Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée

643

REFORME

644

avec lui par leltres, et il ajoutait cette phrase sinistre :

« s’il vient ici, pourvu que mon autorité ait

du poids, je ne soulfrirai pas qu’il s’en aille vivant, — si venerit, modo valeat mea auctoritas, vivum exire nunquam patiar ». Michel Servet était averti. Il fut dénoncé à l’Inquisition catholique par un ami de Calvin, Guillaume de Trie, qui fournit de plus les preuves judiciaires de l’hérésie de Servet. Calvin nia plus tard impudemment avoir été mêlé au procès de Vienne. Cependant de Trie affirme que c’est de lui qu’il a reçu les documents transmis à l’Inquisition, il ajoute que Calvin ne s’est décidé’qu’avec peine à les livrer. Servet fut condamné au feu, mais l’Inquisition le laissa fuir. Il commit l’incroyahle imprudence de passer par Genève pour se rendre àNaples. Reconnu et arrêté, le 1 3 août 1 553, il fut jugé, et se sentant un peu soutenu par le parti perriniste, il s’éleva avec force contre Calvin, le « magicien » et le « sycophante » et contre sa doctrine. Mais lesidées de Servet lui-même heurtaient trop violenunentl’opinion . La sentence fulportée le 26 octobre 1553.Le RegistredesPasteursla mentionne ainsi :

« Messeigneurs aians reçue l’advis des Eglises de

Berne, Basle, Zurich et Chafouz, touchant le faict de Servet, condamnèrent ledict Servet a estre mené en Champey et la estre bruslé vif. Ce que fut faict sans que ledict Servet à sa mort ait donné aucung indice de repentance de ses erreurs. » Calvin justifia publiquement cette sentence et le doux Mélanchthon lui-même lui écrivait, le 14 octobre 1554 :

« J’ai lu l’écrit où tu as réfuté abondamment les

horribles blasphèmes de Servet et jerends grâces au Fils de Dieu qui fut l’arbitre de ce combat. L’Eglise d’aujourd’hui et celle de l’avenir te doit et te devra de la gratitude… J’affirme que vos magistrats ont agi justement en mettant à mort cet homme de blasphème, après un jugement régulier » (voir Corpus Reformatorum. XLIII, a68).

« Ce qu’il y a déplus triste en tout cela, conclut

l’historien protestant Augustb Lang, c’est que dans sa « Défense contre Servet », qui parut en février 1 554, Calvin n’eut pas le courage d’avouer la part qu’il avait prise à l’emprisonnement de Servet à Vienne. Il affirme sèchement, dans cet ouvrage, que c’est une frivole calomnie que de l’accuser d’avoir livré le malheureux aux ennemis mortels de la foi. » (Ouvrage cité, p. 131).

c) Le triomphe de Calvin. — Après l’exécution de Servet, Calvin reconquit entièrement l’opinion. Les circonstances du reste le favorisèrent. Philibert de Savoie, devenu le général favori de Philippe II d’Espagne, donnait des craintes à Genève et à Berne. Les deux cités se rapprochèrent. Les Perrinistes furent privés du secours bernois.

Les élections du 4 février [554 amenèrent au pouvoir 3 syndics favorables à Calvin sur 4- L’année suivante, tous quatreétaient pour Calvin. Ses adversaires furent traqués, exilés ou exécutés. Calvin fit recevoir dans la bourgeoisie un grand nombre de réfugiés. Il s’appuya fortement sur ce nouveau parli, qui partageait toutes ses manières de voir. Il organisa, en 1550, , une Université, qui devint le séminaire du Calvinisme.

Un Français, Théodore ob BBZK(151g-1605), enfut nommé recteur. Genève fut désormais le centre intellectuel et apostolique de l’Eglise réformée. Il ne sortit jamais personne île là pour aller prêcher l’Evangile aux païens des missions lointaines. En revanche, il en sortit par centaines des pasteurs qui allèrent en France ou dans d’autres régions catholiques arracher les âmes simples a la foi de leurs ancêtres. A la date du 4 niai 1564, l’Université comptait i.500 étudiants.

Cependant Calvin avait donné sa dernière forme à l’Institution chrétienne. Ce monumental exposé de sa doctrine avait grossi d’édition en édition, jusqu’en 155q. Le livre dépassait alors mille pages in-4°. Sans nous arrêtera donner dans le détailles éléments de la théologie calviniste, qui tient de si près à la théologie luthérienne (biblicisme intégral, fatalisme absolu, justification par la foi seule, liturgie réduite au Baptême et à la Cène), nous résumerons la théorie célèbre de Calvin sur la prédestination.

XL Le dogme de la prédestination d’après Calvin. — C’est au chapitre xxie du livre 1Il de son Institution chrétienne (édition de 155y), que Calvin traite ex professo « De l’élection éternelle, par laquelle Dieu en a prédestiné les uns à salut, les autres à condamnation ». Il serait inexact de lui attribuer la paternité de la doctrine qu’il développe en ce lieu. Si l’on a raison de voir en Calvin le théologien du fatalisme prédestinatien, par excellence, il ne faut pas oublier qu’il ne fait que suivre, sur ce point, l’enseignement formel de Luther (dans le De servo arbitrio, 15a5), qui lui-même est d’accord avec Wyclif, au xive siècle, et Gotleschalk, au ixe [Voir article Prédestination], Plus que tout autre, cependant, Calvin a appuyé sur cette théorie désespérante et abominable, que par une aberration inconcevable il trouve agréable et souriante, ou, comme il dit,

« douce et savoureuse au fruict qui en revient ». Il

n’ignore pas cependant que tel n’est pas l’avis général :

« Je confesse, dit-il, que les meschanls et blasphémateurs

trouvent incontinent en ceste matière de prédestination à taxer, caviller.abbayer ou se moquer. Mais si nous craignons leur pétulance, il faudra taire un des principaux articles de nostre foy. »

« Nous appelons Prédestination, poursuit-il : le

conseil éternel de Dieu, par lequel il a déterminé ce qu’il vouloit faire d’un chacun homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. »

Calvin prétend découvrir cette affreuse doctrine dans la Bible : « Nous disons donc, comme l’Escriture le monstre évidemment, que Dieu a une fois décrété par son conseil éternel et immuable, lesquels il vouloit prendre à salut, et lesquels il vouloit dévouer à perdition. Nous disons que ce conseil, quant aux esleus, est fondé en sa miséricorde sans aucun regard d « dignité humaine. Au contraire, que l’entrée de vie est forclose à tous ceux qu’il veut livrer à damnation, et que cela se fait par son jugement occulte et incompréhensible, combien qu’il soit juste et équitable. D’avantage nous enseignons que la vocation des esleus est comme une monstre et tesmoignage de leur élection. Pareillement que leur justification en est une autre marque et enseigne jusques à ce qu’ils viennent en la gloire en laquelle gistl’accomplissementd’icelle. Or, comme le Seigneur marque ceux qu’il a esleus, en les appelant et justifiant, ainsi au contraire, en privant les réprouvez de la cognoissancedesa parole ou de lasanctiGcation de son Esprit, il démonstre par tel signe quelle sera leur fin et que jugement leur est préparé. »

Calvintrouvemagnifiquecetteconception d’un Dieu qui crée des êtres capables de penser, de vouloir el d’aimer, avides de bonheur éternel, et qui froidementfait son choix parmi eux, sans aucun égard à leurs effort*, à leurs mérites ou démérites, sans aucune considéra lion du développement ultérieur de leur vie, députe les uns au ciel et par suite leur assure la foi, la justification, la certitude du salut, et destine les autres aux enfers et par conséquent leur donne en partage les vices, les ténèbres de l’esprit, la perversion du cœur, afin de pouvoir les salir en même temps