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PURGATOIRE

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cez noi humbles prières, Seigneur, et donnez aux âmes de vos serviteurs maintenant endormis le repos dans un lieu de lumière, dans un lieu verdoyant, dans un lieu de rafraîchissement, là où n’existent plus ni chagrin, ni tristesse, ni gémissement ; introduisez leurs esprits dans les tabernacles des justes, de la paix et du pardon. » Saint Basile, Eiiyo’/6-/iov ri at/a, Venise, 1863, p. 376. Voir Liturgie des morts, ibid., p. 407, et d’autres nombreuses formules dans Rknaudot, Collectio liturgiarum orientalium, t. I, p. 150 sqq., Paris, 1716.

c) Les documents épigraphiques. — La prière chrétienne se retrouve de même sur tous les monuments des morts, dès les origines du culte. Elle accompagne les acclamations et les vœux qui suivaient le mort, dans sa tombe : Pax ; Pax tecum ; Pax tibi ; Elprjvri <roi ; formules plus anciennes que Vfn pace et antérieures à la paix constantinienne.La colombe, qui apporte le rameau d’olivier, traduit ûgurativement la croyance à l’efficacité de la prière des vivants. Cf. Wilpbrt, Ein Cyclus christologischer Gemalde, p. 33, Fribourg en Brisgau, 1891. Elle se traduit aussi sous une forme directe, moins lapidaire : Spiritus tu us requiescat in pace. Mais, soit qu’elless’adressent immédiatement à Dieu : Spiritum tum Deus refrigeret ; soit qu’elles s’adressent aux Saints : Martyres JAF me réfrigèrent, que les martyrs Janvier, Agathope, Felicissime me donnent le rafraîchissement ; soit qu’elles s’adressent à la charité des vivants : Qrate pro me peccatore, cf. Kirch, Die l.ehre von der Gemeinschajtder Heiligen im christlichen Altertum, Mayence, 1900, p. 171, ces inscriptions ont un caractère de prière indéniable. Elles tendent à ouvrir leciel aux âmes qui ont encore à expier, en abrégeant la durée de leur peine : In refrigerium et in pacem. Tkrtullirn témoigne que les chrétiens de son temps priaient ainsi pour l’âme de leurs proches, implorant pour elles le rafraîchissement. Pro anima (mariti) orat et refrigerium intérim adpostulat ei, loc.cit. Cf. CKa.ufma.nn, Diesepulcralen Jenseits Denkmæler, der Antike und des f’rchriste/itums, Mayence, 1900, p. 43. Le ciel est parfois figuré par un épanouissement de roses au sommet, tandis qu’au bas la colombe apporte le rameau d’olivier. Quelques inscriptions mentionnent d’ailleurs expresscVnent le séjour des saints, to’ttoç dtyiav, comme cette formule priscillienne : « Seigneur, toi qui es assis à la droite de ton Père, reçois la petite âme de Nectaréon dans le séjour de tes saints. » Kaufmann, op. cit., p. 62.

Telle était la foi publique et constante de l’Eglise romaine au 111e siècle. Cf. Wilpbrt, Die Malereien der Katakomben Roms, Fribourg-en-Brisgau, 1903. Sur cette question, dont nous n’avons à relever ici que les données intéressantes pour l’Apologétique, voir l’article parfaitement documenté de M. l’abbé R. S. Bour, Communion des Saints (Monuments de l’antiquité chrétienne) dans le Dictionnaire de théologie catholique.

3) La critique prolestante devant le /ait traditionnel. — Les documents sont irrécusables Devant ce faisceau de témoignages précis, concordants, les plus autorisés qui soient, quelle est l’attitude des adversaires ? A ces voix du lointain passé, qui attestent universellement la croyance au Purgatoire, quelle réponse est la leur ? Car est-il un point d’histoire aussi nettement et rigoureusement établi que celui-là ? Discuteront-ils au moins les textes ?

Non. Rien n’est discuté. Voilà quatre siècles que la critique protestante se dérobe. Luther s’est levé pour détruire : il détruira, et ses disciples ne sauront rien relever. Que lui importe à lui, la tradition ? Il la proscrit en bloc.Ce sont de petits écoliers devant lui, tous ces Pères de l’Eglise.On lui oppose Cyprien,

Jérôme, Basile, Chrysostome, Grégoire le Grand. Que sont-ils ? Cyprien, « un piètre théologien » ; Jérôme, un falsificateur « plus digne de l’enfer que du paradis » ; Basile, un propre à rien, un moine, c’est tout dire, « dont les œuvres seraient payées trop cher d’un fétu de paille » ; Chrysostome, « un entêté, un bavard » ; Grégoire le Grand, tun naïf dont s’amuse le diable ». Cf Dollinger, op. ci/., t. I, p.4&7sq.

— Calvin recourt au même procédé expéditif. C’est le couperet révolutionnaire. « Les anciens Pères de l’Eglise chrétienne, qui ont prié pour les morts, voyaient bien qu’ils n’avaient nul commandement de Dieu de le faire… Je dis qu’ils ont été des hommes en cet endroit et pourtant qu’il ne faut point tirer en imitation ce qu’ils ont fait… Les Pères anciens ont confessé qu’ils ne savoyent rien de Testât d’iceux ; certes tant s’en faut qu’ils affirmassent rien du Purgatoire. » Inst. chrét., 1. III, c. v, n, io. Corpus Beformat., t. XXXII, p. 174.

Cependant le fait historique reste dans toute sa force. Auiv" siècle, la croyance de l’Eglise au Purgatoire est universelle, profonde, vivante et agissante. Akrius la combat, en niant l’utilité des suffrages. Il est condamné aussitôt comme hérétique, et son hérésie ne tarde pas à disparaître avec lui. « Vous, novateurs, disaient aux luthériens les catholiques avant l’assemblée d’Augsbourg, niez-vous ce fait indéniable ? Vous faites-vous solidaires d’Aérius ? Et prétendez-vous qu’il représente, contre l’unanimité des Eglises, la croyance primitive et la foi des Apôtres ? » — La réponse ne pouvait être éludée. Mklanchïiion et son parti la rédigèrent avec soin et l’insérèrent dans l’Apologie de la Confession. Il est difficile d’imaginer un document plus décevant par son ambiguïté, ses faux-fuyants, ses artifices. « C’est à tort, est-il dit, que nos adversaires nous objectent la condamnation d’Aérius, qu’ils veulent qu’on ait condamné, à cause qu’il niait qu’on offrît la messe pour les vivants et pour les morts. Voilà leur coutume de nous opposer les anciens hérétiques et de comparer notre doctrine avec la leur. Epiphane témoigne qu’Aérius enseignait que les prières pour les morts étaient inutiles. Nous ne soutenons point Aérius ; mais nous disputons avec vous qui dites, contre la doctrine des Prophètes, des Apôtres et des Pères, que la messe justifie les hommes en vertu de l’action, et mérite la rémission de la coulpe et de la peine aux méchants à qui on l’applique, pourvu qu’ils n’y mettent pas d’obstacle. » Ibid. — Et Bossubt de répondre avec son inflexible logique : « Voilà comme on donne le change aux ignorants. Si les Luthériens ne voulaient point soutenir Aérius, pourquoi soutiennent ils ce dogme particulier, que cet hérétique arien avait ajouté A l’hérésie arienne, qu’il ne fallait point prier ni offrir des oblations pour les morts ? Voilà ce que saint Augustin rapporte d’Aérius, après saint Epiphane, dont il a fait un abrégé (August. , lib. de Hær.. 53 ; Epiphan., Hær., 75). Si on rejette Aérius, si on n’ose pas soutenir un hérétique réprouvé par les saints Pères, il faut rétablir dans la liturgie non seulement la prière, mais encore l’ohlation pour les morts. » Histoire des variations, III, 55.

Il est vrai que la vérité a une autre allure et se reconnaît à d’autres marques. Mais c’étaitla destinée du protestantisme d’etreenfermédans une essentielle contradiction qui, pour prétendre remonter aux sources de la primitive Eglise, l’obligeait à nier jusqu’à ses origines.

C. Le dogme du Purgatoire devant la raison.

1. Accord de la doctrine avec les données rationnelles. — Pour la philosophiespiritualiste, qui admet l’immortalité de l’àme et les caractères essentiels de