarches qu’ils n’avaient pas prévues. Le terrain gagné parle catholicisme romain doit se mesurer, non pas au nombre des conversions individuelles, d’ailleurs considérable, mais au changement d’attitude chez les héritiers des anciens tractariens. Désormais, la Papauté n’est plus pour eux la ligne de frontde l’offensive romaine : c’est une puissance, dont on ne parle qu’avec un infini respect.On affecte un dédain croissant pour l’anglicanisme, une indépendance provocante à l'égard de ses autorités. Beaucoup de services anglicans ne présentent aucune différence extérieure avec les services romains. Pourtant, cette bonne volonté fut mise à une rude épreuve par la fin de nonrecevoir opposée à une campagne pour la reconnaissance officielle des ordres anglicans, et par l'échec des espérances fondées sur le libéralisme de Léon XIII. La lettre papale Ad Anglos, suivie de près par l’encyclique Salis cognitum et la bulle Apostolicæ ctirac (septembre 1890), dissipâtes illusions. En s’adressant à la nation anglaise, le pape ne voulait pas connaître l'épiscopat qu’elle s'était donné. Avaitil donc si grand tort ? La réponse des évêquesangli ans, parue en février 1897. et la conférence de Lambelh, en juillet de la même année, se plaçaient sur un terrain condamné par toute l’histoire de la Réforme anglicane, en plaidant l’identité du ministère chrétien dans l’anglicanisme et dans la conlession romaine. La négation du sacrifice offert par le prêtre était un point fondamental de la Réforme : en l’abandonnant, les archevêques de Canterbury et d’York donnaient un démenti éclatante Cranmer, à Parker, à Cosin, à Sheldon, et autres grands hommes de l’anglicanisme, qui tous ont tenu la messe

pour idolâtrique : la messe, c’est-à-dire l’acte du prêtre sacrificateur. Si l’intention ressort de l’attitude officielle, ilest clair que les Réformés anglicans ont manifesté leur intention d'éliminer toute phrase ou tout rite impliquant les conceptions médiévales du sacerdoce et du sacrifice. Et donc, d’un point de vue protestant, la sentence papale est substantiellement vraie. Le fait qu’aujourd’hui beaucoup d’ecclésiastiques anglicans restaurent, dans leurs formulaires officiels, les doctrines dont les rédacteurs deces formulaires les ont purgés, ne change rien au fait accompli : devant la logique et l’histoire, c’est Léon XIII qui a raison.

5) L'épiscopat, institution du christianisme primitif, a disparu de toutes les Eglises réformées, sauf précisément l’Eglise d’Angleterre et celle de Suède. Dans l’une comme dans l’autre, la Réforme fut un acte national, accompli par autorité nationale, consacrant les cadres de l’Eglise du moyen-àge et rehaussant le pouvoir royal. Avec cette différence, qu’en Suède l'évolution s’est accomplie selon le type luthérien ; en Angleterre, malgré des contacts réitérés avec le calvinisme, l'évolution a été, somme toute, autonome. Deux faits lui impriment un caractère spécial : d’une pari, les épreuves de l'épiscopat sous Marie Tudor, épreuves qui l’investirent d’une auréole ; d’autre part, l’agitation antiépiscopalienne des presbytériens et autres dissidents, qui amena l’Eglise d’Angleterre à affirmer d’autant plus énergiquement, au nom de la tradition, la prérogative de l'épiscopat.

Cette prérogative n’en est pas moins discutée au jourd’hui, au sein même de l’anglicanisme, d’une manière qui intéresse le fond même de la Réforme anglicane. En 1 9 1 4 * le docteur Mason, chanoine de Canterbury, publiait une étude historique exhaustive sur l’Eglise d’Angleterre et l'épiscopat. Il concluait que cette Eglise est, depuis l’origine jusqu'à nos jours, nettement, résolument épiscopalienne. Le D r llenson n’accepte pas simplement ce verdict. Il estime que la question est dominée par les conditions d’une ambiance mobile et par la nécessité supérieure de l’unité religieuse, nécessité toujours proclamée par les théologiens anglicans. D’autre part, l’institution divine de l'épiscopat a été mise en question par Lightfoot, dans son commentaire célèbre de l'épître aux Philippiens (1868). Défendue, d’un point de vue dogmatique par Gore, elle a paru discutable à des exégètes lelsqueTurner et Headlam. Le D' llenson incline à abandonner le dogme de l'épiscopat. Il voit dans les évoques anglicans, non pas les successeurs des Apôtres, mais les successeurs des évêques du moyen âge, prélats mondains, trop mêlés au siècle pour faire figure depasteurs, instruments derègne pour la monarchie. De là naquirent, dans le passé, beaucoup de scandales : l’avènement de la démocratie a mis fin à ces scandales, mais le souvenir demeure et l’influence de l'épiscopat en pâtit. Liertoute la religion au sort d’une institution si compromise, est-ce bien sage ?

6) La question de l’Etablissement anglican et de son avenir ne pouvait être éludée. L’auteur l’aborde résolument. Il constate que la disqualification de l’Eglise d’Etal et la suppression des dotations (disestablishment, disendowmcnt) sont inscrites au programmede grandspartispolitiques : Libérais, Labour. L’Eglise d’Irlande fut désétablie en 1870 ; en 1920, quatre diocèses de pays de Galles furent distraits de la province de Canterbury. La fin du désétablissement ne peut être qu’une question de temps. Reste à savoir dans quelles conditions il s’accomplira. Une perturbation économique s’en suivra, dont l’Etat souffrira moins, sans doute, que l’Eglise, déjà si di-