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REDEMPTION

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Boson — Non certes, je vois ou il faut le nier énergiquemeut.

lmk. — Et si Dieu est souverainement grand et bon, la souveraine justice doit sauvegarder dans le gouvernement du monde son honneur, et cette souveraine justice n’est autre que I lieu même.

Boson. — Evidemment encore.

Ansi.lme. — Mais il n’est rien que Dieu sauvegarde plus justement que l’honneur du à sa dignité.

Boson. — Il faut en convenir.

Anselme. — Crois-tu qu’il le sauvegarde s’il le laisse dérober sans lo récupérer ni châtier le ravisseur ?

Boson. — Je n’use pas le dire.

Ameim. — Il faut donc que l’honneur dérobé soit rendu, ou que le châtiment suive : faute de quoi, Dieu serait ou bien injuste envers lui-même ou deux fois impuissant.

Boson. — Je vois qu’on ne saurait rien dire de plus raisonnable.

Et plus loin, après avoir expliqué comment la constance de Dieu en ses desseins exige la réhabilitation de l’homme, appelé à devenir citoyen du ciel (Ibid., II, vi, p. 403) :

Ansklmk. — Cela ne se peut faire s’il ne se trouve quelqu’un capable de payer à Dieu, pour le péché de l’homme, un prix plus grand que tout ce qui existe hormis Dieu.

iJoso.-s. — D’accord.

Anselme, — Or, l’être capable de payer à Dieu, de son fonds, un prix plus grand que tout ce qui existe au-dessous de Dieu, doit être lui-même plus grand que tout oe qui n’est pas Dieu.

Boson. — Je ne puis le nier.

Anselme. — Or, rien n’est au-dessus de tout ce qui n’est pas Dieu, si co n’est Dieu.

Boson. — C’est vrai.

Ansklmk. — Donc nul ne peut réaliser, cette satisfaction, si ce n’est Dieu.

Boson. — C’est logique.

Ansklmb. — Cependant, nul ne doit la réaliser, si ce n’est un homme : autrement la satisfaction ne viendrait pas de 1 homme.

Boson. — Rien de plus juste.

Avsklmf. — Si donc, comme nous en sommes d’accord, cette cité céleste doit être peuplée d hommes, et si cela ne peut se faire sans ladite satisfaction, que seul peut réalisai-un Dieu et que seul doit réaliser un homme, il faut qu elle soit réalisée par un Dieu-homme.

Bosoj*. — Dieu soit béni ! Voilà un grand point d’obtenu…

En quoi consistera la satisfaction offerte par ce Dieu-liomme ? Ecoutons encore (Ibid, , II, 11, p. 411,

4 12).

Anselme. — Si 1 homme a péché avec plaisir, ne convient-il pas qu’il satisfasse avec peine ? Et s’il a, an offensant Dieu par le péché, cédé le plus facilement du monde à l’assaut du démon, n’est-il pas juste que, satisfaisant à l’honneur de Dieu pour le péché, il remporte sur le démon la plus diflicile victoire ? Ne convient-il pas que, s’étant totalement détourné de Dieu par le péché, il se donne totalement à Dieu par la satisfaction ?

Boson. — Rien de plus raisonnable.

Ansklmk. — Mais l’homme ne peut souffrir spontanément et sans obligation, pour l’honneur de Dieu, rien de plus dur ou de plus pénible que la mort ; et il ne peut se donner plus complètement a Dieu qu’en se livrant à la mort pour son honneur.

Boson. — Tout cela est vrai

Ansklmk. — Il faut donc que celui qui satisfera pour le péché de l’homme soit toi qu il puisse, s’il le veut, mourir.

Boson. — Je le vois : cet homme que nous cherchons devra ne pas mourir par nécessité, parce qu’il sera toutpnissant ; ne pas mourir par obligatiin, parce qu’d sera sans péché ; et pouvoir mourir par son libre choix, parce que sa mort sera nécessaire…

Selon Anselme, théoricien de la Rédemption, tout s’enchaîne, par une sorte de nécessité, de la Créntion à la Passion du Sauveur. Il fonde la nécessité d’une satisfaction sur le droit imprescriptible de Dieu. Il fonde la nécessité de la médiation du Dieu-homme

sur la constance de Dieu en ses desseins. Il fonde la nécessité de la croix sur les exigences rigoureuf.es de la justice divine, qui doit proportionner la réparation à la faute.

Anselme paraît s’être rendu compte que cette dialectique intransigeante associait trop sommairement diverses sortes de nécessité. Lui-même a pris soin d’en détendre quelque peu les ressorts et d’avertir le lecteur qu’en usant de ce terme, il entendait parfois marquer de hautes convenances, auxquelles Dieu cède par pure bonté. Voir Mei, xi, De redemptione humana, P. t., CL VIII, 764 : Omnis nécessitas etussuhiacetvoluntati. Quippe, qnod vult, necesse est esse ; et quod non vult, impossibile est esse. >ola ergo voluntate ; et quoniam voluntas eius semper bona est, sola fecit hoc bonitate. — Non enim />eus egeb’it ut hoc modo liominem saU’um faceret, sed humana natitra iudigebat ut hoc modo Deo satisfaceret.

Les grands docteurs du douzième et du treizième siècle devaientreprendre en sous-œuvre l’argumentation du Cur B$un iiomo, y noter des points faibles, surtout revendiquer la souveraine initiative de l’amour divin. Dès le début de l’étude qu’il consacre nu mystère de l’Incarnation, saint Thomas pose en principe que la médiation d’un Dien-homme était nécessaire, pour donner à la satisfaction une valeur intinie, III a, q. i, a. 2 ad 2 m : Oportuil ad condi^naia satisfactionem ut netns salis/acientis haberet e/ficaciam in/initaw, utpUc Dei et hominis existent. Plus loin, il examine ex pvofesso, III », q. 48, a. a : l’irum passio Clirisli causaient nostram salaient ptr modum satisfaclionis. La réponse est allirmative. C’est que la satisfaction du Christ possède par elle-même une valeur inlinie. La gravité de l’offense se mesure objectivement, par la majesté de la personne offensée ; le prix de la réparation se mesure subjectivement, par la dignité de la personne qui répare. Ainsi l’économie de In Rédemption est-elle fondée sur la nature des choses, avant de l’être sur l’acceptation divine. A la suite de saint Anselme, saint Thomas a maintenu cette doctrine.

Duns ScoT.en pleine réaction conlresaint Anselme, s’oppose au Docteur angélique, et appuyé toute la théorie de la Rédemption sur le bon plaisir divin. Ne reconnaissant au péché aucune sorte d’inlinité, sinon par dénomination extrinsèque, il ne voit pas la nécessité d’une réparation subjectivement inlinie. /nlil d., 19, n. 13 ; 20 q. un. n. 10. 1 1. — La critique de la conception anselinienne a été souvent renouvelée jusqu’à nos jours. On trouvera les restrictions nécessaires et des conclusions habituellement judicieuses dans la thèse du R. P. P. Ricard, O. S. 11., De satisfactione Christi, ad tractatum S. Anseimi

« Cur Deus homo », notamment p. 143..’c Lovunii, 

Clkmknt VI, dans la Bulle de Jubilé (1343), nilinua la suffisance et même la surabondance de la Rédemption du Christ pour le monde entier ; la réalité du trésor de l’Eglise, applicable à la rémission de la peine temporelle « lu péché ; l’infinité des mérites du Christ, auxquels viennent s’ajouter les mérites de In Sainte Vierge et des saints. D. S., 5f>o-a.

Le Concile de Trente toucha la question en saut : l’erreur protestante n allait point à nier lu satisfaction du Christ, mais bien plutôt à en exagérer l’efficacité, en dispensant le iidèle de concourir par ses œuvres à sa propre rédemption. Néanmoins le mot satisfactre a pénétré dans les documents de la vi’session. Dans la description de la justification, c. 7, D. P., 799 (681), on lit : Dominus Noster Icfiis Christus… sua surictixsima passione M liguo crucis nobis itfitiftcationrm mentit et pro nobis Patri salis-