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POSSESSION DIABOLIQUE

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c’est lui qui doit mouvoir les organes pour dire des phrases, et prononcer convenablement une langue étrangère, que le possédé ne comprend pas et n’a jamais parlée ni apprise, ni même peut être entendue. Le Rituel a la précaution d’ajouter : pluribus verbis, parce qu’un ou deuxmots d’une langue étrangère bien prononcés ne seraient pas une preuve convaincante : le possédé doit faire la preuve qu’il parle ou comprend une langue qu’il n’a pas apprise.

Nous devons rapporter à ce second signe, à cette science des langues, toute science ou connaissance non acquise dont le possédé ferait montre, parce que la raison est la même. Ainsi, lire des caractères sans les avoir appris, les écrire sur dictée ou écrire en général sans l’avoir jamais appris, disserter sur une science quelconque ou sur un art auquel l’on est complètement étranger, exercer habituellement ces arts, par exemple la musique, sans avoir touché jamais un instrument, sont autant de signes non équivoques, tout comme la science du langage (Thyrée, 1. c, c. xxiv)’,

Passons aux signes corporels, où le démon manifeste son action. T hyrée en énumère plusieurs qui ne prouvent pas la possession d’une manière certaine, mais la font soupçonner. Les voici :

« Des sons inarticulés et sauvages, des cris et des

hurlements de vraies bètes féroces… Une figure horrible et effrayante… Une certaine torpeur des membres et la privation de presque toutes les fonctions vitales, comme aussi une somnolence perpétuelle. De même que parfois les esprits se manifestent par la furie et l’agitation extrême du corps, ainsi parfois ils se trahissent, au contraire, par cette pesanteur et cette torpeur… Le défaut absolu de repos de ceux qui ne sauraient demeurer dans un lieu fixe, qui cherchent les solitudes et se plaisent aux endroits déserts… Les forces physiques surhumaines dans un corps humain. C’est ainsi qu’on en voit qui déchirent n’importe quel vêlement, brisent les chaînes, portent des fardeaux auxquels ne suflit pas la force humaine. »

Ici, Thyrée ajoute : « Ce dernier signe a presque autant de force, pour prouver la possession, que ceux dont nous avons parlé dans les chapitres précédents. » C’est aussi le signe corporel énuméré dans le Rituel. Il est certain qu’il y a des limites aux forces musculaires ; je ne sais si les médecins sont parvenus à mesurer ces forces pour un sujet déterminé. Nous n’avons pas obtenu des médecins de la Salpêtrière une réponse satisfaisante sur ce point : mais il est des cas où l’on peut, sans crainte de se tromper, trouver un signe de l’intervention du démon, comme si, par exemple, un enfant levait des poids qu’un homme vigoureux ne saurait mouvoir. Enfin voici le sixième et le dernier signe allégué par Thyrée :

« Les persécutions, les douleurs et les tourments, 

que quelques-uns endurent, fournissent à cet endroit un argument sérieux, comme si tantôt ces hommes étaient poussés au feu. tantôt dans l’eau, etc. » Il conclut en disant :

« Il n’est pas douteux que ces signes et autres

1. On peut voir dans RmoT, Les maladies de la mémoire, p. 1 sqq., dans Taink, De l’intelligence, l— partie, I. II. oh. il. p. 132 sq<|., des exemple ! d’exaltation morbide réveillant dans la mémoire des langues oubliées, ou même des impression ! auditives très fugaces (la servante du pasteur récitant des morceaux de grec ou d’hébreu, pour avoir entendu son mai Ire les lire). Ce n’est pas là comprendre une langue inconnue. Mais on voit que, pour obtenir de façon certaine le signe indiqué par le Rituel, une enquête approfondie sur les antécédents do la personne est nécessaire.

semblables ne puissent ètreproduits par le démon… Néanmoins, ces signes ne sont pas absolument certains et indubitables… Si cependant il était prouvé qu’ils ne proviennent pas d’une infirmité naturelle ou d’une certaine tristesse, et qu’ils ne sont pas l’effet de la passion de nuire de certains autres hommes ; si, en outre, plusieurs de ces signes se trouvaient réunis, si enfin venaient s’y ajouter la plupart de ceux que nous avons mentionnés aux chapitres précédents, alors ils fourniraient un argument qui ne serait pas à dédaigner (c.xxv). n

Nous signalons cette conclusion à toute l’attention du lecteur. Thyrée écrivait trois siècles avant les observations de M. Charcot ; il ne trouvait dans les descriptions des démoniaques, même celles de l’Evangile, que les signes corporels qui souvent frappent davantage, et qui seuls peuvent être représentés dans l’art ; qui souvent, dans les vies des Saints, de même que dans l’Evangile, sont seuls mentionnés, parce que d’ailleurs il était admis par tout le monde qu’il s’agissait de vrais démoniaques, sur le témoignage des Saints ou de Jésus-Christ, et malgré tout cela, ni lui ni les autres théologiens, ni l’Egli>e n’exagèrent la portée de ces signes.

Nous ajouterons un septième signe corporel, qui peut être certain. Ce signe existe quand la personne qui passe pour possédée fait des actions évidemment contraires aux lois physiques, par exempleaux lois de la pesanteur, comme le serait la suspension de quelque durée dans l’air sans aucun soutien. La seule chose à prouver ici, ce serait qu’il ne s’agit pas de magie, que c’est bien le démon habitant le corps qui porte et meut la personne, ce qui se prouverait comme ci- dessus pour la révélation des choses occultes.

Restent les signes où le démon apparait plutôt passif et souffrant qu’actif. Ils sont de deux espèces : les uns consistent à faire poser à la personne certaines actions dont le démon a horreur ; les autres, à lui appliquer à son insu des choses sacrées, qui font peur à l’esprit des ténèbres.

Thyrée apprécie la valeur de ces signes dans les termes suivants : « L’argument que fournissent ces signes n’est pas sans valeur ; peut-être pourrait-il soutenir la comparaison avec n’importe quelle autre preuve (c xxvi). »

Ces signes, en effet, ont l’avantage de démontrer aussitôt que, s’il y a intervention quelconque d’un agent extérieur, cet agent est le démon, et le démon possédant ; c’est, en etFet, lui qui, seul parmi les agents extérieurs, peut provoquer les signes d’horreur des choses saintes et les tourmentsqui se manifestent dans le corps du possédé.

Mais cette impatience, cette horreur ne peuvent-elles pas s’expliquer sans l’intervention d’un agent extérieur quelconque ? Pour les signes de la seconde espèce, à savoir : quand on applique des choses saintes, des reliques par exemple, certainement et complètement à l’insu du possédé, et qu’invariablement et constamment il montre cetteagitation, de manière à ce que l’on constate aveccertitudeque son horreur et son impatience n’ont pas d’autre cause, nous ne voyons pas ce qu’il faudrait exiger de plus convaincant. De même si on a fait, absolument à son insu, un exorcisme en langue inconnue de lui.

Quand la chose ne se passe pas à son insu, qu’il peut la soupçonner de quelque manière, ou quand il s’agit de signes de la première espèce, c’est-à-dire quand on lui fait réciter certaines prières, invoquer le nom de Jésus, etc., 1e signe n’a plus la même certitude. Si c’est un impie, il peut avoir horreur et blasphémer par malice ; s’il est bon chrétien, le signe n’est pas sans valeur, et il y a certes une présomption que