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REDEMPTION

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la condition juridique de l’homme soumis au démon à titre de servitude pénale, III", q. / ( 8, art. (, et définissant le caractère de la satisfaction du Christ, qui fut une sorte de rançon payée à Dieu : Fins passio fuit quasi quoddam pretium, per quod libérait sumus ab utraque obligatione. Nam ipsa satisfactio, qua quis satisfacit sire pro se sive pro alio, pretium quoddam dicitur quo seipsum sel alium redimit a peccato et a poena. Il maintient d’ailleurs, sans y appuyer, l’idée, souvent reprise depuis saint Irénée, de la souveraine convenance d’une revanche de l’homme (en la personne du Christ) sur le démon, ib., q. 46, art. 3 ad 3 » ; il maintient même l’idée de l’abus de pouvoir commis par le démon et entraînant sa ruine, — trace fugitive d’une théorie chère à la tradition latine, q. 4g. a-’Cf. d’ailleurs In III, D. ao ; saint Bonavbnturi, In III, D. 19 et 20. Ainsi la question des droits du démon était-elle définitivement liquidée.

II. Efforts dk réimtbb.prbtation db la. satisfaction vicaire. — Plusieurs théologiens catholiques, au cours du xix « siècle, ont essayé de réinterpréter la doctrine traditionnelle de la satisfaction vicaire, pour faire face à l’objection, selon eux mal résolue : nul ne satisfait pour autrui. Ces tentatives consistaient généralement à déplacer l’axe de la théorie et à passer du terrain objectif et métaphysique au terrain subjectif et psychologique.

Le Christ serait mort pour faire comprendre aux hommes la gravité du péché, sa propre sainteté, son amour ; pour les exciter au repentir et appliquer au péché le seul remède approprié : celui de la doctrine et de l’exemple. Ainsi Hkrmes(-]- 1831), Chris tliche Dogmatik, Munster, 1835 ; Schkll, Kalholische Dogmatik, Paderborn, 1889.

Dieu aurait voulu fournir à l’humanité, en la personne du Christ, l’occasion de réparer, par une obéissance parfaite, la désobéissance d’Adam. En vertu de l’inclusion réciproque des individus, l’épreuve subie par les deux représentants de l’humanité, Adam et le Christ, devait être décisive pour tous. Ainsi Ant. Gcbnthrr (-j- 1 863), Vorschulen zur spekulativen Théologie, t. II, Wien, 1829.

Ces théologiens ont lâché la proie pour l’ombre. Car, en réduisant la vertu de l’acte rédempteur à un grand exemple, ils méconnaissaient le principe de la double solidarité des hommes en Adam et dans le Christ. Par là même, ils se condamnaient à ne fournir, de la satisfaction vicaire, qu’une explication insuffisante au regard de la doctrine catholique et même, dans une large mesure, au regard de la pensée protestante.

III. La Rédemption par la pbinr du talion, selon l’ortiiodoxib protkstantb. — Ceci est un travestissement infligé par les Réformateurs du xvi* siècle et leurs successeurs immédiats à la notion traditionnelle de satisfaction vicaire.

Le concept’juridique de saint Anselme, opportunément détendu par les grands docteurs de xme siècle, fut au contiaire resserré par les pères de la Réforme, qui en aggravèrent la rigueur et présentèrent les exigences de la justice divine sous un jour mesquin et odieux. En s’attachanl exclusivement à la justice commutative et à la justice vindicative, ils substituèrent, an système hardi et souple élaboré parles scolastiques, un schéma rigide, où Dieu fait figure de créancier inexorable et de bourreau. Créancier inexorable et bourreau à l’égard du Christ, sur qui s’accomplit toute justice ; l’homme n’a plus qu’à en bénéficier.

Déjà Luthbr donnait comme pendante sa concep tion de la justice du Christ, imputée à l’homme par le moyen de la foi, la conception de la malédiction du péché, imputée au Christ. Cette donnée fut reprise par Calvin, quil’érigea en système et en déduisit les dernières conséquences. Institution de la Heligion chrétienne, 1. II, xviii, éd. de Genève, 1888.

ô, p. 233 : Il ne suffisait point pour abolir nostre damnation que Jésus Christ endurast une mort telle quelle : mais pour satisfaire à nostre rédemption, il a fallu eslire un genre de mort par lequel il prist à soy ce que nous avions mérité : et nous ayant acquité de ce que nous devions, nous delivrast. ..

8, p. 234 ; La croix esloit maudite, non seulement par humaine opinion, mais par le décret de la Loy de Dieu (Deut., xxi, 22. 23). Quand donc Christ est attaché à icelle, il se rend sujet ù malédiction. Et falloit qu’il fust ainsi fait : c’est que la malédiction qui nous estoit deuo et apprestéc pour nos iniquilez, fust transférée eu luy, afin que nous en fussions délivrez : ce qui avoit esté auparavant figuré en la Loy. Car les hosties qu’on ofi’roit pour les péchez, estoient appelées du nom mesme de Péché. Par lequel nom le sainct Esprit a voulu signifier qu’elles recevoient toute la malédiction due au péché. Ce qui a este donc par figure représenté aux sacrifices anciens de Moyse, a esté à la vérité accompli en Jésus Christ, qui est la substance et le patron des figures. Pourtant afin de s’acquiter de nostre rédemption il mis son ameen sacrifice satisfactoire pour le péché, comme dit le Prophète ! /*., LUI, 5. 11) : afin que toute l’exécration qui nous estoit deue comme à pécheurs estant rejettée sur luy, ne nous fust plus imputée. L’Apostre declaire plus aperlementcela, quand il dit que celui qui n avoit jamais cogneu péché, a esté fait du Père péché pour nous : afin qu’en luy nous obtinssions justice devant Dieu (Il Cor., v, 21). Car ie Fils de Dieu estant pur et net de tout vice, a prins et vestu la confusion et ignominie de nos iniquitez : et d’autre part nous a couvert de la pureté…

10 p. 236 : … Nous avons à chercher une interprétation… de la desconte de Jésus Christ aux enfers : laquelle se présente en la parolle de Dieu, non seulement bonne et saincte, mais aussi pleine de singulière consolation. Il n’y avoit rien de fait si Jésus Christ n’eust souffert que la mort corporelle : mais il estoit besoin qu’il portast la rigueur de la vengeance de Dieu en son âme, pour s’opposer à son ire. et satisfaire son jugement Dont il a esté requis qu’il combatist contre les forces d’enfer, et qu’il luistast comme main à main contre l’horreur delà mort eiernelle… Parquoy il ne se faut esmerveiller s’il est dit qu’il est descendu aux enfers veu qu il a enduré la mort d* laquelle Dieu punit les malfaiteurs en son ire…

L’aboutissement horrible de cette doctrine, d’après laquelle Jésus aurait enduré les propres tourments des damnés, parut excessif à beaucoup de réformateurs. A cela près, on trouve le pendant des assertions de Calvin dans l’enseignement des luthériens du xvn* siècle. Eux aussi cherchent à établir une équivalence quantitative entre les péchés du genre humain et la peine subie par le Rédempteur. Au point de vue anselmien delà salisfactio, ils substituent le point de vue d’une salispassio avarement mesurée. La considération exclusive de la substitution pénale, dans la Rédemption du Christ, caractérise la scolastique protestante..

Le synode de Dordrecht (1618-9), représentant l’Eglise réformée des Pays-Bas, renchérit sur les rigueurs de Calvin. Il* partie, art. 4 :

Dieu n’est pas uniquement la miséricorde suprême : il est encore la suprême justice. La justice demande que nos péchés, commis contre sa majesté infinie, soient châtiés non seulement par des peines temporelles, mais encore par des peines éternelles, tant du corps que de l’âme. N jus no pouvons échapper à ces peines si la justice de Dieu n’est pas satisfaite Mais comme nous ne pouvons nous mêmes opérer cette satisfaction et nous délivrer de la colère divine, Dieu, dans son immense miséricorde, nous a donné son Fils unique pour répondant, lequel, pour opérer cette satisfaciion à notre place, a été fait sur la croix pour nous ou à notre place, péché et malédiction. C< tte mort est d’une valeur et d’un prix infinis, parecque la personne qui l’a subie n’est