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REDEMPTION

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porelle de ces espérances : l’horizon d’Israël est primitivement borné à la terre.

Cependant des espérances d’une portée morale plus profonde s’appuyaient sur le protévangile de la Genèse, et, surtout au temps de la prédication prophétique, s’insérèrent à l’atteste messianique. La misère universelle du genre humain, asservi au péché, trouve à maintes reprises son expression dans les Livres saints, v. g. Gen., vi, 5 ; l’s., l, 7 ; lviii, 4 ; lob, xiv, 4- L’idée des inimitiés permanentes, entre la race du démon et celle de la femme, reparait aussi càetlà, v.g. lob., i, 7 ; 11, 2 ; Tob, vi, 1 4 sqq., et encore Sap., 11, 2’|. a5. La rédemption spirituelle s’affirme dans les promesses de Iahvé à la race de David, promesses partiellement conditionnées par la fidélité du peuple à son Dieu (Ps., lxxxviii). Le sens de la responsabilité morale personnelle allait s’affirmant dans les consciences iiraéliles, et, avec le sens de la responsabilité morale, le besoin senti d’expiation pour le péché.

Ce progrès fut pour une grande part l’œuvre des prophètes, qui travaillèrent à détacher Israël d’un vain formalisme et à l’orienter vers les réalités profondes d’un culte rendu à Dieuen esprit eten vérité. Telle est la portée des allégories morales de l’épouse infidèle, chez Os., 11, 4 sqq., de la vigne stérile, chez /s., v, 1-8 ; des prédictions de 1er., xxxi-xxxiii ; de Ez., XXX vi ; des invectives de Mal., 1, 6 sqq. Telle est surtout la portée de la prophétie la plus profonde et la plus morale de tout l’AT., celle où Isaïe présente le Juste, Serviteur de Iahvé, comme prenant sur soi l’iniquité d’un grand nombre et intercédant pour les pécheurs. Il faut citer en partie cette charte de la Rédemption, Is., lui, 4- 12 ; trad. Condamin.

4. Mais il a pris sur Lui nos souffrances,

et de nos douleurs il’est chargé ; Et il paraissait à nos yeux châtié, frappé de Dieu et humilié.

5. Il a été transpercé pour nos péchés,

broyé pour nos iniquités ; Le châtiment qui nous sauve a pesé sur Lui et par ses plaies nous sommes guéris.

6. Tous nous étions errants comme des brebis,

chacun suivait sa propre voie Et Iahvé a fait tomber sur Lui l’iniquité de tous.

7. Il était maltraité, et Lui se résignait,

il n’ouvrait pas la bouche ; Comme un agneau qu’on porte à la boucherie, comme la brebis muette aux mains du tondeur, il n’ouvrait pas la bouche.

8. Par un jugement inique il est emporté,

et qui songe i « [défendre] sa cause ?

9. On lui prépare une tombe entre les impies,

il meurt avec les malfaiteurs ; ( ?) Pourtant il n’y eut point d’injustice en ses œuvres, et pointde mensonge en sa bouche ;

10. mais il plut àlahvé de le broyer par la souffrance. S’il offre sa vie en sacrifice, par le péché,

il aura une postérité, il multipliera. ses jours ; on ses mains l’œuvre de Iahvé prospérera.

11. Délivré des tourments de son âme, il [le] verra,

ce qu’il en connaîtra comblera ses désirs. Le Juste, mon Serviteur, justifiera das multitudes,

il se chargera de leurs iniquités ; [tudes,

13. C’est pourquoi je lui donnerai, pour sa part, des mulli il recevra des foules pour sa part de butin : Parce qu’il s’est livré à la mort

et qu’il fut compté parmi les pécheurs, Tandis qu’il portait les fautes d’une multitude

et qu’il intercédait pour les pécheurs.

Parmi les traits clairement marqués ici, nous soulignerons les suivants :

1. La multitude a encouru la colère divine par ses péchés (versets 5. 6).

a. Le Juste prend sur lui le châtiment (v. {. 5. 7.

il).

3. Dieu décharge sa colère sur le Juste, au lieu et place des coupables (v. 4. 5. 6. 8. 9. io).

4. Il s’offre à Dieu comme un agneau, comme une hostie, en sacrifice (v. 7. 10).

5. Dieu approuve la substitution et agrée le sacrifice (v. 5. 10. 12).

6. La multitude est accordée au Juste pour prix de son immolation volontaire (v. 12).

7. Tous sont justifiés dans son sang (v. 5. 11. 12).

Nous n’insisterons pas sur les caractères, profondément morauxetdeplus en plus pénétrants, de la prédication messianique, déjà mis en excellente lumière à l’article Juif (Peuple), ci-dessus, t. ii, col. 1614 sqq Maisil faut noter le changement accompli en Israël, sous l’influence de cette prédication. Le mj-stère chrétien de la Rédemption ne se dessine pas encore, ou du moins il échappe à la vue des Juifs charnels. Néanmoins, des fondements sont posés, sur lesquels la prédication de l’Evangile pourra s’appuyer. A la veille de la venue du Sauveur, deux courants se dessinent dans les milieux juifs, parmi les âmes qui attendent la Rédemption — ou délivrante

— messianique. Un premier courant, d’espérance terrestre, entraîne l’immense majorité vers les perspectives d’un nationalisme plus ou moins religieux. Un deuxième courant porte quelques âmes d’élite au-devant d’une rédemption spirituelle.

La rédemption d’Israël était le rêve immortel du peuple juif.

Rêve terrestre, en somme. L’idée d’un Messie rédempteur par la souffrance n’appartenait pas aux préoccupations communes. Cf. J.M. Lagrangb, O. P., Le Messianisme chez 1rs Juifs, p.a36-251, Paris, 1909.

— Wûnschb, Die Leiden des Messias, Leipzig, 1870, parait à cat égard faire trop largement crédit au peuple juif ; il a été contredit notamment par Dalman, Der leidende Messias, Leipzig, 1887, ae éd., 1888-1891. Voir encore F. Wbber, Jiïdische Théologie*, p. 358367, Leipzig, 1897. — Edm. Flrg, Anthologie juive, Paris, 1923, permet de suivre à travers les âges le rêve, de plus en plus terrestre, d’Israël.

Il faut pourtant réserver la part des anticipations surnaturelles où certaines âmes d’élite entrevoyaient le terme suprême d’une si longue préparation providentielle. Soit dans la prophétie d Isaïe sur le Serviteur de Iahvé, soit dans les oracles de Joël (11, 28-32) et de Zacharie (xn, 7-10) sur l’effusion de l’Esprit divin, de Jérémie (xxxi, 31) sur la Nouvelle Alliance, nous rencontrons la preuve de ces anticipations. Les idées d’expiation et de solidarité faisaient lentement leur chemin, préparant de loin les croyants à l’intelligence du mystère chrétien. Parmi les témoins de cette espérance meilleure, nommons ce jeune Macchabée qui disait, en face du tyran, II Mac., vii, 37.38 : « Comme mes frères, je livre volontiers mon corps et ma vie pour les lois de nos pères, priant Dieu de faire bientôt grâce à notre peuple… Que sur moi et mes frères s’apaise la colère du Tout-Puissant, justement déchaînée sur notre race ! » Nommons encore Zacharie, père de Jean, et le vieillard Siméon, qui attendaient la rédemption d’Israël comme une apparition de la justice et de la sainteté (lue., I, 68 ; 11, 38).

H.. — Donnée chrétienne

Avec la révélation chrétienne, l’idée de Rédemption spirituelle vient au premier plan. Ce fait n’est pas universellement reconnu : le rationalisme s’est plu souvent à nier la présence du dogme de la Rédemption dans l’Evangile et à en attribuer