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QUIÉTISME AU XVII" SIKCLE

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A) En Espagne

On peut signaler particulièrement les Illuminés (Alumbrados), Jean Falconi, Michel Molinos, et un groupe îles quiétistes andalous.

i. Alumbrados du A ~YI » siècle. — Les Illuminés apparaissent dès le xvi’siècle en des points divers de la Péninsule ; ce sont généralement des maîtres obscurs qui font école : à travers la distance des temps et des lieux, quelques idées communes se retrouvent, comme si, par des voies souterraines, se communiquait une tradition d’erreur. Point ou peu d’écrits conservés. C’est uniquement par des procès canooiques quenous sommes instruits. Si les papiers de l’Inquisition étaient intacts, en les dépouillant, on aurait toute l’histoire des folies des Alumbrados. Des translations successives ont amoindri certainement les dossiers. Ce qui en subsiste n’a jamais été analysé à fond par personne. Quelques documents ont été publiés. Depuis l’esquisse tentée par Mbnbndbz y Pblayo, il y a quarante ans, aucun historien n’a repris le sujet. Dans ces conditions, il est impossible d’aboutir à des conclusions scientifiquement certaines, soit sur les origines, soit sur l’étendue, soit sur la nature propre de ce mouvement.

Quels sont les points d’attache de la pseudomystique des Illuminés avec la mystique musulmane ; quelles influences s’y sont mêlées soit du protestantisme naissant soit des erreurs vaudoises, par le moyen des Pays-Bas etduMilanaisespagnols ? Actuellement, il faut poser ces problèmes, sans les résoudre ; l’étude méthodique n’en a jamais été faite.

Il y a un groupe connu sous le nom à’Alumbrados de Llerena, qu’il faut mentionner à part. Menender y Pelayo n’a pas manqué d’en parler dans ses Heterodoxos espanoles II, 5/(0-ô4 5). Depuis, d’autres historiens s’en sont occupés. En particulier l’exjésuite Miguel Mir, d’accord avec le P. dominicain Jdsto Cubrvo, a publié, sur ces Illuminés andalous, certains papiers de Fray Alonso de la Fubnte, dans le but évident d’y compromettre les jésuites. Alonso de la Fuente a, d’ailleurs, sur les jésuites qu’il put connaître en Andalousie, tous les préjugés de Melchior Cano. Dans le copieux mémoire publié par Mir, le dominicain inquisiteur raconte longuement ses soupçons, ses démarches, ses luttes en chaire, finalement ses enquêtes. Au bout de son exposé, Fray Alonso donne un catalogue d’erreurs, dans lequel on découvre, parmi des choses d’un autre ordre, les deux faux principes du quiétisme d’oraison et de conduite.

Au début du xvn* siècle, le mal est si grave encore, dans les diocèses de Séville et de Cadix, que le cardinal Pachbco, Inquisiteur général du Royaume, le décrit et le condamne dans un édit public (9 mai 162.3). Des esprits abusés et pervers tiennent que l’oraison mentale est de précepte ; que les élus de Dieu ne doivent pas travailler corporellement, ni vénérer les images, ni observer les jeûnes, ni entendre la messe, ni honorer les saints ; il ont la ▼ue de Dieu incessante ; et il n’y a plus pour eux de pèches de luxure.

Des procès faits, à Madrid, contre Maria de la Concepciôn (1621), à Valladolid contre Luisa de la Asenciôn (1635) témoignent que là aussi l’Inquisition flaire et redoute qnelque relent des erreurs des alumbrados.

Nous reviendrons tout à l’heure sur un groupe de quiétistes andalous, postmolinosiens.

a. Quiétittes des Pays-Ka.i. — Par un court livret du P. Jkrômb Gratien, publiée Bruxelles en 1606, ’Apologie contre quelques-uns qui mettent la suprême perfection dans l’oraison unitive immédiate, avec annihilation totale de l’dme, nous avons la preuve qu’il existe, dans les Pays-Bas, tout au début du xvue siècle, un quiétisme probablement dérivé à la fois d’Espagne et d’Allemagne. La première dérivation s’expliquerait sans peine, puisque les Pays-Bas sont alors espagnols ; la seconde s’expliquerait par les rapports incessants qui existent entre l’Allemagne et le Pays-Bas ; Gratien d’ailleurs voit une des sources des erreurs qu’il combat dans un ouvrage qu’il nomme, et qui est la Theologia germanica, éditée par Luther en 1518. Vaguement, au début delapréfacede sa Réfutation des principales erreurs des quiétistes, Nicole signale l’ouvrage de Gratien, sans en dire ni le titre ni le contenu. En soi, et même dans la ligne du dessein de Nicole, l’Apologie méritait une mention plus précise, soit à cause de sa date, soit à cause des 12 propositions dans lesquelles est enfermée la doctrine que Gratien fut prié d’examiner, et dont il discuta, avec l’archevêque deMalines, le doyen de Sainte-Catherine, le prieur de la Chartreuse et le gardien des capucins de Bruxelles.

Cette doctrine tient en deux points : mépris de toutes les observances extérieures (bréviaire, chapelet, prière vocale, pèlerinages, pénitences) ; ce sont là choses imparfaites ; la perfection de la vie chrétienne ne saurait consister que dans l’union immédiate de l’àme à Dieu, par l’oraison sans actes distincts.

Dans la deuxième partie de son opuscule, le P. Jérôme Gratien n’a pas de peine à prouver que les 1 a propositions à lui remises sont « fausses, malsonnantes, et périlleuses pour la foi, spécialement dans les pays où circulent les erreurs de Luther et de Calvin. »

Ni Y Apologie, ni aucun des autres traités de Gratien sur l’oraison, ne donnent une idée de l’étendue de ce mouvement quiétiste dans les Pays-Bas.

3. Jean Falconi, gloire de l’Ordre de la Merci, laissa à sa mort(1638), non seulement le souvenir d’une vie exemplaire, mais des ouvrages ascétiques, qui furent publiés par ses frères en religion : Alphabet pour apprendre à lire dans le Christ ; Livre de la vie éternelle ; La Vie de Dieu incompréhensible et divine.

Dans ses ouvrages, Falconi insiste sur la nécessité et la facilité de l’oraison pour tous ; si on est impuissant à méditer, on peut toujours recourir à l’acte de foi et cet acte embrasse tout ; l’impuissance de méditer peut être d’ailleurs un signe que l’àme est appelée à la contemplation ; et en tout cas le souvenir de Jésus-Christ, avec le désir d’accomplir son bon vouloir, est une oraison excellente ; si les distractions viennent, n’en avoir cure ; cette oisiveté n’est qu’apparente ; la résignation parfaite à la volonté de Dieu supplée tous les raisonnements ; et quiconque tiendrait ces théories pour dérivées des illuminés de l’Espagne serait dans la plus grande erreur ; elles expriment la doctrine de maîtres spirituels aussi autorisés que Louis de Blois, Ruysbroeck ; il est incontestable que, dans l’oraison, la grande affaire est d’aimer, non de réfléchir ; celui qui se range à la volonté de Dieu, pratique les vertus les plus hautes et prie sans cesse.

Falconi était, sans conteste, un homme de Dieu ; ses intentions étaient pures, sa vie dûment crucifiée, son imitation du Sauveur fort active. Mais les interprétations commodes auxquelles pouvait donner lieu telle de ses formules sont faciles à tirer. La preuve que l’on abusait de ces enseignements se trouve manifestement dans la Lettre à un religieux