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REFORME

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se réunirent, pour constater « le manque de vigueur spirituelle et la nostalgie de sécurité dont souffrait l’Eglise officielle », et pour décider la réorganisation de l’Eglise. Ilsrêvaient d’une Eglise épiscopale, d’une Eglise qui remit en honneur le caractère objectif des sacrements, qui rétablit la confession privée et facultative, qui conviât les iidèles à visiter les temples, à y faire des heures de prière, qui fit l’essai d’une institution monastique, qui composât, enfin, un bréviaire évangélique, semblable au bréviaire romain. Gedernier bréviaire estinsurpassable, déclarait dans la revue Die Hochkirche, organe du nouveau groupement, le pasteur Bronisch. « Nous devons redevenir, proclamait, le i' 1 ' novembre 1922, 1e pasteur WBSBNBEnG, une Eglise dispensatrice des sacrements. Un prêtre catholique, croyant et sérieux, est beaucoup plus près de moi qu’un protestant qui nie la divinité du Christ. » Le pasteur Bbttac, qui fut le premier président du groupement, avait osé écrire dès ig15 : « L’Eglise romain**, cette Eglise cléricale, comme on dit, est en réalité l’Eglise populaire ; la nôtre au contraire, celle du sacerdoce universel, est devenue une Eglise cléricale ; l’Eglise romaine est associe’e à la vie entière du fidèle ; bien plus, elle pénètre toute cette vie pour lui donner un sens et une orientation. Nous, nous sommes tolérés ici ou là ; mais sur la masse nous n’avons aucune prise. » Lorsque, le 31 octobre 1922, l’assemblée générale de cette Haute Egise s’ouvrit à Berlin par une cérémonie religieuse, la cérémonie fut calquée sur la messe romaine.

Et lorsque fut publié le bréviaire luthérien proposé par ce groupement, on eut la surprise d’y trouver, à l’office du mercredi de la troisième semaine de l’Avent, une oraison empruntée à l’auieur catholique Louis de Grenade, oraison où la Vierge Mère est célébrée comme une « merveille », pour laquelle la chrétienté doit louer et bénir Dieu. Nous voilà loin, on le voit, des articles de Smalkalde, qui considéraient l’invocation à Marie comme un abus idolâtrique et blasphématoire.

Quel est l’avenir de ces tendances ? Tout pronostic serait imprudent. Dans ces « Eglises du peuple » (Volkskirchen) qui se sont substituées aux droits des anciennes Eglises territoriales (I.andeskirchen), quelle audience trouveront les partisans de la haute Eglise ? Si, pour maintenir leur Credo, leurs aspirations, leurs rêves, ils sortent de ces « Eglises du peuple », garderont-ils une part dans les dépouilles de l’ancienne Eglise de l’Etat ? Il faut attendre que les institutions allemandes aient retrouvé quelque équilibre, avant de conjecturer ce qu’il adviendra de ce mouvement. Mais on peut dès maintenant en préciser la portée. Aucun des instigateursde cette haute Eglise ne songe à devenir catholique romain. Luthériens ils sont, luthériens ils veulent rester. Mais tout ce qu’il y a de négatif dans les conceptions de la Béforme, aussi bien dans les conceptions primitives que dans celles qui furent le fruit d’une évolution historique, les choqueet leur déplaît : ils ont soif d’un christianisme positif, d’une foi aux réalités surnaturelles ; et parmi eux le pasteur Konig, qui représente l’extrême droite, va jusqu'à souhaiter l’installation d’un évoque, que consacreraient « des évêques se trouvant dans la continuité de la succession apostolique ».

La manifestation la plus originale qui se soit produite dans le protestantisme allemand depuis que la chute du césaropapisme l’a rendu maître de ses destinées, témoigne, en définitive, de l’attrait qui porte un petit groupe d’orthodoxes, encore très restreint, vers certaines conceptions catholiques et certaines pratiques catholiques. Ils continuent de se

distinguer du romanisme, et même de s’y opposer ; mais leur hostilité durable contre lesprérogatives du magistère romain ne les empêche pas de rechercher et de ressaisir, dans le vieil établissement religieux catholique, des satisfactions auxquelles leurs âmes font accueil et dont ils veulent procurer à d’autres âmes le bienfaisant avantage.

V. Convergences qui se dessinent entre les conclusions historiques de M. Harnack et de son école et certaines positions traditionnelles de l’Eglise Romaine. — Sans vouloir donner à certaines coïncidences une importance excessive, nous devons constater que simultanément, dans les rangs des théologiens libéraux, un certain sens historique s’est éveillé, qui leur permet de mieux comprendre et de mieux juger le catholicisme médiéval et l’Eglise primitive que ne le faisaient les centuriateurs de Magdebourg ou les théologiens prolestants des seizième et dix-septième siècles.

Que l’on médite, par exemple, cette page éloquente, dans laquelle le protestantisme allemand contemporain regrette la disparition du vieux monachisme :

« Je ne doute pas un seul instant, que, dans la

détresse sociale et religieuse où nous sommes, nous ayons besoin de communautés, de groupements, animés de cet esprit que les moines honnêtes et purs ont possédé et possèdent encore. Nous avons besoin, au service de l’Evangile, d’hommes qui aient tout abandonné au profit de ceux dont personne ne s’occupe. Le parallèle avec les moines catholiques ne m’effraie pas ; les moines évangéliques ne s’occuperont pas d’accumuler des mérites et pourront ainsi, à n’importe quel moment, abandonner la partie, sans perdre leur honneur ou leur réputation.

« Les églises évangéliques deviendront encore plus

misérables qu’elles ne le sont, ou bien l’amour les rendra inventives, et elles susciteront entre elles ce qui n’existe encore aujourd’hui sous aucune forme précise, mais qui s’annonce déjà et qui lente de naître dans la nécessité pressante où nous sommes.

« Nous avons des maisons de correctionetdes maisons de travaux forcés, mais nous n’avons pas encore

d’asiles, où puissent se retirer ceux qui ont fait naufrage sous la tempête de la vieet ne parviennent plus à tenir la mer. Combien n’y en a-t-il pas, qui devraient et voudraient se retirer en silence dans un havre bienveillant pour refaire leurs forces et surtout se préparer à de nouvelles tâches 1 Combien pourraient être sauvés s’il leur était donné de s’appuyer à une communauté bien groupéeetbien ferme, où ils seraient conduits dans une sévère discipline pour l’utilité de tous et où ils se feraient du bien en servant les autres 1 Je sais que je ne suis pas le seul à entretenir ces pia desideria… Et je sais aussi que l’histoire de l’Eglise du Christ, telle qu’elle se manifeste dans le monachisme, n’est pas seulement l’histoire d’une grande erreur. »

Ces lignes sont de M. Harnack ; et il avait raison d’affirmer que certaines âmes partageaient ces pia desideria) : piisq’en ces dernières années on a vu se fonder, en Poméranie, un monastère de bénédictins luthériens. Il y a un demi-siècle, le théologien prolestant qui se fut permis de telles réflexions eût risqué dépasser pour un « crypto-catholique. »

Les positions théologiques et philosophiques de M. Harnack le mettent pleinement à l’abri d’une pareille accusation ; mais la conception qu’il se fait de l’Eglise primitive est beaucoup moins éloignée de la tradition catholique romaine qu- ; ne l'étaient les historiens et critiques protestants de la génération antérieure. « Nous rétrogradons vers la tradition »,