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qæ l’on ait cru à des tourments endurés, dont les défunts seraient rachetés par nos suffrages : c’était uniquement pour la formation morale des vivants, pour leur réconfort, et leur consolation. » Examen concilia Tridentini, Berlin, 1861, p. 6a*. Il est reçu aujourd’hui, chez les théologiens protestants, que l’idée d’un Purgatoire a été émise pour la première fois par s » int Augustin. Encore était-ce à titre de pure hypothè-e. « Celte hypothèse fut admise comme une réalité par Césaire d’Arles et répandue ensuite dans tout l’Occident par Grégoire le Grand. » E. Picard, à l’article Purgatoire, Encyclopédie des sciences religieuses, t. XI, p. 30. Rud. Hoffmann découvre des traces d’une vague idée du Purgatoire chez Cyprien, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Basile, qui tiendraient cette idée d’Origène. Ainhroise 1 aurait transmise à l’Eglise occidentale ; Augustin en auraitadmis la possibilité ; Césaire d’Arles aurait appuyé sur l’idée, et Grégoire le Grand l’aurait convertie en dogme. Ce n’était d’ailleurs qu’une simple doctrine de purification, fort différente de la théorie du purgatoire imaginée au moyen âge et sanctionnée par le concile de Trente, R.E.P.T.. t. X, p. ni.

Les textes sont cependant bien concordants et explicites. Tkrtullien, au début du 111e siècle, évoque la prison dont parle l’Evangile, où il faudra payer la dernière obole du péché et regarde comme indubitable la croyance aune expiation temporaire dans l’autre monde avant la résurrection. Nemo dubitabitanimam aliquid pensare pênes inferos, salva resurrectionis plenitudine per carnem quoque. Do anima, lviii, P. L., t. II, col. 752. Il rappelle les oblations faites pour les défunts au jour anniversaire de leur mort. Pratique ancienne, comme tant d’autres semblables, qui ont leur source dans la tradition et se sont enracinées solidement dans l’usage, sous la garde de la foi. Oblationes pro defunctis annua die facimus. Harum et aliarum hujusmodi disciplinarum… traditio tibi protendetur auctrix, consuetudo confirmatrix et fides observatrix. De corona mil., iii, 'P. L., t. II, col. 79. Cf. De Monogamia, x, 'P. L., t. II, col. 942. Cf. A. d’Alès, La théologie de Tertullien p. 133 sq., Paris, 1905.

La doctrine de saint Cyprien développe, avec la plus rigoureuse précision, ces pensées. Il oppose l’attente du pardon à l’entrée sans délai dans la gloire. C’est bien du Purgatoire qu’il s’agit, et tel que nous l’admettons aujourd’hui, tel que l’a défini le Concile de Trente : les mots, les images répondent nettement à l’idée. L’illustre témoin de la foi primitive rappelle, lui aussi, la prison où les dettes doivent être payées jusqu’à la dernière obole, et il met en regard le don immédiat de la récompense. Toute la force de ce passage repose sur le contraste mis en œuvre, à dessein, entre le Purgatoire et le ci 1, cl que relève chaque détail. « Autre chose est d’avoir à endurer pour l’amendement de ses péchés les tourments d’une lente souffrance et d’être purifié à long terme par le feu, autre chose d’avoir satisfait pour toutes ses fautes par le martyre. Aluid est ad ceniam store, aliud est ad gloriam peirenire, aliud missum in carcerem non exire in le donec soldat novissimitm quudruntem, aliud statim fidei et vintulis acciperc mercedem, aliud pro peccatis longo dolorc eruciaium emundan >'t pwgari diu igné, aliud peccata omnia passion* purgasse. » Ep., x, Ad Anton., P. /.., III, 785. Sur la prière et l’oblalion du saint Sacrifice pour les défunts, son témoignage n’est pas moins formel. Epist., xlvi, Ad clerum, P. L., IV, 399. Même fermeté de croyance dans saint Hilaiuk, In Ps. cxviii, P. T., IX, 522 ; dans saint Amhhoisb, qui insiste en son commentaire des Epitres de saint

Paul (I Cor., m) sur l’existence du Purgatoire et qui, j dans son oraijon funèbre de l’empereur Théodose, adresse à Dieu celle prière : « Accorde, Seigneur, le repos à ton serviteur Théodose, ce repos que tu as préparé à tes saints… Je l’aimais, c’est pourquoi je veux l’accompagner au séjour de la vie : je ne le quitterai pas tant que par mes prières et mes lamentations il ne sera pas reçu là-haut, sur la montagne sainte du Seigneur, où ceux qu’il a perdus l’appellent. » De obitu Théo /., iii, P. /.., XVI, 1397. Il mentionne également la coutume des églises de consacrer certains jours à prier spécialement pour les morts.

Si Jes déclarations de saint Augustin relativement à l’existence du Purgatoire et à la verlu des suffrages ont pu paraître aux protestants obscures, hypothétiques, inconsistantes, c’est qu’ils n’ont pas i pris la peine, vraiment, de colliger les textes et de lire : aucun doute n’est possible. Dans son commentaire sur la Genèse, il distingue expressément le feu du purgatoire du feu de l’enfer. Les âmes molles auront à subir l’un ou l’autre suivant la gravité de leurs manquements : vel ignem purgationis vel ignem fieternum. De Genesi adv. Manich., II, 11, P. L., XXXIV, 212. A plusieurs reprises, dans la Cité de Dieu, il revient sur les peines temporelles que nous avons à souffrir, les uns dans ce monde, les autres dans l’au-delà, d’autres pendant cette vie et après cette vie, et nunc et tune, mais avant le jugement dernier. Deciv., 1. XXI, c. xiii, P. L., XLI, 728. Ces peines, au jugement, nous vaudront miséricorde : elles nous préserveront de la flamme éternelle. Ibid., c. xxxiv. n. 2, col. 738. La prière qu’il adresse à Dieu pour lui-même dans le commentaire du psaume xxxvn, n’est que l’application louchante de ces pensées.

« O mon Dieu, purifie-moi dans cette vie et

rends-moi tel qu’il ne soit plus besoin pour moi du feu purificateur. » In Ps. xxxvii, n. 3, P. L., XXXVI, 397. Cf. In Ps. vi, n. 3, P. L., xxxvi, 92.

Sa profession de foi touchant l’eflicacité de la prière pour les morts ne pourrait être ni plus déclarative ni plus ferme. Pour lui, c’est une vérité certaine, indubitable, transmise par les Pères, confirmée par la praliquede l’Eglise entière, que la prière poulies morts leur obtient de Dieu un accroissement de miséricorde dans l’expiation de leurs péchés. Il en trouve la preuve dans la comuiémoraison desdéfunts au saint sacrifice. Serm. ccxxii, 1, P. /.., XXXVIII, g36. De toute son âme, il prie pour sa mère. « Toi aussi, Seigneur, pardonne-lui ses dettes », Conf., l.IX, c. xiii, n. 35, P. /., XXX11, 778. A son tour, il condamne Vérins, qui niait l’utilité des suffrages. De huer., oliii. b. XLII, 4 « - Cf. De cura pro mortuis 1, 3, P. /.., XL, 5q3 ; Enchindion, ex, P. /.., XL, 283. Sur l’offrande du saint sacrifice de la messe pour le défunt devant la tombe avant la déposition du corps, voir Conf., IX, xii, P. L., XXXII, 777. Cf. Co itru Faust., XX, xxi. l’.L., XLII, 384.

On citerait de même saintCésviRB d’Arlks, Serm., cv, P. /.., XXXIX, 1 ç)4û ; Gbkgoirb i.b Grand, Dinl., IV, xxxix, P. /.., LXXVI1, 396, 421 ; Sacram., 682, P. L., LXXVIII, 217 ; saint Isidorb db Skvillr, De eccl. off., 1. I, c. xxiii, P. /.., LXXXIIL757.

Même concordance et même précision de croyance dans l’Eglise grecque. Déjà Clkmbnt d’Alkxandris, dans les premières années du m" siècle, à la question de savoir ce qu’il advient de l’âme qui s’est réconciliée avec Dieu au lit de la mort et n’a pas eu le temps de faire pénitence de ses fautes, donne cette réponse de la foi catholique : « Elle est punie, de telle sorle que la justice de Dieu s’exerce avec bonté et sa bonté suivant ce qui est juste… Ces châtiments prennent fin au cours de l’expiation et purification dechacun. » Strom.V, xiv ; VI, xiv ; VII, vi, /’. G., IX, 1 33, 332, 449-