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somme de 3 millions pour l’entretien des pasteurs, les frais synodaux et les multiples dépenses du culte. — Du point de vue religieux, l’acceptation des Cultuelles fut vigoureusement stigmatisée, au cours d’une controverse, par un protestant hollandais, le D r Kuyprr, ancien président du Conseil des ministres des Pays-Bas, dans une lettre à M. le pasteur Lacheret (./oui -util des Débuts, i- févr. 1907). Il se base sur la notion même d’Eglise réformée, telle qu’il la trouve dans la Confession de Paris en 15.~m), confirmée un peu plus tard à l’Assemblée nationale de la Rochelle. Elle exclut, en effet, toute autre autorité que celle du Cbrist, et toute immixtion d’un pouvoir humain dérogeant à cette autorité exclusive du Christ. Or, les Cultuelles admettent une immixtion telle, que c’est la perte irrépable de votre caractère comme Eglise », écrit-il. Il fallait refuser comme les catholiques, malgré les pertes pécuniaires inévitables…

« Pour les canonistes de l’école moderne… je conçois

parfaitement, poursuit-il àprement, — que ces considérations ne pouvaient avoir aucun poids. Pour eux, il n’existe plus d’Eglise, au sens historique du mot. Tout ce qu’ils désirent, c’est de trouver une société quelconque pour satisfaire leurs besoins religieux. .. etc. »

En tous cas, au lendemain de la Séparation, les Eglises réformée et luthérienne se formèrent immédiatement en Associations’cultuelles, dont les statuts sont de principe absolument démocratique ; et elles acceptèrent les inventaires. M. Raoul Allier résume ainsi la situation (Le Siècle, 24 J um 1906) : L’assemblée générale des membres est souveraine. Directement ou par l’intermédiaire de son conseil élu, elle nomme ses pasteurs. Les ministres sont tous confirmés dans leurs fonctions par une Commission synodale (chez les luthérien s), par un Synode régional (chez les réformés unis), ou un Synode national (chez les réformés évangéliques). — L’électorat, qui était exclusivement masculin, est désormais étendu aux femmes, qui peuvent même être élues aux Conseils presbytéraux (au moins dans les Eglises libres et l’Eglise réformée). — Les associations sont groupées, selon leurs affinités dogmatiques, en Unions régionales, qui s’unissent elles-mêmes en Union nationale).

Ce que furent les résultats des Cultuelles, il est malaisé de le dire. D’abord, il faut constater que beaucoup de protestants ne s’y sont pas attachés, — pas plus qu’ilsne s’étaient rattachés antérieurement aux paroisses ; — à telles enseignes que le Général SxiiATTiEn pouvait dire, le 26 avril 1922, au Synode régional de Paris (Eglise réformée évangélique), que, si 11.000 hugenots en faisant partie, ">5.ooo ne s’y étaient pas affiliés, (cf. Nouvelles lieligieuses, 1922, p. 3a6).

Financièrement, ce|fut un désastre, malgré les nombreux privilèges qui récompensèrent dès le début la docilité protestante. M. Armand Lods terminait, en 190g, un aperçu de la situation en écrivant : En résumé, parmi toutes les Eglises de France dont les pasteurs louchaient un traitement de l’Etat, les deux tiers n’ont pu assumer les charges qui incombaient à l’ancien budget des Cultes. » (Revue de droit et de jurisprudence des Eglises séparées de l’Etat, déc. 1909). Depuis lors, la situation n’a pas changé. Le même juriste l’explique en 1920, dans le Journal des Débats : « La loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, en rendant les Associations cultuelles in 1. On en trouvera les Statuts, dans la Revue d’Organisation et de défense religieuse (bonne Presse), t. I, p. 7678.

2. /Voue. Helig., 1920, p. 326.

capables de recevoir des donations ou des legs, et en limitant d’une manière trop étroite le fonds de réserve, paralyse le fonctionnement des Eglises protestantes. — Depuis la mise en pratique du régime nouveau, lesUnions d’Associations chargées de pourvoir au traitement des pasteurs n’ont pu équilibrer leurs budgets. » En effet, on a beau supprimer des postes de pasteurs, décréter des mises à la retraite hâtives, augmenter ou organiser les collectes, recevoir même parfois des secours de nations amies, le déficit persiste’.

Un organisme nouveau, rendu possible par la loi du ta mars 1920, est l’Association des pasteurs de France. Ce syndicat véritable, capable, lui, de dons et de legs sans frais ni droits par actes entre vif* ou testamentaires, remédiera, au moins un peu, à 1<gêne extrême » dont souffrent les Eglises [Evangile et Liberté, 14 février 1923). Mais il restera que cette crise financière est angoissante, et que, combinée avec la crise doctrinale, elle contribue à raréfier les vocations pastorales, à empêcher l’évangélisation, et à énerver les forces vives des Églises protestantes en France.

III. Quelques variations et tendances intérieures— a Le libre examen n’est pas le droit de décréter son opinion, de proclamer sa propre infaillibilité ; il est le devoir de douter où il faut, d’éviter la précipitation, de contenir ses passions et ses préjugés ; il est l’effort méritoire pour obéir à Dieu en retrouvant sa pensée. — Mais, en obéissant à Dieu, nous nous soumettons à notre propre raison, car notre raison est unie à la pensée divine, et ce n’est pas du dehors que la vérité nous est imposée, c’est en nous-mêmes que nous la découvrons comme notre loi, comme notre bien, comme ce qui nous réalise, nous achève, nous donne l’être véritable. » Ces paroles de M. G. Siîailles (Les affirmations de la conscience moderne, 190/1, p. 18">), encore que d’inspiration rationaliste et non spécifiquement protestante, nous semblent admirablement exprimer tout ce qu’il y a d’élevé dans le principe même d’où est né le protestantisme, comme aussi tout cequ’ily ade fallacieux etde fatal. Une brève esquisse 2 des tendances dogmatiques au sein de l’Eglise réformée nous le confirmera, en nous montrant, selon le mot de Paul Stwvkw (Page s libres, 2 nov.1907, p. 4- r, 2), que ce qui différencie et oppose les divers-partis, ce n’est pas « unedifférence réelleet profonde des croyances ; c’est une simple inégalité d’allure, plus lente chez les uns, plus vive chez les autres, dans la même marche en avant, vers le même terme certain » : d’un côté, le catholicisme toujours plus jeune et plus vivant -’, de l’autre un scepticisme, un théosophisme dissolvant et désespéré. Les premiers réformateurs firent des coupes sombres dans les doctrines traditionnelles ; leurs fils sapèrent sans pitié leurs doctrines à eux. Si leurs arrière-petits-neveux se divisent, les uns voulant déboiser encore, et les autres cherchant à sauver les derniers troncs, il faut-avouer que les plus logiques, les plus protestants, les seuls prolestants sont ceux qui refusent de se laisser imposer du dehors la vérité, se réfugient en eux-mêmes et affirment qu’une doctrine ne peut être que

1. cf. M. Vihwot dans le Témoignage, par ex. 19 juillet 18 octobre, 8 et 19 novembre 1922, etc.

2. Voir R. P. A. DossA’, dan » Hevue Augustinienne, 15 juin et 15 novembre 1908 ; 15 novembre 1909. On trouve ru ces articles dans le9 Questions actuelles, t. X ( V 1 1. XCIK elClY.

3. Il est clair que le ternie spécifié pnr SI. Stnpfer n’ett (pie le protestantisme libéral. C’est non » qui ajoutons le catholicisme comme but et aboutissement de la tendance orthodoxe. Les conversions sont la pour en témoigner.