Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/347

Cette page n’a pas encore été corrigée

681

RÉFORME

682

siastiques wurtembergeois, contraints, disait-il, à une réserve mentale.

L’exemple de M. Schrempf lit école : le pasteur Lisco en Prusse, le pasteur Stbudkl en Wurtemberg, refusèrent à leur tour l’usage du symbole, ils furent déposés. La déposition de M. Steudel donna lieu à un curieux incident. M. de Schtuid, prédicateur à la cour de Stuttgart, voulut le convaincre qu’on pouvait accepter toute la liturgie : pour l’en persuader, il prit un vieux rituel qui avait appartenu à l’ancien prédicateur Gbhok ; or, dans ce rituel, des coups de crayon, donnes par Gerok, marquaient les libertés que, sans le dire, celui-ci avait prises à l’endroit des Liturgies traditionnelles. D’où Steudel put conclure que Gerok et lui avaient eu le même état d’esprit ; mais que Gerok avait dissimulé, et que lui, Steudel, était puni « pour n’avoir pas voulu devenir menteur ».

On avait l’impression, dans les Eglises évangéliques allemandes, que les autorités hiérarchiques ne combattaient pas l’incroyance, mais ne commençaient à s'émouvoir que lorsque cette incroyance leur paraissait incorrecte ; or incorrecte elle paraissait, si elle s’affichait franchement, sans précautions, sans équivoques. La sincérité devenait un délit, susceptible de poursuites et de pénalités, mais ces poursuites, ces pénalités, ne protégeaient qu’une façade, elles n’avaient pas l’audace de vouloir protéger la substance même de la vérité, le sens authentique et traditionnel du vieux Credo. M. Schrempf, dans un irréfutable langage, disait de cette Eglise, dont il a /ait cessé d'être le pasteur : « Ou bien l’Eglise devrait expliquer sans équivoque que, chez ses serviteurs qui sont en même temps ses membres, elle présuppose une adhésion, sans conditions ni réserves, à son symbole et à son enseignement, et par là faire connaître sans équivoque aux théologiens hétérodoxes qu’ils ne conviennent point pour le service divin. Ou bien elle devrait flxer de telle sorte sa position à l'égard du symbole et réglementer de telle sorte le service divin, que l’ecclésiastique, en communiquant suivant sa conscience le symbole de l’Eglise devenu un document historique, pût exprimer comme il convient sa position personnelle à l’endroit de ce symbole, et ne fût jamaisobligé de laisser croire que sa foi à lui est sans réserve. Mais l’Eglise n’accepte ni l’une ni l’autre solution, ou, plus exactement, elle fait le contraire des deux. » C’est qu’en eiïet, en acceptant la première solution, les Eglises évangéliquesd’Allemagne auraient do abdiquer cette liberté d’examen qui était au point de départ delà Réforme ; en acceptant la seconde solution, elles auraient légalisé et sanctionné une façon d’anarchie d’où serait résultée la dissolution même des cadres d’Eglise ; elles ne pouvaient opter nettement pour aucun des deux partis.

Il y eut cependant un instant, vers 180, 3, où l’Eglise de Prusse parut sur le point d’opter pour le second parti. Une commission de vingt-quatre meml>r >, appartenant la plupartaux fraclionscroyantes, av lit été chargée de reviser le liturgie ; et la question qui se posait était celle-ci : quelle place donner an Symbole ? Il faut l'évincer, disaient les libéraux, et le remplacer par des chants d’Eglise. Il faut, protestaient les orthodoxes, lui donner, dans la cérémonie de l’ordination, une force juridiquement obligatoire. Il faut en maintenir la lecture comme une lecture documentaire, disaient les théologiens du « juste milieu », comme une façon de se renseiguer sur ce que crut jadis la communauté chrétienne. En août les étudiants en théologie de Berlin s’agitaient ; ils consultaient au sujet du Symbole leur illustre maitre M. Adolphe Harnack ; celui-ci critiquait le

verset : « né de la Vierge Marie », et leur disait en substance qu’on pouvait d’ailleurs entrer dans le ministère pastoral sans chercher un accommodement avec ce verset très-gènant, et patiemment attendre qu'à cet archaïque symbole un autre symbole succédât. M. Harnack « a souffleté l’Eglise du Christ », grondèrent certains luthériens ; « il est temps, et grand temps, que nos étudiants en théologie soient efficacement protégés contre le trouble où des professeurs de théologie, par un enseignement subversif, jeltentleurs consciences ». Et ces luthériens proclamaient que « l’article « conçu du Saint-Esprit, ne de la Vierge Marie », est la pierre angulaire contre laquelle se brisera toute la sagesse de ce inonde. — Mais dans une réunion tenue à Eisenach, un certain nombre d’universitaires s’insurgèrent : attacher à ce versetune pareille importance, c'était, à les entendre, faire dévier la foi et bouleverser les consciences.

Au milieu de ces disputes, émergea soudainement la voix du sumtnus episcopus de l’Eglise de Prusse, Guillaume II. Inaugurant à Wittenberg, le 31 octobre 180, 2, l'église du Château, il déclara : « Nous professons de cœur la foi en Jésus-Christ fils de Dieu devenu homme, crucifié et ressuscité, foi qui est un lien pour la chrétienté tout entière, et c’est par cette foi que nous espérons obtenir le salut, et par elle seule. » L’empereur déclarait « attendre de tous les serviteurs de l’Eglise évangélique qu’en tout temps ils s’appliquassent à gérer leur charge en prenant pour règle la parole de Dieu, dans le sens et dans l’esprit de la pure foi chrétienne, reconquise par la Réforme. »

Ainsi le césaropapisme du Hohenzollern jetait dans le débat le poids de son autorité, en faveur de l’incarnation du Christ. Alors, docilement, le conseil suprême de l’Eglise prussienne expliqua, dans une circulaire : « Eloigner le symbole du service divin, ou même seulement en sacrifier l’usage au caprice de chaque communauté, ce serait diminuer la conscience juridique de la communauté de l’Eglise prussienne, enlever au culte un précieux bijou, à la communauté un moyen suprême de recueillement et de prières. » Cependant, tout en qualifiant de « vérité fondamentale » la naissance miraculeuse de Jésus, le Conseil suprême déclarait qu’il ne voulait pas faire du symbole ou d’un détail de ce symbole « une rigoureuse loi d’enseignement (ein starres f.ehrgesetz) ». Or, malgré les cris de triomphe poussés par les orthodoxes, ce correctif suffisait aux libéraux : il y avait là des possibilités d'échappatoire, dont immédiatement ils se servirent. On continua de polémiquer sur la force obligatoire du symbole, et les libéraux maintinrent, avec M. Harnack, qu’il s’agit là de queslions historiques qui ne peuvent être résolues que d’une façon historique. Et tandis que travaillait la commission de revision de la liturgie, les polémiques se répercutaient dans les divers synodes provinciaux. Lorsqu’en 180, 4 le nouveau projet de liturgie fut définitivement libellé, le synode général chargé de l’approuver se montra à peu près unanime. Les orthodoxes se réjouissaient d’y retrouver le symbole, mais s’inquiétaient un peu lorsque un membre du synode déclarait superflu d’examiner si l’obligation qui pesait sur le pasteur était d’un caractère juridique ; les libéraux se rassuraient en observant que, sur la valeur objective du symbole et sur le degré de perfection avec lequel il traduisait les vérités religieuses, les opinions demeuraient libres.

Celte liberté d’opinion devait, de plus en plus, continuer de sedonner carrière dans l’enseignement des universités. L’Allemagne savante professait que les recherches théologiques et historiques des mai-