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REFORME

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épuisé tous les autres moyens, à une politique de rigueur envers les hérétiques. Si son règne aboutit à un échec, ce fut surtout la faute des hommes qui l’entouraient et des circonstances.

IV. L’affermissement de la Réforme sous la reine Elisabeth (1558-1603). — Elisabbtii, Aile d’Henri VIII et d’Anne Boleyn, montait sur le trône à a5 ans. Elle a été longtemps jugée très favorablement, à travers les exploits maritimes de Drake, les succès remportés sur l’Espagne, le bon renom que lui valait la prudente administration de Cecil et les flatteries des grands artistes, poètes ou savants, qui ont vécu à sa cour. Depuis un demi-siècle, les archives diplomatiques de l’Europe ont livré leurs secrets ; les petitesses, les vices de la « reine vierge », que ses ministres et ses ambassadeurs avaient cachés par patriotisme, ont apparu à tous les yeux. Les longues épreuves de sa triste enfance lui avaient façonné une âme fausse et tortueuse ; elle mentait eflrontément et se plaisait à mystifier ses propres ministres. Sa vanité était immense. En religion, elle était sceptique et païenne, et, dans un temps moins difficile, fut peut-être volontiers restée neutre. Mais elle entra violemment dans les voies de la réaction contre le règne de Marie : son princicipal conseiller fut Cecil, qui accepta sans effort de seconder la nouvelle reine dans sa politique religieuse, après avoir servi celle de sa sœur. Dès les premiers jours du règne, des incidents inquiétants pour les catholiques se multiplièrent. Le 27 novembre, l'évêque Christopherson, ayant réfuté dans la chaire de Saint Paul les doctrines hérétiques de Bill, chapelain de la reine, fut envoyé en prison. Pareille infortune atteignit l'évêque de Winchester, qui avait prononcé, le i^ décembre, le panégyrique de Marie. Le jour de Noël, Elisabeth envoya à Oglethorp, qui devait célébrer la messe en sa présence, l’ordre de ne pas élever l’hostie à la consécration. L'évêque refusa d’obéir ; la reine se retira après l’Evangile. Aux fêtes du couronnement, aucun évêque n’accepta de célébrer la messe sans élévation de l’hostie consacrée. Heath, archevêque d’York, et plusieurs de ses collègues avaient refusé de couronner la reine. Ce fut Oglethorp qui officia selon le rite catholique.

Les exilés luthériens et calvinistes, rassurés sur les tendances du nouveau règne, rentraient en masse. C'étaient Sampson. Sandys, Home, Jewel, Grindal, tous futurs évêques, réfugiés à Strasbourg, Cox, Whiltebread, Coverdale, Goodman et Fox, l’historien. Parmi ceux qui les accueillirent, se trouve Matiiiku Parkbr, privé de ses fonctions ecclésiastiques sous le règne de Marie et vivant obscurément, à Norwich, avec sa femme et ses deux enfants. Après avoir refusé plusieurs fois, il fut désigné, le i' r août 155g, pour le poste d’archevêque de Cantorbéry, qu’il devait occuper jusqu’en 1 ~> -j 5. Il fut sacré, le 17 décembre, par Barlow, qui ne croyait pas à l'épiscopat, et trois autres évêques ; le prélat consécrateur se servit de l’Ordinal d’Edouard VI. De lui procède tout l'épiscopat anglican. Léon XIII a déclaré toutes les ordinations anglicanes entachées de nullité depuis l’origine (Lettre Apostolicæ curae, 13 septembre 1896. Voir article Ordinations anglicanes). Parker, moins intelligent que Cranmer, est plus sympathique, parcequ’il sut garder unecerlaine modération. De plus, il avait du courage moral et essaya de maintenir l’Eglise d’Angleterre dans la

« via media », à mi-chemin de Rome et de Genève.

i° L’Acte de suprématie et l’Acte d’Uniformité. — La Convocation de Cantorbéry et le Parlement se réunirent au début de l’année 1553. Le clergé infé rieur s’honora en faisait présenter à la reine une pétition pour la prier de ne rien changer à la religion. Le quatrième article de cet acte disait : « A Pierre et ses successeurs légitimes sur le Siège Apostolique, comme au vicaire du Christ, est donné le pouvoir suprême de diriger et gouverner l’Eglise militante du Christ et de confirmer ses frères. » Cette pétition, que les évêques présentèrent au chancelier, fortifia l’opposition, dans la Chambre des Lords, contre le bill de suprématie, lequel fut repoussé en première lecture. Quand il revint légèrement amendé, les évêques firent de nouveau une opposition unanime, mais les lords catholiques, à l’exception de Shrewsbury et de Montague, votèrent pour le gouvernement et le bill passa définitivement après les vacances de Pâques, malgré les efforts de Heath.

La loi de suprématie faisait revivre les lois de Henri VIII contre Rome. La reine, constituée t suprême régulatrice » de l’Eglise devait remplir son rôle au moyen d’une Commission centrale ecclésiastique qui, à l’avenir déclarerait hérétique toute opinion contraire à l’Ecriture, aux quatre premiers conciles généraux et aux doctrines autorisées par le Parlement et l’Assemblée du clergé. Le fait de soutenir la suprématie du pape était assimilé, la troisième fois.au crime de haute trahison.

L’acte de suprématieporle la date du 29 avril 1550 ; l’acte d’uniformité celle du 28. Ce dernier devait ramener le culte public à ce qu’il était, la deuxième année du règne d’Edouard VI, alors que les clercs ne consentaient qu’avec peine à garder même le surplis. L’Ordinal n'était pas nommé ; la fameuse rubrique noire, sur la manière de recevoir l’Eucharistie, disparaissait.

Après une puissante critique de l'évêque Scott, la loi passa aux Lords, à trois voix de majorité ; neuf pairs laïques avaient joint leurs suffrages à ceux des pairs ecclésiastiques. Il n’y eut presque pas de débats aux Communes.

L’acte de suprématie devenait immédiatement exécutoire ; l’acte d’uniformité devait être appliqué le 2^ juin iô5q. Tout titulaire d’un bénéfice ecclésiastique, totit fonctionnaire de la cour était tenu de prêter serment au premier de ces actes.

Le refus entraînait pour tous la révocation immédiate. Les ecclésiastiques qui ne se conformeraient pas au rituel uniforme devaient être révoqués et emprisonnés ; les laïques qui le critiqueraient seraient punis de prison.

Quinze des évêques delà reine Marie refusèrent de prêter le serment de suprématie, furent successivement déposés, et moururent après des années de captivité plus ou moins rigoureuse. Un seul, Kitchin, se sépara de ses collègues. Des commissions royales parcoururent l’Angleterre pour assurer l’application des deux actes. Les résultats généraux de cette enquête officielle sont mal connus ; mais on sait qu’une honorable minorité du clergé préféra la révocation à la soumission. Pourtant les rapports des nouveaux évêques, tous luthériens ou calvinistes, des années 155g à 1563, montrent que le peuple et le clergé de la campagne restaient attachés au culte catholique.

Pendant ces années critiques, employées à imposer des réformes à une majorité qui n’en voulait pas, Elisabeth était protégée par Philippe 11, 1e champion du catholicisme, contre le pape et les princes catholiques. La France présentait Marie Stuart comme héritière légitime de la couronne d’Angleterre ; le roi d’Espagne, par haine et par crainte de la France, soutenait une reine protestante auprès du Saint-Siège.

Même après le vote des actes de suprématie et