Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

531

QUIÉTISME AU XVII' SIECLE

532

(1639) où Falconi crut devoir défendre sa doctrine. La préférence que Molinos marqua toujours pour cette lettre suffit à faire entrevoir le parti quiétiste qu’on en peut tirer.

Par tout ce que nous venons de dire, il est manifeste que des livres de Falconi peut dériver uniquement un quiétisme d’oraison et non d’action. Ces livres ont été mis à l’Index (i, r avril 1688) après la condamnation de Molinos.

4. Michel Molinos, né à Muniesa dans le diocèse de Saragosse, le 29 juin 1628, a fait ses études théologiques au Collège des jésuites de Valence ; il a reçu à Valence les ordres sacrés (1649-1652) ; il était pourvu d’un bénéfice à l'église Saint-André dès le 1 1 juillet 1 646. Il vint à Rome en 1664, pour soutenir devant la Congrégation des Rites la cause d’un bénéficier de Saint-André, le Vén. François Simon, mort en odeur de sainteté en 161a.

Durant la période espagnole de sa vie, nous n’avons aucune preuve que Molinos fût déjà quiétiste. Probablement connaissait-il, dès cette époque, les Œ uvrés de Falconi (publiées à Valence dès 1660) et les lisait-il de travers.

C’est durant son séjour à Rome (1664-1685) que Molinos deviendra un maître fameux de quiétisme. Nous le retrouverons, en parlant de l’Italie.

5. Quiétistes andalous (1687). — Il y a un groupe sévillan qui est dans la mouvance de l’archevêque Palafox y Cardona. Celui-ci avait connu Molinos à Rome. Il avait publié, dès son arrivée à Séville en 1685, une édition de la Guide, et il en propageait partout la doctrine. Quand la Guide fut condamnée, le prélat sépara sa cause de celle de Molinos par une lettre pastorale (20 novembre 1687). Antoine Rodrigo Pastos, François de Lasarte, Joseph Navarro, Jean Bustos, François Chavera, familier de l’archevêque, et Diego Enriquez, son médecin, furent poursuivis par l’Inquisition de Tolède (1687-1689). Les procès manquant, il est difficile de préciser les responsabilités de ces hommes. Mais il paraît certain que leur quiétisme dérive de celui de Molinos, maître spirituel de l’archevêque Palafox.

B) En Italie

Avant que Molinos publie à Rome, en 1675, la Guide spirituelle, il y a un quiétisme italien, antérieur à lui et indépendant de lui.

1. Quiétisme napolitain, florentin, milanais (16001660). — Nommément à Naples, le procès de Sor Ciulia, du Camillien Aniello Arcieri et du docteur en droit Giuseppe de Vicariis (161 5) ; le procès à Florence, du chanoine Pandolfo Ricasoli, des prêtres GiacomoFantini et Carlo Scalandrini et de Fa.uatina Mainardi, veuve (164') ; 1* sentence portée à Rome contre le gentilhomme milanais Francesco Rorri (1 664), révèlent un quiétisme débauché, où les actes charnels sont, pour les parfaits, la préparation à la réception de l’Eucharistie et à la communication de l’Esprit Saint.

2. Quiétisme de Brescia, du Montferrat et des Marches (1650-1675). — D’après un mémoire rédigé en 1682 parle cardinal Albizzi, les pièces du SaintOffice en mains, d’autres cas de quiétisme encore sont à signaler : celui des Pelagins dans le diocèse de Brescia (1657) ; celui du comte Scarampi et de ses adeptes dans le Montferrat (1671) et dans le diocèse de Savone (1651) ; celui du prêtre Giacomo Lombardi dans le diocèse d’Osimo(1675). Ici le quiétisme pratiqué regarde l’oraison mentale et va jusqu’au mépris ou au délaissement de tout le reste.

3. Traductions italiennes des ouvrages de Falconi et de Malaval (1650-1669). — Dans le même sens,

c’est-à-dire à l’exaltation de l’oraison de contemplation, comme moyen très général et très efficace de perfection chrétienne, voKt les ouvrages de l’Espagnol Falconi et du Français Malaval que l’on traduit en italien. Le premier, en 1660 et 1664, a deux éditions italiennes. Le second en a davantage encore : 1669, 1672, 1673, 1674, 1675 et 1679.

Nous avons déjà dit qui est Falconi. François Malaval est un laïque, très instruit des choses sacrées, et très vertueux, qui édifia Marseille sa vie durant (1627-1719). Le titre de son livre, Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation, dit assez ce que prétend l’auteur. Nous en reparlerons, en traitant du quiétisme français.

4. Pibr Matteo Pbtrucci, né à Jesi en 1636, entré dans la congrégation de l’Oratoire en 1661, prêtre cette même année, publie son premier livre en 1671 et 1674 ; dès 1673, il avait en portefeuille les deux volumes de Lettres et traités spirituels, publiés de 1676 à 1678. Il y inculque l’importance et la facilité de la contemplation.

5. Michel Molinos (1663-1685). — Nousl’avons vu, entre 1660 et 1675 — tandis que Michel Molinos est encore à Valence ou n’agita Rome que par de » entretiens confidentiels et la diffusion de la Lettre de Falconi, — une doctrine circule à Otrante, à Lecce, à Rome, à Venise, à Milan, à Jesi, à Gênes, à Turin. Les formules en sont plus ou moins complexes, mais une tendance se dessine fortement, et partout la même. On propose aux fidèles une manière unique de faire oraison et on réduit là le secret de la vie chrétienne.

Par sa Guide spirituelle, Molinos donnera à cette spiritualité simplifiée toute sa force d’expansion.

La Guide paraît à Rome en 1675, en espagnol d’abord, puis en italien, sur le jugement favorable de six théologiens, et avec Vimprimatur de Raymond Capizucchi, maître du Sacré Palais. Le livre se répand vite et loin - : trois éditions en Espagne (1675-1685), sept éditions italiennes (1575-1685), une traduction latine (1(187), française (1688), anglaise, allemande (1699).

L’ouvrage est divisé en trois livres : i* Des ténèbres, sécheresses et tentations par lesquelles Dieu purifie les âmes et du recueillement intérieur ou contemplation acquise ; 2 Du Père spirituel, de l’obéissance qui lui est due, du zèle indiscret, des pénitences intérieures et extérieures ; 3° Des moyens spirituels que Dieu emploie pour purifier les âmes, de la contemplation infuse et passive, de la résignation parfaite, de l’humilité intérieure, de ladivine sagesse, du véritable anéantissement et delà paix intérieure. Il est difficile d’exagérer en parlant du désordre des développements de ces trois livres. Mais ce que Molinos n’obtient point par la logique, il l’obtient par l’insistance et l’effusion oratoires. Il a des tendances très fortes et quelques idées maltresses, auxquelles il tient par-dessus tout.

D’ailleurs, il note au début de son livre quatre observations qui en sont la clé. Première observation : il y a deux chemins pour aller à Dieu : celui de la méditation et celui de la contemplation ; le premier doit conduire au second, sous peine de manquer le but. Deuxième observation : la méditation sème, la contemplation recueille ; la méditation cherche, la contemplation trouve. Troisième observation : il y a deux sortes de contemplation, l’infuse et l’acquise ; celle-là est un don de Dieu et ne peut s’enseigner ; celle-ci estle fruit de l’industrie humaine soutenue par la grâce, et Dieu ne manque pas de faire savoir aux âmes, par certains signes, qu’il les appelle à cette forme de prière. Quatrième observation : le vrai but de la Guide est de plier les âmes