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REFORME

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Consistoire s’applique à venger l’honneur de Dieu, outragé par les offenses des citoyens, surtout des papistes obstinés, tels que Jane Petreman. Nul n’échappe à ses curiosités ni à ses rigueurs : « On comparaissait devant lui, a écrit M. Goyau, pour gamineries et pour débauches, pour adultère et pour bal déjeunes gens, pour blasphèmes et pour un festin tropcopieux, pour manque d’assiduité aux prêches et pour superstition papiste. » Ce tribunal employait à la ville et dans les campagnes ses délateurs, chargés de prendre note du péché ; et chaque membre du Consistoire devait lui-même apporter à ses confrères, tous les huit jours, l’in licalion des délits qu’il avait pu constater et qui méritaient châtiment. .. Jouer aux dames et au trictrac, dans quelque cabaret, en y buvant un quarteron de viii, étaitun délit sérieux ; pour l’avoircommis, Bonivard, quelque fanatique que fût sa foi huguenote, et Clément Marot, quelque édifiants que fussent ses psaumes, furent cités en « Consistoire » (Une Ville Eglise, p. b~, 6a, — la comparution de Marot est du 20 décembre 1 543).

L’arme principale du Consistoire, c’était l’excommunication, qui consistait à interdire la Cène au délinquant, ce qui l’obligeait à se soumettre, sous peine d’être déféré au pouvoir civil. Calvin tenait par-dessus tout à ce droit d’excommuiication. A Pàquasde 15.’|3, le Sénat de Genève, ou Conseil des soixante, essaya de se réserver ce droit et de l’enlever au Consistoire. Aussitôt Calvin prit feu et flamme et se déclara prêt à la mort ou à l’exil plutôt que de céder. Le Sénat dut s’incliner (voir Lettre de Calvin à Viret, 24 mars 1.3 / ( 3, Hbrminjard, Correspondance des Réformateurs, VIII, n° I213). — Les premières oppositions furent vaincues sans trop de difficultés. Il y eut cependant quelques cas épineux : ainsi Sébastibn Castelliox [1515-1563) fut exclu du ministère pastoral pour avoir soutenu sur le Cantique des Cantiques une opinion que Calvin réprouvait, et l’on n’est pas peu surpris de voir Calvin lui opposer ce « perpétuel consentement de toute l’Eglise » qu’il n’avait pas craint de mépriser lui-même en passant au protestantisme. Castellion fut fait maître d’école. Il resta mécontent et quitta Genève, le 12 juin 1544- L’affaire Ambaux fut un peu plus grave. Pierre Ameaux était fabricant de cartes à jouer. La rigueur puritaine du régime calvinien lui faisait perdre sa clientèle. Il proféra des injures contre Calvin. On le jeta en prison. A la date du 8 avril iblfi, le Conseil prononça la sentence suivante :

« Ayans vheu le contenuz de ces responses, 

par lesquelle nous appert que il [Ameaux] a meschamrnent parlé contre Dieu, le Magestral et M.Calvin ministre etc Ordonné qu’il soyt condampné

à debvoyer fère le tour à la ville en chemise teste nue, une torche allumée en sa maien et dempuys devant le tribunal venyr crie mercy à Dieu et à la justice les genoulx à terre, confessant avoyer mal parlé, le condampnant aussy à tous despens et que la sentence so3’t proféré publiquement. » Notons que Pierre Ameaux était membre du Petit-Conseil, donc un personnage considérable. Pius considérable encore était Ami Perrin, eapit&ine-géuéral de la ville, gendre de François Favre dont les descendants existent encore à Genève. Les Favre étaient tous de caractère assez indépendant. On vivait bien et on était gai, dans la famille. A l’occasion d’un mariage, il y eut un bal chez ces excellents bourgeois. Le Consistoire enquêta, fit comparaître les danseurs et les danseuses. Tous mentirent effrontément, sauf Amblard Corne, syndic et président du Consistoire, et Ami Perrin. Calvin tonna contre la danse et jura de réduire les coupables. La femme de

Tome IV.

Perrin, Franchequine, lui cria avec rage : « Méchant homme, vous voulez boire le sang de notre famille, niaU vous sortirez de Genève avant nous s ! La querelle agita la ville pendant longtemps. Le syndic Corne et le capitaine Perrin durent faire amende honorable. Mais Franchequine Perrin fut plus malaisée à réduire. Elle continua à danser, comparut de nouveau devant le Consistoire, le a3 juin vhtfi, traita le ministre Abel Poupin de « gros pouacre »,

— ce qui était une injure assez salée, — et fut jetée en prison. Mais l’opinion s’ébranlait. Une alliche fut apposée à la chaire, on y disait n que des prêtres renégats, comme Calvin et ses amis, n’avaient que faire de désoler ainsi le monde, que s’ilsconlinuaient, on les mettraiten tel lieu qu’ils maudiraient l’heure qu’ils étaient sortis de leur moinerie » (voir lettre de Calvin à Viret, a juillet 154 ?). Calvin, furieux, fit faire une perquisition dans la demeure de Jacques Gruet, un ami des Favre. On constata que l’affiche n’était pas de sa main, mais on trouva chez lui des chiffons de papier, brouillons et notes, compromettants. Il se permettait de penser et d’écrire dans ses carnets intimes que les lois ne doivent frapper que ce qui fait tort à la République, qu’à Venise on le comprend ainsi, qu’on perdrait mille citoyensen obéissantaux imaginations d’un homme mélancolique. Il allait plus loin, il plaisantait la Bible et le christianisme. Immédiatement arrêté, Gruet fut jugé et condamné à « avoyer tranché la teste de dessus les espaules et son corps attaché aut gibet et la teste cloyé en icelluy » (26 juillet 1547).

b) La lutte, — Mais en février 1548, les élections tournèrent contre Calvin, et l’année suivante, 10 fév. 154g, le capitaine-général Ami Perrin, devint syndic. Une vive réaction se produisit. On se montrait très animé, dans la ville, contre les Français. La persécution exercée en France par Henri II, contre les huguenots, amena en effet, de 154q à 1554, 1.376 réfugiés à Genève, et ils n’étaient pas les premiers. Or, Genève n’était alors qu’une petite république de 13.ooo habitants, comptant de 1.000 à i.500 électeurs. On craignit d’être submergé par les étrangers. Calvin, au contraire, s’appuyait sur les réfugiés, qu’il regardait comme des « confesseurs de la foi ». En1551, les Perrinistes proposèrent que nul ne pût être reçu bourgeois, avant a5 ans de résidence. Sur ces entrefaites, le médecin Jérôme Bolsec, ancien Carme devenu protestant, attaqua publiquement la doctrine de Calvin, sur le dogme central de la prédestination. Calvin se défendit avec véhémence etobtint le bannissement de Bolsec (a3 déc. 1551), puis la consécration officielle du dogme de la prédestination (Consensus Genevensis, i er janvier 1552).

L’année 1 553 fut décisive. Aux élections du 5 février, la victoire des Perrinistes fut complète. La déflance envers les étrangers devint extrême. Si Calvin triomphait dans les questions de doctrine pure, comme celle de Bolsec, il essuyait par ail’eurs les affronts les plus mortifiants : « La colère et la rage contre moi en sont venues à ce point, disait Calvin, que tout ce que je dis soulève le soupçon. Même si j’affirmais qu’il fait clair en plein midi, on commencerait aussitôt à en douter » (voir A. Lang, Zwingli und Calvin, p. 127). C’est au moment où l’autorité de Calvin était le plus menacée, qu’elle fut soudain rétablie, dans Genève, par l’événement qui a le plus contribué, dans la suite, à souiller sa mémoire : l’exécution de Michel Sbrvet. On sait que le médecin espagnol Servet niait le dogme de la Sainte Trinité. Dans un ouvrage paru dès 1531, il s’était mis en état d’opposition résolue envers la doctrine traditionnelle sur ce point. Dans une lettre à Farel, du 13 février 1 5 4 7, Calvin racontait qu’il avait discuté

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