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RÉFORME

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versité. poussait un cri d’alarme, et un appel à la lutte contre l’apostasie nationale. Newman se jette aussitôt dans la mêlée. C’est l’origine du mouvement tractarien. Nous laisserons la parole à Paul Thurkau-Danuin, La Renaissance catholique en Angleterre au XIX" siècle. Première partie. Newman et le mouvement d’Oxford, p. 70 sqq. Paris, 1899.

« Dès le y septembre 1 833, avec la vive approbation

de Keble et de Froude, et sans avoir consulté ses autres a’.liés, il lance le premier des Tracts for the Times. C’est un écrit de trois pages, sans signature. Il débute ainsi : « A mes frères dans le sacré ministère, les prêtres et les diacres de l’Eglise du Christ en Angleterre, ordonnés pour cela par le Saint-Esprit et l’imposition des mains. — Compagnons de travail, je ne suis que l’un de vous, — un prêtre ; si je vous cache mon nom, c’est de peur de m’arroger trop d’importance, en parlant en mon propre nom. Mais je dois parler : caries temps sonttrès mauvais, et personne ne parle contre eux. N’en est-il pas ainsi ? Ne sommes-nous pas à nous regarder l’un l’autre sans rien faire ? Ne confessons-nous pas, tous, le péril dans lequel l’Eglise se trouve, et cependant chacun ne demeure-t-il pas tranquille dans son coin, comme si des montagnes et des mers séparaient le frère de son frère ?… » L’auteur continue sur ce ton, secouant ceux qu’il veut réveiller de leur léthargie. Mais suffit-il de leur faire bien sentir le péril ? Comment rendre courage à une Eglise désemparée, abattue à la pensée que la menace vient de cet Etat sur lequel elle avait l’habitude de s’appuyer ? Ici apparait l’idée maîtresse non seulement de ce tract, mais de toute cette première période du mouvement : c’est la doctrine de la Succession apostolique. Le tract rappelle en termes vifs, nets, pressants, à un clergé qui l’avait oublié, que son pouvoir ne dépend pas de l’Etat, qu’il doit y voir un don de Dieu, transmis sans interruption des apôtres aux évêques et des évêques aux prêtres qu’ils ont ordonnés. Et ainsi il s’efforce de lui hausser le cœur, de lui rendre la conscience, depuis trop longtemps perdue, de son autorité, de sa dignitéet desa grandeur, de lui faire entrevoir une conception plus surnaturelle de l’Eglise et de la religion.

« D’autres tracts suivirent, coup sur coup, en septembre

et dans les mois suivants. Le second s’attaque au bill irlandais et lui reproche d’avoir été pris sans l’avis de l’Eglise ; le troisième dénonce les altérations dans la liturgie et lesservices funèbres ; le quatrième revient sur la succession apostolique ; le cinquième expose la constitution de l’Eglise du Christ et celle de la branche de cette Eglise établie en Angleterre… Pas de signature : on a seulement soin de faire savoir que ces écrits émanent d’Oxford ; Newman attache beaucoup d’importance à cette origine… Pour la rédaction, quelques amis lui viennent en aide ; ainsi le quatrième tract est de Keble, et le cinquième d’un légiste, ancien camarade d’université de Newman, ami très fidèle et très cher de la première heure, John William Bowden… Le plus grand nombre des tracts (neuf sur les dix-sept premiers) et aussi les plus brillants, les plus saisissants, sont de Newman… »

L’émoi causé fut très grand. Pour éviter de donner de l’ombrage à la hiérarchie, on décida de présenter à l’archevêque de Canterbury une adresse, affirmant l’attachement des auteurs à l’Eglise anglicane et à ses droits. L’adresse recueillit les signatures de sept mille clergymen. Elle fut suivie d’une autre adresse, qui circula parmi les laïques et fut remise au primaten février 1 834 » portant les signatures de deux cent trente mille chefs de famille.

Les tracts continuaient de paraître à intervalles |

irréguliers, et avec le temps leur caractère se modifia. Vers la fin de 1 83^, Newman éprouve le besoin de préciser sa position à l’égard de lEglise de Rome. C’est lobjet des tracts 38 et 40, où il expose, telle qu’il la comprend, la fia média à suivre, par l’Eglise d Angleterre, entre les écueils opposés de Rome et du protestantisme. Lest/actsQi, 68, Go, dus à la plume de Pusey et parus d’août à octobre 1835, sont consacrés au baptême et font ensemble un juste volume.

Cependant l’épiscopat n’avait pas tardé à s’émouvoir. En août 1838, l’évêque d Oxford, Bagot, dans une allocution publique, donnait aux tractariansun avertissement discret et paternel. Newman se montra disposé à cesser la publication, sur un désir de l’évêque ; le désir ne fut pas exprimé. Mais les études sur les Pères, que poursuivait Newman, l’amenèrent, durant l’été 1839, à concevoir un doute sur la sécurité de sa via média. La situation de l’Eglise anglicane, devant l’Eglise de Rome, lui apparait semblable à celle des anciens nionophysites. Ce rapprochement le trouble ; pourla première fois.il commence à regarder vers Rome.

Suivent des années d’angoisse. Le tract go, paru le 27 février 18/|i, et intitulé : Remarques sur certains passages des trente-neuf Articles, marque l’effort suprême de Newman pour concilier le formulaire officiel de la croyance anglicane avec ce qui lui paraît être l’exigence impérieuse du christianisme catholique. C’est, comme il s’en explique dans une lettre à Keble, « l’épreuve du canon » : il s’agit de voir quelle charge de vérité catholique le canon anglican peut porter sans éclatement. Un ami clairvoyant, M. G. Ward, avait prévenu Newman que ce tract mettrait le feu aux poudres.

De fait, au cours de l’année 184 1, tout l’épiscopat anglican censura l’audacieux interprète, comme traître à l’Eglise d’Angleterre. Newman met fin à la publication des tracts, et, sans se démettre encore de sa cure de Saint Mary’s, se retire dans son ermitage de Liltlemore, à deux milles d Oxford, où il mène une vie de recueillement, d’ascétisme, d’étude et de prière, entouré de quelques jeunes gens (février 184a). Des mesures disciplinaires atteignent ses amis : en juin 18/ ( 3, à la suite d’un sermon sur l’Eucharistie, Pusey se voit interdire pour deux ans le ministère de la prédication dans l’enceinte de l’université. Newman sent de plus en plus l’inconsistance de sa position dans l’anglicanisme. Le a£ septembre 18/|3, il monte, pourla dernière fois, dans sa chaire de Saint Mary s, et le lendemain, à Liltlemore, adresse à ses amis anglicans un adieu ému.

Deux années encore se passèrent, durant lesquelles le maître incomparable d Oxford acheva de mûrir sa conversion, en écrivant son Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. La censure et la dégradation universitaire, prononcées le 13 février 18/ t 5 par la Convocation d’Oxford contre Ward, qui avait pris trop bruyamment position aux côtés de Newman, la suspense perpétuelle infligée en juin 1 S’, 5 par la Cour des Arches à Oakeley, autre disciple trop ardent, ne furent que des incidents sans portée. A la fin de l’année 1845, s’ouvre la période des accessions définitives au catholicisme. En septembre, Wahd prend les devants, puis Dalgairns ; le 2 octobre, Saint John. Le y octobre, à Liltlemore, Newman lui-même est reçu dans l’Eglise catholique par le P. Dominique, passioniste, avec deux de ses jeunes disciples, Slanton etBowles. Aussitôt, « c’est comme une traînée de conversions. Oakeley s’en va l’un des premiers, puis Faber, depuis longtemps catholique de cœur, de conviction et de pratique, et beaucoup d’autres, dont de nombreux