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RÉDEMPTION

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sée de Schleiermacher une grande vogue. Son influence est profondément empreinte sur toute la théologie allemande depuis un siècle, et s’est propagée hors d’Allemagne. Voir F. Bonifas, La doctrine de la Rédemption dans Schleiermacher, Paris, 1865. Sur lesécolesallemandes durant la première moitié du xix « siècle, on trouvera des directions dans l’ouvrage de F. E. Wbngbr, Le dogme de la Rédemption au XIX' siècle. Thèse historicodogmatique présentée à la faculté de théologie protestante de Montauban en 1857. — Bibl. nat., D 2 13282.

d) Mysticisme de Ritschl. — Avant de se répandre sur les terres du protestantisme libéral, la pensée de Schleiermacher fut canalisée par Albert Ritschl (1822-1889), véritable chef d'école.

L’ouvrage capital de Ritschl a pour titre : Die ckristliche Lehrevon der Rechtfertigung und Versôhnung, 3 vol., Bonn, 1870-1874 ; 3' éd., 1888/9. On y retrouve l’idée essentielle du Dieu-Père révélé en Jésus-Christ. Jésus-Christestle Révélateur parfait, le Fils de Dieu, le Seigneur ; d’ailleurs, Ritschl ne songe pas à voir en lui Dieu même, ni à lui attribuer une préexistence au sein du Père. Tout le système gravite autour de la prédication du Royaume de Dieu, à réaliser en terre par la soumission aimante de la volonté humaine à la volonté paternelle de Dieu. Le péché seul y fait obstacle ; et le péché, c’est avant tout la déliance de l’homme à l'égard de Dieu. La Rédemption consistera à s’affranchir de la déliance pour approcher du Père, et ceci est l’affaire de l’homme. Car Dieu ne demande qu'à se réconcilier l’homme ; Dieu est tout réconcilié, mais il faut que l’homme se réconcilie à Dieu. La Rédemption aura pour corollaire la pratique des bonnes œuvres, dans laquelle l’homme prend de plus en plus conscience de sa réconciliation et de son adoption divine.

Cette conception subjective de la Rédemption fit fortune. Parmi ses adeptes les plus notables, on peut nommer M. Haknack. Pour l’expression des idées ritschliennes, voir son Essence du christianisme, iv «  conférence ; trad. fr. de 1907, notamment p. 89-90 :

Le premier, Jésus-Christ a mis en évidence le prix de chaque âme individuelle, et personne ne peut plus ramener ces âmes à leur ancienne misère… Cette appréciation de Jésus sur la valeur de l'âme humaine repose sur un renversement de l'échelle des valeurs… renversement que plusieurs avant lui avaient pressenti, dont ils avaient entrevu 1h vérité comme à travers un voile, dont ils avaient éprouvé par avance… la force rédemptrice. Le premier, il l’a exprimé avec calme, avec simplicité, avec certitude, comme si c'était une de ces vérités dont on a coutume de dire qu’il n’y a qu'à étendre la main pour les cueillir… Tout l’Evangile s’exprime dans cette suite d’idées : Dieu le Père, la Providence, la filialité, la valeur infinie de l'âme humaine.

e) Les variations du protestantisme français au XIX* siècle. — Le protestantisme français au xixe siècle oscille entre les attractions les plus diverses : nous renonçons à les dénombrer. Dans un livre représentatif, qui est le manifeste d’une âme en proie à une violente crise religieuse, Edmond db Prbssbnbk refait à sa manière l’histoire du Dogme et conclut, Essai sur le Dogme de la Rédemption, p. 5ç, Paris, 1 867 : « Tout d’abord, nous sommes en droit de considérer comme une dérogation grave à la vérité fondamentale de l’Evangile toute théorie qui supprime dans le sacrifice du Christ l'élément objectif, et n’y voit qu’un pur symbole ou de la miséricorde divine ou de la vertu humaine. La dérogation est plus grave encore quand on y cherche, comme dans le gnosticisme et l’hégélianisme, un type des relations éternelles du fini et de l’infini. » Après avoir ainsi mis hors de cause cet élément objectif delà Rédemption,

qu’il considère comme l'âme du vrai christianisme, il commence à faire œuvre constructive. Mais au prix de quelles démolitions 1 Sa christologie, à base de kénose, rétrograde sur les Conciles du v* siècle P. 131 :

19. Pour représenter l’humanité condamnée, le Verbe

« s’est anéanti », et a volontairement limité les attributs

métaphysiques do la divinité, comme la toute-science, la toute-présence, la toute-puissance. Il n’en est pas moins l’Homme- Dieu, car en étant l’Homme parfait, il n’a pas cessé d'être le Fils de Dieu. I.e dogme des deux natures est une création malheureuse de la métaphysique du iv « siècle.

13. Jésus-Christ a expié le pèche de l’homme en tant que chef de l’humanité nouvelle, par le* souffrances de aa vie comme par celles de sa mort. Prétendre qu’il a enduré ui.e peine infinie dans sa nature divine, est anéantir la solidarité qui l’unit à nous et tomber dans le pur docétisme.

Ces dernières lignes témoignent de confusions énormes, qui débordent le domaine de la sotériologie. L’idée d’un Christ passible en sa nature divine est une absurdité métaphysique, répugnante même pour beaucoup de docètes.

f)Le protestantisme libéral en France. — Le livre d’AuGUSTR Sabatibr sur la doctrine de l’expiation et son évolution historique, Paris, 1903, est représentatif de la doctrine sur la Rédemption, commune dans le protestantisme libéral en France. Nous croyons devoir nous y arrêter.

Dès les premières pages, l’auteur tranche le lien qui rattache au vieux dogme du péché originel l’idée de Rédemption, p. 9 :

Le drame mythologique de la Genèse semble indiquer le premier éveil de la conscience morale, avec le sentiment des contradictions douloureuses qui l’accompagnent toujours. Il ne saurait servir de fondement historique au drame correspondant de la Rédemption. Le dogme reste désormais en l’air ; il est nécessairement obligé de se transformer radicalement et de se dégager de la vieille forme mythologique, s’il ne veut y être étouffé.

Après «.voir rappelé les notions bibliques impliquées dans l’idée de Rédemption, il suit l’histoire de cette idée, des origines chrétiennes à nos jours, et la résume en trois périodes, p. 90.91 :

La première, celle des Pères de l’Eglise, est dominée par la notion mythologique d’une rançon payée à Satan… La deuxième période, qui va des premiers ten ps de la scolastique à la lin do un* siècle, est dominée par la conception juridique d’une satisfaction objective donnée à Dieu, sous forme de dette payée à un créancier ou de peine substitutive agréée par le juge… La troisième période, ou la période moderne, est marquée par l’effort de la pensée chrétienne pour saisir et interpréter le salut religieux comme un fait essentiellement moral, qui se passe non dans le ciel, mais dans la conscience…

On a vu plus haut ce qu’il faut penser d’une telle division. La « notion mythologique d’une rançon payée à Satan », loin de « dominer » toute la période patristique, n’est qu’un incident passager, limité à la sphère d’influence origéniste. La « conception juridique d’une satisfaction objective donnée à Dieu », loin d'être limitée à la période ancienne delà scolastique, s'étend depuis les premiers temps du christianisme jusqu'à nos jours ; le mot seul de « satisfaction » a été mis en circulation à la fin du xi* siècle, mais la théorie n’est pas liée à ce mot. L' « interprétation du salut religieux, comme un fait essentiellement moral », ne présente rien de particulièrement moderne, sinon les limitations qu’y apporte le protestantisme libéral. L’auteur conclut, p. 93-95.98 :

Pour accomplir la tâche qui incombe aujourd’hui à la pensée chrétienne, il s’agit de débarrasser enfin le vieux dogme des notions vieillies dans lesquelles il a été conçu et est