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POSITIVISMK

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« L'économie générale du système catholique au

moyen âge forme jusqu’ici le chef-d'œuvre politique de la sagesse humaine. » (Philos, pos., V, 231 [5 « édit. a61]). « Celte admirahle modification de l’organisme social a développé jusque dans les derniers rangs des populations un profond sentiment de dignité et d'élévation jusqu’alors presque inconnu. La soumission a pu alors cesser d'être servile et la remontrance d'être hostile. » (Ibid., 238 [270]) « Le principe électif (a trouvé) une plénitude d’extension jusqu’alors entièrement inconnue… Les institutions monastiques (devinrent) l’apprentissage permanent de la classe spéculative, dont les membres les plus actifs venaient souvent retremper ainsi l'énergie et la pureté de leur caractère, trop susceptible d’altération par les contacts temporels journaliers… La puissante éducation spéciale du clergé devait rendre le génie ecclésiastique habituellement supérieur à tout autre, non seulement en lumière de tout genre, mais au moins autant, en aptitude politique. » (Ibid., V, 244-a/j8 [276-279])

« L’infaillibilité papale, si amèrement reprochée au

catholicisme, constituait, à vrai dire, un très grand progrès intellectuel et social (contre l’abus de l’inspiration directe), outre son évidente nécessité pour l’ensemble du régime théologique, où, selon la judicieuse théorie de de Maistre, elle ne formait réellement que la condition religieuse de la juridiction finale. » (Ibid., V, 250 [282])

« La belle institution de la confession, puissante

pour purifier par l’aveu et rectifier par le repentir, était indispensable au gouvernement spirituel, sans laquelle il ne pourrait suffisamment remplir son office (éducateur). » (Ibid., V, 263 [299])— Cf.GRUBBH, Auguste Comte. Sa vie. Sa doctrine, p. 134-140. Le calendrier positiviste met parmi les grands hommes S. Paul, la plupart des Pères de l’Eglise, S. Ignace, S. François Xavier, Bourclaloue.

Mais l’apologiste, en rapportant ces déclarations, et d’autres, comme des aveux arrachés à un incroyant par la connaissance de l’histoire et le sens des besoins de la nature humaine, ne doit pas oublier qu’Auguste Comte présente ces institutions de l'époque théologique comme périmées et à jamais dépassées par les organisations de l'époque positiviste, qu’elles étaient destinées à préparer. Il y avait en tout cela, sans parler de « la compression intellectuelle », des éléments « puérils » que l’humanité devait rejeter à son âge adulte.

Il y a telles déclarations d’Aug. Comte dont un catholique ne saurait prendre son parti. Par exemple : « L’entière émancipation théologique (doit) constituer aujourd’hui une indispensable préparation à l'état pleinement positif. La grande conception de l’Humanité… vient éliminer irrévocablement celle de Dieu. — Le culte des positivistes ne s’adresse point, comme celui des théologistes, à un être absolu, isolé, incompréhensible. — A des dieux actifs et sympathiques, mais sans dignité et sans moralité, le monothéisme substitua une divinité tantôt inerte et impassible, tantôt impérieuse itinllexible, quoique toujours majestueuse. D’après la réalité qui caractérise le nouvel Etre Suprême, sa nature relative et modifiable nous permet une appréciation plus complète. — En célébrant dignement les mérites et les bienfaits du catholicisme, l’ensemble du culte positiviste fera nettement apprécier combien l’unité fondée sur l’amour de l’Humanité surpasse, à tous égards, celle que comportait l’amour de Dieu. — Le catholicisme ne put que poser vaguement cette immense question sociale, dont la solution, incompatible avec tout principe théologique, appartient nécessairement au positivisme. — Le monothéisme

se trouve aujourd’hui, en occident, aussi épuisé et aussi corrupteur que l'était le polythéisme quinze siècles auparavant… Les plus actifs théologistes… manquent, depuis longtemps, de bonne foi. Leur Dieu est devenu le chef nominal d’une conspiration hypocrite, désormais plus ridicule qu’odieuse, qui s’efforce de détourner le peuple de toutes les grandes améliorations sociales en lui prêchant une chimérique compensation. » (Système de Politique positive. Paris, Mathias, 1 85 1, I, p. 46, 329, 333, 341, 351 et 356, 361-362, 393-395, 397-398)

On salue l’Eglise catholique, mais comme la grande morte. On lui jette des fleurs, mnis c’est sur une tombe qu’on les jette. Nous ne pouvons nous contenter de ces hommages. Ils n’ont pas dans la bouche de Comte ce ton de superbe dédain qu’ils prendront plus tard chez beaucoup de positivistes orthodoxes ou libres. Mais nous revendiquons, forts de l’expérience des siècles sans en excepter le nôtre, l'éternelle vitalité et l'éternelle jeunesse do l’Eglise. Ajoutons que cette apologie que fait A. Comte du catholicisme, s’en tient trop, comme il devait arriver, aux formes extérieures, ne pénètre pas à l'âme qui anime l’organisme. De là, le danger, pour qui s’en contenterait, de vouloir ressusciter un catholicisme trop exclusivement politique ou organique, dépourvu de sève intérieure. Danger qui n’est pas chimérique, à voir les tentatives de quelques-uns pour chercher dans A. Comte les lois d’un ordre social chrétien ou d’un ordre social simplement humain. L’Institut d’Action française n’a-t-il pas sa chaire Auguste Comtel L’ordre politique n’est stable que s’il suppose le règne de l’ordre, de la justice et de la charité, dans l’individu. L’ordre catholique n’est qu’une vaine façade s’il n’est l’expression d’une vie religieuse intense. Or, il y a opposition irréductible entre la vie religieuse de l'âme et les données du positivisme, qu’il soit orthodoxe ou indépendant. Le crime du positivisme est d’avoir entrepris d’habituer l’humanité à se passer de Dieu. Par tous ses efforts, dans tous les ordres d’idées, il entend signifier à Dieu son congé. L’idée de Dieu est réputée démodée ou malfaisante. La science doit remplacer le catéchisme et la théologie. L’homme doit se substi tuer à Dieu. Doctrine qui s’attaque à la plus profonde essence des choses et s’inspire d’un orgueil insensé.

Bihliograpuib. — Sourcks. — — (Euvres d’Auguste Comte, particulièrement Cours de Philosophie positive (1830-18/|2), Système de Politique positive (1851-1851l), Catéchisme positiviste (1862), Appel aux conservateurs (1855), Synthèse subjective (1856) ; Auguste Comte conservateur (Extraits de son ceuvre finale), Paris, Le Soudier, 1898 ; Littré, A. Comte et la Philosophie positive, Paris, Hachette, j 863, I.a Science au point de vue philosophique, Paris, Didier, 1873 ; J. Stuart Mill, A. Comte and Posilivism, London, 1866, trad. franc, par G. Clemenceau, Paris, Baillière, 1868 ; H. Gruber, S. J., A. Comte der Begriinder des Positivismus. Sein Leben und seine l.ehre, Frieburg-im-B., Herder, 1889 ; trad. franc, par Ph. Mazoyer, Paris, Lethielleux, 1892 ; (Cet ouvrage, tout analytique, est très précieux poursuivre la pensée d’A. Comte et son développement. Nous l’avons utilisé, comme font la plupart de ceux qui ont à parler d’A. Comte. L’article Positivisme, dans la Grande Encyclopédie par Th. Ruyssen, n’est qu’un abrégé de cet ouvrage et du suivant.) H. Gruber, Der Positivismus seit Comte bis auf unsere Zeit, trad. franc. 18g3 ; E. Renan, L’Avenir de la Science, Paris, Calmann Lcvy, 1890 ; M. Berlhelot, Science et