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PURGATOIRE

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GXLVI, 368 ; saint Bruno, In Ps., i, P. L., CLII, | 656 ; In />s, cxviii, />. L., CUL 1307 ; Uaoul Ar- I dbnt, Hum., xliv, l>. /.., CLV, 1 485.

En France, au xii « siècle, la croyance au feu du Purgatoire, au feu réel, est si fortement enracinée dans les esprits, que saint Brrnard en prend acte pour relever l’erreur des Apostoliques, qui répudiaient cette croyance, comme si la doctrine de ces hérétiques touchait, sur ce point, à une vérité de foi : « non credunt ignempurgatorium » In Citnt., lxvi, P. L., CLXXXIII, i ioo. Et Bkrnard db Fontcaudb, très catégorique, n’hésite pas, dans son livre contre les Vaudois, à inscrire au rang des hérésies la négation du feu du purgatoire. Nul doute qu’il ne parle d’un feu réel. « S tint vere haretici quidam. Negant enim ignem purgationis. /fis obloquuntur aucloritates, exempta ratioque catholica. » Contra Wald., x, P. £., CCIV, 833.

Ne faut- il pas une singulière audace dans la mauvaise foi ou l’ignorance, pour prétendre que les papes, à partir du xi 8 ou du xiie siècle, ont mis en cours, avec l’aide des scolastiques, la croyance à la réalité d’un feu purificateur dans l’au-delà, « feu qui sort tout entier de l’imagination papiste », suivant la formule du métropolite Platon ? Cf. M. Jugib, Echos d’Orient, 1906, p. ia3.

C. Degré de certitude de cette doctrine. — Accueillie par Pibrrb Lombard dans l’enseignement scolastique, sans réserve aucune, comme une doctrine reçue dans l’Eglise, la croyance au feu réel du Purgatoire a été affirmée et défendue par tous les théologiens de l’Ecole, depuis les origines. Albert le Grand, Comment, in IV /. sent. IV, dist xxi, a. 4> 5 ; saint Bonaventorb, Comm. in. sent., dist. xxi. part. 1, a. a, a ; Alrxandrb db Halès, Summa theol., part. IV, q, x, m. iii, a. 4 ; saint Thomas, Comm. in IV sent., dist. xxi, 91, a.a.L’unanimitéest à peu près complète pour admettre comme certaine cette doctrine.

Mais de cette certitude même et de cet accord unanime, surgit un difficile problème. L’existence, au Purgatoire, d’un feu matériel qui purifie les âmes de leur fautes est un fait qui échappe, par sa nature même, aux données de l’ordre rationnel : il relève exclusivement du domaine de la foi. Impossible à la raison, en quelque manierequecesoil.de le pressentir, de découvrir quelque argument positif qui en établisse la probabilité, ou même en fasse positivement ressortir la possibilité. Nous ne pouvons en avoir connaissance que par le » documents de la révélation. D’autre part, ce fait n’est relié pour nous par aucun lien à l’existence d’autres vérités de foi, d’où il puisse être déduit comme conclusion théologique. Même si l’existence du Purgatoire n’était pas une vérité directement révélée, nous en aurions encore la certitude à un autre titre, par voie de déduction, en approfondissant et comparant entre elles les conceptions bibliques et traditionnelles de la justice et de la sainteté de Dieu, du dogme delà satisfaction pénitentielleet delà pureté requise pour jouir de la vision béalifique. Mais la réalité du feu du Purgatoire n’est contenue ni implicitement ni virtuellement dans aucun dogme, dans aucune vérité de foi : l’existence même du Purgatoire est indépendante de cette réalité, que l’on peut affirmer ou nier sans que le dogme du Purgatoire en soit plus affermi ou ébranlé. Il faut donc, pour que nous ayons la connaissance positive de ce moyen spécial d’expiation librement choisi par Dieu, que cette notion provienne pour nous de la révélation, et d’une révélation formelle. Dès lors, si quelqu’un découvre avec cette certitude que cette doctrine est contenue dans les témoignages de la révélation,

cette doctrine devient pour lui, au moins subjectivement, objet de foi ; et si l’enseignement unanime, ou à peu près, des théologiens catholiques authentique comme certaine cette vérité, on ne voit pas comment cette vérité ne serait pas objectivement doctrine de foi, car elle n’a pour elle que l’autorité, et l’autorité diiecte, de la révélation. Pourtant aucun scolastique n’enseigne cette doctrine comme étant de foi.

Ce problème n’a pas été discuté, ni même posé par l’Ecole. Mais Suarbz et Bbllarmin ont bien aperçu la difficulté. En vertu de ce consentement unanime des théologiens et des textes de l’Ecriture ou de la Tradition, Suarez conclut qu’il est téméraire de nier cette vérité et que cette négation confine à l’erreur. Etant admise la certitude de cette vérité, le procédé est logique : on peut même se demander si cette note théologique est suffisante. De Sacr., part. II, disp. xlvi, sect. 1. Il répugne à Bbllarmin de s’engager dans cette voie. Pour lui, cette doctrine reste en dehors du domaine de la foi. Dès lors il ne la retient plus que comme très probable : sententia probabilissima. Op. cit. C’est à cette conclusion qu’il faut nécessairement aboutir.

De fait, il résulte delà discussion du texte de saint Paul, I Cor., ni, 15, et de l’exposé delà doct rine des Pères, que ni l’Ecriture ni la Tradition ne peuvent fournir une certitude à ce sujet. Saint Paul ne parle que du feu du jugement, et il n’est pas établi que ce feu ne soit pas métaphorique.

Par ailleurs, le grand nombre et l’antiquité des témoignages patristiques ne sont pas sans offrir un aspect impressionnant. Bien des vérités de foi ne sont pas entourées d’un tel concours de textes. Mais si l’on examine la valeur individuelle de ces témoignages, il est facile de constater l’incertitude qui règne le plus souvent dans la pensée ou dans les termes. Les uns procèdent par allusion, les autres par métaphore. Beaucoup semblentparler ou parlent effectivement du feu du Purgatoire comme d’un feu véritable, mais en passant, et sans explication suffisante, ou bien en se référant au texte de saint Paul, qui ne peut fonder une certitude. Fort peu de texte » posentexplicitement la question du feu réel, et alors, comme pour saint Augustin, la conclusion n’a plu », que la valeur d’une opinion personnelle. Et il semble bien que les Pères aient exprimé ainsi, dans l’ensemble, leur sentiment privé, car aucune déduction formelle des grands docteurs n’est là qui, dans cette matière, prenne à témoin la tradition catholique ou émette une profession de foi. Même le texte, cité plus haut, de saint Bbrnard n’offre, en ceci, rien de décisif. Assurément la multiplicité de ces témoignages offre un point d’appui solide à la doctrine de la réalité du feu du Purgatoire : envisagés collectivement, il est impossible d’en méconnaître la gravité, et par là sont condamnés les Grecs qui neveulent voir dans ce feu qu’une chimère des cerveoux papistes. Mais la manière même dont sont formulés ces témoignages n’exclut pas pour nous l’hésitation et le doute ; notre adhésion ne comporte pas dès lors la ferme certitude requise en cette matière.

Il résulte de là que le consentement même unanime des théologiens ne pourra suffire à fonder une certitude, qui n’apparaît point dans la Tradition elle-même. D’ailleurs, le soin que prennent les maîtres de l’Ecole de séparer expressément, comme saint Thomas, du domaine de la foi la question du feu réel et de n’infliger, à part Suarbz, aucune note théologique à l’opinion négative, l’insuffisance des textes patristiques ou scripturaires qu’ils invoquent, le fait que l’Eglise ne s’est jamais prononcée sur ce point et que les Grecs, au concile de Florence, ont pu nier