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REDEMPTION

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la question 4& a pour titre : De modo passionis Christi quantum ad effectuai ; et elle comprend six articles :

Abt. i. — L’trum passio Christi causaverit nostram salutem per modum meriti.

Art. a. — Utrum passio Christi causaverit nostram salutem per modum satisfactionis.

Art. 3. — Utrum passio Christi causaverit nostram salutem per modum sacrificii.

Art. /). — L’trum passio Christi causaverit nostram salutem per modum redemptionis.

Art. 5. — Utrum esse redempiorem sit proprium Christi.

Art. 6. — Utrum passio Christi causaverit nostram salutem per modum effïcicntiae.

Les deux notions de mérite et d’efticience constituent les deux bouts de la chaîne. Entre deux se succèdent, dans un ordre qui n’est pas indifférent, les notions de satisfaction, de sacrifice, de rédemption, enfin la propriété personnelle du Rédempteur. Arrêtons-nous seulement aux deux termes extrêmes : mérite et efficience : ils répondent à deux aspects principaux de la Rédemption, largement indiqués par les Pères.

La notion de mérite appartient à l’ordre juridique et moral. Source physique de toute grâce, le Christ a voulu encore souffrir pour acquérir un droit nouveau à répandre la grâce sur l’humanité. In l d., 18, q. i., a. 2 : Patientis itistitiam actio propria est facere sibi debitum quod est ei per iustitiam reddendum ; et hoc proprie mereri est. En acceptant la mort par amour pour nous, le Christ a posé un acte d’héroïque obéissance, et acquis des droits dont nous bénéficions. Thème juridique, développé par presque tous les Pères théologiens de la Rédemption.

La notion d’efficience appartient à l’ordre physique. En revêtant notre chair, le Christ s’est fait instrument pour guérir notre chair blessée. Et en ressuscitant après sa passion douloureuse, il est devenu, à un titre spécial, source de vie, Esprit vivifiant (I Cor., xv, 45). Thème physique de la Rédemption, développé par plusieurs Pères, à la suite de saint Irénée et de saint Athanase.

L’Ange de l’Ecole opère la synthèse de ces deux chefs de développement. D’ailleurs, il se garde bien de les confondre. Il sait que l’acquisition du mérite est liée particulièrement à la mort rédemptrice, et il s’exprime avec une précision souveraine. III », q. 8, a. i ad i- m : Actiones ipsius ex virtute divinitatis fuerunt nobis salutiferac, utpote gratiam in nobis causantes et per meritum et per quandam efficientinm. Le Christ, vainqueur de la mort, est, de plein droit, Chef de l’humanité régénérée ; il opère dans ses membres pour le salut.

Dans un résumé d’une singulière plénitude, saint Thomas embrasse les multiples formalités de la Rédemption du Christ. III », q. 48, a. 6 ad 3 m : Passio Christi, secundum quod comparatur ad divinitatem eius, agit per modum efficientiæ ; in quantum vero comparatur ad voluntatem animât Christi, agit per modum meriti ; secundum vero quod consideratur in ipsa carne Christi, agit per modum satisfactionis in quantum per eam liberamur a reutu poenæ ; per modum vero redemptionis in quantum per eam liberamur a servitule culpæ ; per modum autem sacrificii, in quantum per eam reconciliamur Deo.

Il n’est aucune de ces formalités qu’on ne retrouve dan » quelqu’une des théories protestantes de la Rédemption ; nous le constaterons ci-dessous. Mais d’ordinaire, elles s’y trouvent plus ou moins dissociées. La conception traditionnelle a pour caractère l’harmonie dans la plénitude. La raison profonde

de ce caractère est marquée par saint Thomas, l « ,

q. 21, a. 4’Necesse est quod in quolibet opère Dei misericordia et veritas inveniantur… Ruius autem necessilmtis ratio est quia, eu m debitum quêd ex divina iustitia redditur, sit vel debitum Deo vel debitum alicui creuturae, neutrum potest in ahque opère Dei prætermitti. Non enim potest facert ahquid Deus quod non sit conveniens sapientiæ et bonitati ipsius ; secundum quem modum diximus aliquid esse debitum Deo. Similiter etiam quidquid in rébus creatis facit, secundum convemenlem ordmem et proportionem facit, in quo consistit ratio iustttime. Et sic oportet in omni opère Dei esse iustitiem. Opus autem divinæ iustitiæ semper præsupponit opus misericordiae et in eo fundatur.

On nous permettra de renvoyer à Tin article sur /. « dogme catholique de la Hédemptitti, Etudes, t. CXXXV, p. 170-197, 20 avril 191 3 ; et à un article sur l.e sens de la Rédemption, Revue Apologétique t. XXXIII, p. 163-174, 1 nov. Kj21.

e) Fondement de la satisfaction vicaire. — Par quelque aspect que l’on aborde le mystère rédempteur, il faut assigner le fondement de cette économie divine, qui impute à l’humanité l’œuvre personnelle du Christ. Il n’y en a pas d’autre que le fondement indiqué par saint Paul dans un passage déjà cité, /{<>ni., v, 15-21. L’antithèse des deux Adam explique la double solidarité du genre humain dans la chute et dans le relèvement. Comme Adam, chef na’.urel de l’humanité, a troublé l’ordre divin et dissipé le patrimoine surnaturel de la race, le Christ, constitué par un dessein miséricordieux chef de l’humanité nouvelle, restaure en sa personne l’ordre troublé, puis admet l’homme au partage de l’héritage céleste, par lui reconquis. L’unité du Christ mystique, autrement dite la communion des saints, est pour les fidèles régénérés le fondement prochain d’une participation actuelle aux biens de la grâce et du salut. Unité fondée en Dieu : l’Esprit divin est l’âme du Christ mystique. Unité réalisée par les relations fraternelles qui unissent nu Christ et entre eux le » membres de la famille chrétienne. Unit » incomparablement plus profonde, plus riche, et plu » haute que l’unité de la race humaine dans le premier Â.dam ; car elle a pour principe, non plus la nature qu’Adam avait reçue intègre des mains de Dieu, mais la grâce, dont le Christ porte en lui-même la plénitude infinie. Ne fut-ce que pour cette raison, le théologien s’abstiendra de demander â la doctrine du péché originel un cadre pour exposer la doctrine de la Rédemption : le cadre éclaterait nécessairement. D’autant que, selon saint Paul, l’bi abundtivit delictum, superabundavit gralia (Rom., v, 20).

IV. — Déformations diverses

I » Lus prbtbndus droits du dBmon. — L’idée de faire intervenir dans la théologie de la Rédemption un prétendu droit, acquis par le démon sur l’homme déchu, est une aberration du sens étymologique, imputable à un petit nombre de Pères, définitivement redressée par la Scolastique.

La métaphore juridique de la Rédemption n’était que l’adaptation au relèvement de l’humanité déchue, d’une analogie empruntée a la libération des captifs on à l’émancipation des esclaves, idées familières à l’antiquité tant sacrée que profane. Métaphore inoffensive, à condition d’être constamment traitée comme pure métaphore. Mais il suffisait de la réaliser avec quelque maladresse, pour en faire sortir les thé ories les plus fausses. Tel serait le cas de presque tous les Pères, au dire de certains critiques rationalistes.