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REFORME

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titué, rallié d’enthousiasme à une déclaration de foi d’une très belle allure, mais * équivoque et vaine »… a parcequ’elle veut être religieuse sans être doctrinale. » Depuis lors, les deux partis de la gauche et du centre se cherchent, se rencontrent entre eux et se séparent de plus en plus de la droite orthodoxe, consternée de l’enseignement libéral des Facultés et du courant tidéiste ou symbolo-(idéiste dont M. Mé-NÉGOZ’fut le porte-parole militant. S’ils la joignent momentanément à Nîmes (10, 09), dans l’Assemblée générale du protestantisme français, c’est pour continuer la Fédération protestante de France"*, qui se borne à grouper les intérêts des diverses Eglises réformées, et qui sera renouvelée en Novembre 1919, à l’Assemblée générale de Lyon.

Fatalement, le centre doit céder à sa logique interne, et se laisser absorber par la gauche. Il le fait joyeusement, du reste ; car, dès avant Jarnac, on était d’accordsur la nécessité d’élargir la confession de foi de 187a ; c’est de là que provient le rapprochement de 1906, et l’union définitive votée au Synode de l’Oratoire, puis accomplie le 26 Juin 1912. L’Eglise réformée de France et les Eglises réformées unies devenaient simplement l’Union nationale des Eglises réformées. Leurs déclarations de principes ont été adoptées au Synode national constituant de Paris (Oratoire), en juin 1907 ; elles « proclament joyeusement et de tout leur cœur » 3 :

1° leur foi en Jésus-Christ, le « Fils du Dieu vivant », don suprême du Père à l’humanité souffrante et pécheresse, le Sauveur qui, par sa vie sainte, son enseignement, sa mort sur la croix, sa résurrection, et son action permanente sur les âmes et dans le monde, sauve parfaitement tous ceux qui, par lui, s’unissent à Dieu et leur impose le devoir de travailler à l’édification de la cité de justice et de fraternité ;

2 la valeur unique de la Bible, document des révélations progressives de Dieu ;

3° le droit et le devoir pour les croyants et pour les Eglises de pratiquer le libre examen en harmonie avec les règles de la méthode scientiûque… etc. » On voit combien large, combien minimisée, est cette déclaration qui permet de rejeter la Trinité, la Divinité de Jésus et tant d’autres dogmes, au nom du libre examen scientifiquement mené. C’est par un dernier scrupule sur ce point que l’Eglise du Centre, en se laissant absorber, fit voter un « Préambule », le 26 juin 1 9 1 2, dans lequel elle se dit 4 « résolue à poursuivre infatigablement le triomphe de la vérité, de la sainteté et de l’amour, et à unir toutes les volontés en vue d’une action commune » ; … et où, « décidée à ne jamais rechercher une uniformité dogmatique incompatible avec la foi personnelle, elle laisse à toutes les Eglises qui s’unissent à elle, la pleine liberté d’affirmer leurs croyances propres dans l’un des divers symboles en usage dans le protestantisme. .. », et m reste ouverte à tous les chrétiens qui veulent maintenir les deux colonnes séculaires de la religion protestante : La Foi et la Liberté, la Liberté et la Foi. »

Depuis ce geste fraternel du centre à la gauche, rien qui vaille la peine d’être signalé. La situation n’a pas changé. Les orthodoxes agressifs s’accrochent

1. v. g. Revue Chrétienne, janv. 1907 ; Vie Nouvelle, 23 juillet 11)10 etc.

2. Le Christianisme au xx’siècle, Le Prolestant, la Vie Nouvelle, 5 Nov 1909.

3. Citée » dons l’Annuaire Prolestant, 1924, p. 70-71.

4. lbi< !.. p. 71-73.

5. Il sulT’nait pour s’en rendre compte de feuilleter les Revues et Journaux de droite, notamment les articles de MM, Doumergue et B. Couve.

désespérément, d’instinct, à ce qu’ils considèrent comme le minimum de bagage dogmatique qu’un chrétien doit garder, à peine de perdre le droit de porter ce nom. Les libéraux attendent’  « sans découragement, que, sous la pression de l’esprit de Dieu, se réunisse l’Assemblée générale des réformés… ou… que d’autres Eglises viennent s’unir à (eux) dans la fraternité et pour l’action », c’est-à-dire que, surs de l’avenir, ils attendent que la droite, contrainte ou contrite, enfin fidèle à l’esprit vrai du protestantisme, vienne se joindre à eux, définitivement libérée de toute servitude doctrinale. Car, comme n’a cessé de le répéter le ProfesseurMiÎNKGoz : « Le protestantisme sera lidéisle, ou il ne sera plus I » — Que si, dans un dernier scrupule, dans un sursaut d’orthodoxie, les Evangéliques se disent : « Nous n’avons pas le même évangile, pour la double raison que, si on parle des textes, ce ne sont pas les mêmes pour les uns et pour les autres, — ou, les uns et les autres n’ont pas la même confiance en ces textes ; — ou si vous me parlez du contenu de l’Evangile, nous n’y trouvons pas le même Christ, ou, nous ne venons pas au Christ dans la même attitude. » (Benjamin Couvb, Christianisme au XXe siècle, i ! févr. 1908 ; voir aussi le a’i avril) ; les autres répondent : « S’il peut y avoir plusieurs interprétations dogmatiques delà personne du Christ, il n’y a qu’un Christ historique ; s’il peut y avoir plusieurs Christ pour l’intelligence, il n’y a qu’un Christ pour la conscience et la volonté ; s’il peut avoir plusieurs Christ pour la croyance, il n’y en a qu’un pour la foi. » (Cf. Vie Nouvelle, a mai 1908, p. 156). Et si l’on déclare avec M. le Doyen Emii.k Doumbrgue : « Le fidéisme ne diffère guère du nihilisme ! », ou encore, à la lecture de la Revue d’Histoire et de Philosophie religieuses de la Faculté protestante de Strasbourg (Colani et Sciirrkr, qui la fondèrent en 1802, en firent un organe de démolition des dogmes chrétiens ; — elle est reprise depuis quelques années seulement) : « Le programme est, à mes yeux, subversif de tout ce que je considère comme la doctrine historique du christianisme et du protestantisme évangélique » (Christianisme au XX’siècle, ’) avril 1921) ; on se verra répondre : Dieu regarde le cœur, pardonne à la confiance et au repentir, quelles que soient les négations de la raison, ou les erreurs de l’intelligence, si bien que le salut en Jésus-Christ est assuré à tous ceux qui l’aiment et veulent l’imiter, quelles que soient leurs idées sur sa nature, voire même son existence historique ! — ou encore, avec M. Jeanmairr 2, qui pousse à l’extrême ses droits de libre examen : « Chose étrange 1 le peuple protestant considère la Vierge Marie, Jeanne d’Arc, tous les saints comme des fantômes dont l’adoration lui paraît un acte d’idolâtrie, et il s’obstine, en certains milieux, à prier Jésus Christ, comme s’il pouvait l’entendre et l’exaucer. La propagande protestante fera un grand pas le jour où la christolâtrie aura été rejoindre la mariolâtrie dans le catalogue des superstitions païennes, où l’on se contentera de parler de l’influence de Jésus et non de l’action surnaturelle de sa personne, où l’invocation de son nom n’aura que la valeur d une prosopopée, où l’on ne fera aucune différence de nature entre la vie et la mort de Jésus, et celle d’un Platon, d’un Marc Aurèle, d’un Jean Huss. » Evidemment, une telle position est relativement rare, mais elle valait d’être citée, pour montrer les deux pôles autour desquels oscille la pensée protestante actuelle, celle des pasteurs tendant plutôt à gauche sous l’influence des

1. Annuaire protestant, p. 73.

2. Cité et attaqué par M. Doimf.rguE (Chris’, au.VA » «., 13 mars 1910).