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REFORME

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l’expression approchée, transitoire d’une expérience subjective préalable, donc essentiellement variable avec les temps et les gens. C’est du moins la logique même de leurs principes.

Nous voyons en ell’et, vers le milieu du siècle dernier, s’allirmer déplus en plus ces deux tendances. L’Eglise luthérienne, plus compacte, plusautoritaire, reste encore relativement unie. Mais chez les huguenots, les uns (orthodoxes, conservateurs, évangéliques. ..), lidèles à la doctrine de Calvin, au moins dans ses grandes lignes, sont « théopneustes ». Ils admettent l’inspiration des Livres Saints, et professent la divinité de Jésus Christ. Ils sont trinilaires, et sachant les périls du libre examen, ils yreniédient,

— en fait, en le supprimant, — par une organisation serrée, et la promulgation d’un credo olliciel auquel tous et chacun doivent adhérer. Les autres, les libéraux, se réfugient dansle lidéisme et l’expérience religieuse. Pour eux, le Vieux Testament comme le Nouveau, est un livre historique, soumis comme tel aux exigences et aux examens de la critique. A la suite de Renan, ils voient en Jésus un prophète immense, un être divin, c’est-à-dire en qui la grandeur etlabontcde Dieu se sont remarquablementétablies et révélées. Plusieurs pourtant sont encore trinilaires ; les autres sont unitaires. D’autres, enlin, refusent d’admettre un Dieu personnel et ne gardent du christianisme que la morale jointe à un théisme flou, à un philosophisme religieux aux contours indécis.

Bref, en juin 1872, après deux siècles d’intervalle, l’Eglise réformée réunit à Lyon son 30° Synode général (le 29’était de i(i">o, ), après avoir élaboré un plan complet de réorganisation. Au milieu des discussions les plus âpres, on en vint péniblement (par 61 voix sur 106) à adopter une Déclaration de foi niinima à laquelle tous les pasteurs calvinistes devaient adhérer personnellement. Ce fut le heurt décisifqui sépara définitivement les morceaux mal joints de l’Eglise réformée. En effet, déclarait M. Pkcaut :

« Il n’est pas admissible qu’une assemblée protestante

décrète, à coup de majorité, des dogmes obligatoires, comme le fait un Concile catholique. » Qu’est-il donc, cet inadmissible credo ? Le voici :

« … Avec ses pères et ses martyrs dans la Confession

de la Rochelle, avec toutes les Eglises de la information dans leurs divers symboles, elle proclame :

« L’autorité souveraine des Saintes Ecritures en

matière de foi, et le salut par la foi en Jésus Christ, Fils unique de Dieu, mort pour nos offenses et ressuscité pour notre justification… »

De vrai, il semble que l’on ait atteint l’extrême limite au delà de laquelle on cesserait d’élfè chrétien ; mais, strictement, au nom de qni imposer un formulaire dogmatique ? sur quoi le fonder ? — Du reste, M. E. Stapteu notait impitoyablement (Revue Chrétienne, déc. 1907 ; fév. 1908) que c’était une belle et pieuse équivoque : * Elle (cette formule) — ne parle ni de l’Inspiration verbale de l’Ecriture sainte, ni de la Trinité, ni de la préexistence de Jésus Christ, ni de la Prédestination, ni du Péché originel, ni de l’Eternité des peines. Sur la Rédemption elle-même, l’expression « mort pour nos offenses » autorise toules les définitions dogmatiques. Si on compare la déclaration de 1872 avec les Symboles des xvie et xvii’siècles, sonorlhodoxie est une abominable hétérodoxie. »

Toujours est-il que, dès cette époque, les relations furent tendues entre orthodoxes et libéraux. Ceux-ci refusèrent de prendre part aux discussions de 1873, et n’en continuèrent pas moins à siéger avec les orthodoxes dans les corps ofliciels de l’Eglise : conseils presbytéraux et consistoires.

La réunion des Synodes généraux en fut fatalement interrompue. Mais en 1879, à Paris, les orthodoxes en reprirent la tradition dans le Premier Synode général officieux de tous les réformés adhérant à la confession de foi de 1872. Cependant le mouvement des esprits, spécialement dans le corps pastoral, continuait à portera gauche toute une partie des Assemblées.

Pendant une quinzaine d’années, tout le monde rêvait d’un synode national, que le gouvernement s’obstinait à ne pas autoriser pour ne pas provoquer de schisme, disait-on, au sein d’une Eglise unie à l’Etat.

Du reste, l’influence d’Auguste Sabatibr se faisait de plus en plus sentir, grâce au succès et à la portée de son enseignement. On en trouvera la dernière expression dans son livre posthume : Les Religions d’autorité et la Religion de l’Esprit. Paris, ujo3). Les orthodoxes y voyaient un levain de rénovation spirituelle. Les libéraux comprenaient l’impossibilité, de se maintenir uniquement dans la critique négative et apprenaient à la vivifier par l’expérience religieuse. Bref, les divergences lentement s’amenuisaient. On en vint à se réunir en Conférences fraternelles (Lyon, 1896, 1899…). Mais le contact des deux fractions raviva les susceptibilités doctrinales. Toute une partie de la droite prenait une attitude de plus en plus indépendante et se décida bientôt à demander la révision de la Confession de foi de 1892. Les discussions furent vives, mais le Synode d’Anduze (1902) ne voulut rien céder’, On réclama au moins une décision officielle autorisant une interprétation large ; le Synode de Reims (190^) éluda la question et se contenta d’affirmer la liberté des consciences chrétiennes. Visiblement, la situation se tendait. A Reims, on avait décidé qu’aussitôt après la Séparation, on devrait réunir une assemblée générale de tout le protestantisme. Désireux de travailler à l’unité huguenote, les libéraux, à Montpellier (1905), décidèrent d’accepter la Déclaration de foi de 1872, malgré leur aversion pour les formules dogmatiques, à la seule condition qu’elle ne fût pas éliminatoire. Les orthodoxes, à ce moment, perdirent complètement leur sang-froid, et craignant l’influence croissante de la gauche, ils anathématisèrent, au Synode d’Orléans (1906), « l’indifférence doctrinale », — déclarèrent incompétente l’Assemblée générale pour toules les questions de foi et d’organisation ecclésiastiques, et élaborèrent des statuts-types pour les Associations cultuelles. — L’Assemblée générale se trouva donc ajournée sine die. Et au lieu de l’Eglise unique dont on avait rêvé, à la faveur de la Séparation, on avaitdeux Eglises désormais plus profondément séparées. Bien plus, trois membres de la Commission permanente du Synode Kvangélique donnèrent leur démission, et les pasteurs W. Monod et P. Gounelle se retirèrent. Bientôt, tout un Centre se dégagea, outré de l’intransigeance de la droite, de son obstination à imposer sa volonté dans l’organisation des Cultuelles et sa déclaration de foi éliminatoire. Il en résulta une réunion, de Rouen, qui lança un beau message aux Eglises, mais dont les termes calculés sont conciliables avec les principes de droilecomme avec ceux de gauche. L’autonomie définitive fut résolue dans les deux sessions de l’Assemblée de Jarnac ^iooG, 1907). Le tiers parti se trouva ainsi cons 1. On trouvera des détails dans un excellent uiticle de M. H. Momnieii (Revue chret’enne, oct. 190f>), et dans les chroniques perspicaces du K. P.P. DuliON, v. g. Eludes, 1903, t. XCVI

2. I I. t. C1X, n. 116 etsuiv.

: t. ld., t. CXIII, p. 144 et suiv.