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REFORME

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qu’il les condamne 1 II consacre tout son chapitre xxii à établir ce dogme par les textes de saint Paul (Itom., ix, 6, ia 15, — Eph., , 4) et les commentaires de saint Augustin. Il essaie de prouver que la gloire de Dieu exige la damnation d’un grand nombre. Au chapitre xxine, il réfute les « calomnies » l’outre sa doctrine, et il les traite sans hésiter de « grondements de pourceaux ».Sa manière de raisonner est tout à fait enfantine : toute la race d’Adam, dit-il, est une masse de corruption. Tous les humains devraient donc être condamnés à l’enfer. Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à Dieu, puisqu’il daigne fairemiséricordeà quelques-uns ?Quand il nous châtie, il ne nous donne que ce qui nous revient, * quand il nous sauve, il montre sa bonté, nous ne pouvons donc que le bénir. Mais si vous demandezâCalvincoramentilsefait que la race d’A-il ; i m soit une masse de corruption, il est contraint de répondre : « On ne peut nier que Dieu n’ait préveu devant que créer l’humme à quelle fin il devoit venir et ne l’ait préveu pour ce qu’il l’avoit ainsi ordonné en son conseil… Dieu non-seulement a préveu la cheute du premier homme et en icelle la ruine de toute sa postérité, niais il l’a ainsi voulu. » La puissance de raisonnement de Calvin s’arrête là. Elle ne va pas jusqu’à conclure que, dans son système. Dieu est cause de tout mal et qu’en punissant les créatures, après les avoir jetées dans le péché, il agit en révoltant despote et non en Maître juste et bon. Les calvinistes eux-mêmes conviennent que Calvin a de Dieu une idée inadmissible.

« Le Dieu de Calvin, écrit M. Henri Bois, professeur

à la Faculté de théologie protestante de Montauban, n’est qu’un grand égoïste. Il se soucie fort peu de ses créatures. Leurs souffrances présentes et éternelles ne lui importent guère. Ce qui l’intéresse, c’est sa gloire, à lui. S’ilen condamneunemultitudeàla perte éternelle, leur sort déplorable ne le touche pas : qu’importe, si cela met en relief sa justice à lui ? S’il en destine quelques-uns au ciel, ce n’est pas qu’il les aime tout simplement, sans arrière-pensée, mais c’est qu’il en rejaillira sur lui de l’honneur. Toujours sa gloire I la gloirede son nom ! Pasun sentiment désintéressé 1 Le Dieu de l’Evangile, le Père de Jésus, n’est pas un Dieu de cette sorte. » (La Prédestination d’après Calvin, dans R. de métaphysique et de morale, 1918, p. 682).

A notre avis, tout Calvin est dans cette doctrine sombre et désolante, il nous apparaît comme un scolastique à qui les humanistes ont appris à écrire, tout hérissé d’arguments, tout desséché par la manie de ratiociner, esprit faux, peu original, têtu dans ses partis pris, aveugle dans les opinions qu’il a chaussées, caractère tendu, âpre, tenace, dominateur, sachant en imposer par l’intransigeance de ses principes, l’algèbre de ses raisonnements, la régularité extérieure de sa vie, un masque affecté de puritanisme sévère et contraint, et enfin et surtout par le prestige alors tout-puissant de la parole de Dieu, contenue dans l’Ecriture, dont il apportait » toute heure les oracles, -ur un ton dogmatique et péremptoire, pour appuyer ses moindres affirmations et autoriser es moind’-es gestes. Nul n’a abusé à ce point du rôle de prophète, d’interprète infaillible de la pensée et de la volonté de Dieu. Il a régné par la terreur religieuse. Ses disciples feront de même, chacun suivant ses moyens, ’.es plus fidèles de ses imitateurs seront les presbytériens d’Ecosse et les puritains d’Angleterre

XII. M^rt de Calvin- — Calvin s’était rapidement épuisé à la tâche. Les six derniores années de sa vie ne sont que l’histoire d’un malade. Il était usé à

50 ans. En décembre 1502, c’est, à peine s’il peut aller de son lit à sa table. On le porte à l’église, les jours de sermon. En février 1 564, on s’aperçut que la (in approchait. Le a, il monta pour la dernière fois dans sa chaire professorale ; le 6, il donna son dernier sermon. Le a- ; avril il lit ses adieux solennels aux magistrats, le 28 aux pasteurs, puis il attendit la mort qui ne vint le délivrer que le 27 mai 1 564, un samedi vers 8 heures du soir. Le ministre Pinault avait pris soin de noter ses dernières recommandations, dans son discours aux prédicants, le 28 avril. Voici quelques passages de ce document mémorable : « Quand je vins premièrementen cesteEglise.iln’y avoitquasi comme rien. On preschoit et puis c’est tout. On cerchoit bien les idoles et les brusloit-on ; mais il n’y avoit aucune réformation. Tout estoit en tumulte. Il y avoit bien le bonhomme maistre Guillaume [Farel], et puis l’aveugle Couraut. D’advantage.il y avoit maistre Anthoine Saulnier, et ce beau prescheur Froment qui ayant laissé son devantier s’en monloit en chaire, puis s’en retournoit à sa boutique où il jasoit, et ainsi faisoit double sermon. — J’ay vescu en combats merveilleux ; j’ay esté salué par mocquerie le soir devant ma porte de 50 à 60 coups d’arquebuse. Que pensez-vous que cela pouvoit estonner un pauvre escholier timide comme je suis et comme je l’ay tousjours esté, je le confesse ? — Puis après je fus chassé de ceste ville, et m’en allay à Strasbourg, où ayant demeuré quelque temps, je fus rappelé, mais je n’eus pas moins de peine qu’auparavantenvoulantfairemacharge. — On m’a mis les chiens à ma queue, criant : hère I hère 1 et m’ont prins par la robbe et par les jambes. Je m’en allay au Conseil des 200, quand on se cornbatoit, et retins les aultres qui y vouloyent aller et qui n’estoyent pour faire cela… et en entrant on me disoit : « Monsieur, retirez-vous ; ce n’est pas à vous qu’on en veult » ; je leur dis : « Nonferay ; allez meschans, tuez-moy et mon sang sera contre vous, , et ces banqs mesmes le requerront. » — Ainsy j’ay esté parmy les combats, et vous en expérimenterez qu’ils ne seront pas moindres, mais plus grands. Car vous estes en une perverse et malheureuse nation, et combien qu’il y ait des gens de bien, la nation est perverse et meschante, et vous aurez de l’affaire, quand Dieu m’aura retiré ; car encores que je ne sois rien, si sçay-je bien que j’ay empesché trois mille tumultes qui eussent esté en Genève.

« … Quanta ma doctrine, j’ay enseigné fidellement,

et Dieu m’a faict la grâce d’escripre ce que j’ay faict le plus fidellement qu’il m’a esté possible, et n’ar pas corrompu un seul passage de l’Escrilure, ne destourné à mon escient ; et quand j’eusse bien peu amener des sens subtils, si je me feusse estudié à subtilité, j’ay mis tout cela soubs le pied et me suis toujours estudié à simplicité. Je n’ay escrit aucune chose par haine à rencontre d’aucun, mais tousjours ay proposé fidellement ce que j’ay estimé estre pour la gloire de Dieu. »

On fait parfois le panégyrique des grands personnages quand ils sont morts. Calvin n’a voulu laisser à personne le soin de faire son propre éloge. L’humilité n’était pas sa vertu dominante.

Terminons cette étudeennousétonnant de l’étrange contradiction qui se remarque dans l’Eglise calviniste de nos jours. Calvin y est toujours en grand honneur et cependant on y répudie généralement avec force et le dogme de la prédestination et celui de la divinité de Jésus-Christ. Or c’est justement pour cela que Calvin a fait bannir JÉRÔME Bolsec et brûler

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BimioonAPHiB. — a) Sources. — Opéra Cahini, dans Corpus Iteformatorum, .">ij volumes, tomes