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QUIÉTISME AU XVII* SIÈCLE

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simple regard, il ne manque pas île se séparer encore des nouveaux contemplatifs ; comme il avait déjà fait dans un chapitredes Secrets de la vie spirituelle, qui en dêoomm-eut les illusions (iG ; 3). Et à tout esprit non prévenu, il sullira délire le premier livre da La manière deconduire les âmes dans la vie spiritwlle(16-(>), pour savoir si ce jésuite breton est un ami de la dévotion aisée, et de » âmes fainéantes.

6. le P. Ei’ipiiANR Loois (16yû). — Le P. Epipuane Louis, de l’ordre de Prémontré, abbé d’Etival, au diocèse de Toul. a laissé des Conférences mystiques sur le recueillement de Pâme, pour arriver à la contemplation desimpie regard de Dieu par les lumières de la foi (167a) ; des Lettres spirituelles adressées, comme les Conférences, à des moniales bénédictines.

Le « Conférences sont longuement discutées par Nicole, dans sa Réfutation des principales erreurs quiétistes (16g5) ; mais le même Nicole reconnaît, à plusieurs reprises, que l’oraison de simple regard enseignée par le P. Louis est différente — c’est-àdire moins passive — non seulement que celle de Molinos. mais aussi que celle de Malaval.

7. Traductions françaises de Falconi et de Molinos (1661-1688). — Falconi a été traduit en français en 1661, 1667. 1686, 1688, 1690 ; la Guide de Molinos en 1688. A noter cette différence bien significative : Falconi a été public au grand jour, par des religieux français de la Merci, chez des libraires connus, d’Aix, de Grenoble ou de Paris ; la Guide a paru, sous la rubrique suspecte d’Amsterdam, par les soins d*un protestant réfugié en Angleterre, Jean Cornand de la Croze, qui ne signe pas son œuvre. Ce livre, intitulé Recueil de diverses pièces concernant le qui tisme, ou Molinos, ses sentiments et ses disciples, a été mis à l’index, le 12 décembre 1690. De Falconi, seule la traduction italienne de l’Alphabet et de la Lettre sur l’oraison est à l’index.

8. Le P. François La Combb, barnabite, et Mme Guyon (1 685- 1688). — Bien que le nom de Mme Guyon soit plus connu, celui du P. La Combe ne saurait en être séparé, sous peine d’erreur essentielle sur le quiétisme français. Quelques livres de Mme Guyon sont antérieurs à ceux de La Combe : Le moyen court et très facile pour l’oraison (1685), les Règles pour les associés de l’enfance de Jésus (1685). Le Cantique des Cantiques (1688) estpostérieur, et à plus forte raison les Torrents, qui étaient encore en manuscrit, quand éclata la fameuse controverse entre Bossuet et Fénelon. Le P. La Combe a écrit : Orationis mentalis anahsis (1686) : Lettre d’un serviteur de Dieu, contenant une brève instruction pour tendre sûrement à la perfection chrétienne (1687). Néanmoins, comme nous le montrerons, Mme Guyon dépend de François La Combe, en sa doctrine.

g. FÉrtmorr. Explication des Maximes des Saints (1697). — Le représentant le plus illustre et le plus connu du quiétisme français auxvn" siècle est Fénelon. La longue et retentissante lutte de l'évêque de Meaux contre l’archevêque de Cambrai a rendu célèbre l’Explication des Maximes des Saints sur la vie intériture (1697), livre dans lequel Fénelon a exprimé sa spiritualité.

Il faut noter que cette lutte a commencé avant la publication des Maximes Les articles doctrinaux arrêtés à Issy entre Bossuet, Godet des Marais et Fénelon sont du 10 mars iCy4- La condamnation des Maximes par Innocent XII est du 12 mars 1O99. Entre l’ig') et 1699, Antoine de Noailles, Godet des Marais, Bossuet, sont intervenus par des écrits pastoraux, soit collectifs soit séparés ; puis Bossuet a multiplié les brochures, dont aucune n’a été laissée sans

réplique par Fénelon. Chacun des deux adversaires a eu à Rome son procureur zélé, pour sauver ou perdre l’Explication des maximes des saints. Dans l’examen da livre, les consulteurs romains se partagèrent : le cistercien Gabrielli, le jésuite Alfaro, le lovaniste le Drou étaient favorables ; opposés, l’augustin Serrano, le bénédictin Mero, les dominicains Bernardini et Massoulié. Finalement, le bref Cum alias frappa l’Explication des maximes des saints, comme apparentée aux livres quiétistes déjà condamnés. Louis XIV remercia le pape (6 avril 169g), provoqua une approbation du bref par les évoques du royaume rassemblés par province ecclésiastique (22 avril) ; signa un édit (4 août), portant exécution de la sentence papale ; et enfin une assemblée du clergé de France entérina le tout (29 juillet1706).

10. De Molinos à Fénelon. Echelle des influences. — Le quiétisme de Fénelon dérive de Mme Guyon. Toute preuve manque qu’avant de rencontrer Mme Guyon, en 168g, Fénelon eût une préférence pour la spiritualité du pur amour et de vastes lectures en matière mystique ; sa correspondance de directeur fait écho à la spiritualité traditionnelle ; de Mme Guyon procède la spiritualité des « Michelins », autrement dit de la « confrérie du pur amour » ; c’est pour défendre cette spiritualité que Fénelon a écrit V Explication des maximes des saints (1697) ; aucun écrit de Bossuet n’a pu amener l’archevêque de Cambrai à désavouer Mme Guyon ; la correspondance de Fénelon avec Mme Guyon prouve qu’il s’est laissé endoctriner par elle.

Mme Guyon, à son tour, dérive de La Combe. Sans doute, elle a appris de Geneviève Granger, à Montargis, une spiritualité bénédictine raffinée. Mais cette influence a été certainement dominée par celle de La Combe. Mme Guyon n’a rien écrit avant de le connaître ; de 1681 à 1688, elle est demeurée sous sa conduite spirituelle ; le Moyen court et les Torrents ont été écrits à Thonon, en 1683, dans le voisinage du P. La Combe, alors supérieur de la maison des barnabites en cette ville ; Mme Guyon a suivi La Combe à Thonon, à Verceil, à Paris ; même après leur emprisonnement, ils ont continué de correspondre ; dans ses écrits, Mme Guyon atteste son exceptionnelle unité d'âme avec le P. La Combe.

La Combe dérive de Molinos. Il a été professeur da théologie dans son Ordre, à Rome, d’octobre 1672 à juillet 1674, c’est-à-dire au temps où Molinos, bien qu’il n’eût pas encore publié la Guide, jouissait d’une réputation considérable de directeur spirituel et répandait partout la Lettre de Falconi sur l’oraison ; il est revenu à Rome pour quelques semaines en juin 1682, c’est-à-dire à l’heure où paraissait assuré le triomphe de la Gu ide, les livres de ceux qui l’avaient combattue étant, depuis novembre 1681, mis à l’index.

A Roaae, La Combe, s’il n’a jamais vu Molinos, comme il l’assure, a vu Vittorino Augusto Ripa, disciple de Molinos. Ripa, devenu évêque de Verceil (27 novembre 1679) a attiré à Verceil La Combe, qui y a publié, en 1C87, son Orationis mentalis analysis.

Nous savons d’ailleurs, par La Combe lui-même, qu’il a lu la Guide, qu’il en gardait par devers lui un exemplaire, et qu’il ne s’est défait de cet exemplaire qu'à Paris, après la condamnation de l’ouvrage.

il. En quoi le quiétisme français s’apparente au quiétisme de Molinos. — Le quiétisme de Molinos est à la fois un quiétisme de prière et de conduite ; à ce double point de vue, sa doctrine est à la fois fausse et malfaisante. Bernière-Louvigny, Surin, Boudon, le P. Epiphane Louis n’ont aucun quiétisme de conduite. Leur quiétisme de prière est lui-