Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

409

PURGATOIRE

500

des aumônes et d’autres œuvres. » Une telle profession de foi ne cadrait plus avec les aveux de ses lettres privées, et pas davantage avec ses thèses d’IIeidelherg sur la Justification et le libre arbitre, soutenues le 26 avril 1518. Cf. Thesenzur Hetdelberger Dis/xttation. Weimar, t. I, p. 353 sq. Peut-être voulait- il faire cette concession à Erasme, dont il briguait la faveur. En tout cas, il lui importait au plus haut point de ne pas heurter encore trop vivement le sentiment populaire. Toutefois, semant aussitôt le doute, il ajoutait : < « Mais de quel genre est leur peine, et peut-elle servir toute seule à la satisfaction requise et à leur amendement, cela, je n’en sais rien et je dis, de plus, que personne n’en peut rien savoir. » L’nierricht auf etlichevrtikel, Weimar, t. II, p. 70.

Survient la dispute de Leipzig quillet 151g). Vivement pressé par Jean EcK, qui lui reproche de mettre en cause l’existence même du Purgatoire, Luther de repondre avec audace : « C’est qu’en vérité il n’y a pas dans toute l’Ecriture un traître mot là-dessus. » J.Eck, De Purgalorio ad ver s Il s /.ud icnim, Rome, 1523, foi. A. m. Et comme on lui oppose’texte classique du II* livre des Macchabées, force lui est bien, pour maintenir ses positions, de rejeter l’autorité de ce texte, en alléguant que les deux livres des Macchabées liguraient par erreur dans le canon de l’Eglise. Il venait, au surplus, de rejeter du même geste l’autorité des conciles et, en particulier, du concile de Florence. Cf. Kôstlin-Kawerau, op. cit., t. I, p. 248 aq. Traité de Hussite, l’hérésiarque prit peur. Telfut en effet le scandale, que devant l’impression désastreuse produite par ses paroles, et craignant d’en avoir trop dit dans un débat qui ne tournai’point en sa faveur, Luther, bientôt assagi, rétractait publiquement ses hardiesses par cette surprenante déclaration :

« Moi qui crois intrépidement, bien plus, moi

qui ne crains pas de dire : Je sais qu’il y ann Purgatoire, je n’ai aucune peine à me persuader qu’il en est fait mention dans l’Ecriture. Ainsi, dans ses Dialogues, Grégoire cite ce passage de Matthieu : Ce péché n’a pasde rémission, nidans ce monde, ni dans l’autre, voulant dire que certains péchés sont remis dans le Purgatoire. J’admets aussi ce passage du IIe livre des Macchabées : C’est une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts. » J. Cochlakus, De actis et scriptis Lntheriabanno 1517 adannum 15’<6, Mayenoe 1540, p. 16. Rétractation dépure forme. Tout autre langage eût compromis sa cause. Mais il est clair que la doclrinedu Purgatoire était déjà pour lui lettre morte et que son principe fondamental delà justification par la foi et del’inutilité des œuvres étaiten contradiction flagrante avec cette solennelle déclaration. A peine rentré dans son couvent, Luther, coutuniier du fait, rétractait sa rétractation et reprenant sa thèse de Leipzig, qui enlevait au dogme du Purgatoire son fondementscripturaire.il la défendait dans un écrit acerbe qui parut en août 151 9 : Resoluliones I.uthetianæ super jropositionibiis suis l.ipsi’ie dispulutis, Weimar, t. IV, p. 425 sqq.

Dans son esprit, que resle-t-il de ce dogme, puisqu’ildénie également toute autorité à la tradition de l’Eglise ? Evidemment la doctrine du Purgatoire va rejoindre pour lui la doctrine des Indulgences, qu’il rejette en gardant le nom. Mais celle-ci, par suitedes abus commis, prétait à l’attaque ouverte, tandis que la première était chère au peuple entre toutes : il eût été dangereux de lui porter des coups trop violents. Longtemps Luther ménagera ainsi le sentiment populaire. De sa pensée profonde, il ne démasque au jour le jour que ce qui peut lui gagner les sympathies et les concours : le reste viendra à son heure. Par là seulement s’explique l’évolution de l’hérésie

luthérienne touchant le Purgatoire. Cf. Jean Eck., op. cit., Préface.

La liste des propositions luthériennes condamnées par Lkon X, le 15 juin 15ao, ne mentionne sur cette question que les points suivants (37. 38. 3y. 4°) :

« Le Purgatoire ne peut se prouver par aucun texte

de l’Ecriture qui soit canonique.

« Les âmes qui sont dans le Purgatoire ne sont

pas sûres de leur salut, du moins toutes les âmes, et aucun argument rationnel ou scripluraire ne prouve qu’elles ne soient pas en état de mériter et d’augmenter en elles la charité.

« Les âmes du Purgatoire pèchent sans intermission

quand elles cherchent le repos et qu’elles prennent en horreur leurs peines.

« Les àmrs du Purgatoire délivrées par les suffrages

des vivants sont moins heureuses que si elles satisfont par elles-mêmes. » D. fi., 777-780 (661 6ô4).

Jusque-là, Luther maintient extérieurement son aflirmation du Purgatoire ; mais ce n’est plus qu’une caricature du Purgatoire ; et Jean Eck lui reproche avec une juste.indignation de livrer cette croyance séculaire au ridicule et « le porter sur elle une main sacrilège. J. Eck, o/>. cit., Préface. Encore l’hérésiarque atlirme-t-il l’existence du Purgatoire, non pas sur l’autorité de l’Ecriture ou de l’Eglise, mais uniquement sur sa propre autorité de prophète : « Je sais qu’il y a un Purgatoire. » J. Eck, op. cit. fol. A. ni.

Mais à mesure quecroîtle nombre deses partisans, son audace augmente et sa pensée se dévoile. Dans son pamphlet De abrogenda Missa (nov. r&vil), il commence à enseigner résolument qu’il n’ya pas à craindre dese tromper enniant lePurgntoire. Werke, Weimar, t. VIII, p. 45a sq. Après son retour de la Wartbourg, les attaques montenten virulence. « Qui a fait du Purgatoire un article de foi ? Le pape, uniquement pour s’enrichir, lui et les siens, par les messes. Très peu de personnes vont en Purgatoire. » Airchriipostille, Weimar, t. X, I, p. 585. Il n’en laisse pas moins toute liberté aux fidèles de prier pour les morts. Sur ce point, il ne veut pas toucher encore aux anciens usages. Mais, dit-il, il faut y aller prudemment, car il est à croire que les âmes des trépassés dorment d’un profond sommeil jusqu’au jour du jugement. « Dans l’incertitude où. nous sommes, il faut donc dire à Dieu : « Je te prie pour cette âme. Il se peut qu’elle dorme ou qu’elle souffre. Si elle souffre, je te demande, au cas où ce serait ta divine volonté, de la soulager dans ses peines. » Du reste, quand on a prié une fois ou deux, c’est bien assez. » Predigten, dans Werke, Erlangen, t. XVII, a, f. 56 » A cette politique de tolérance, de concessions dans le domaine de l’ancienne doctrine et des pratiques séculaires, le novateur restera fidèle jusqu’à ses démêlés avec Melanchthon au sujet de la Confession d’Augsbourg. En 1036, la dispote de Baden, entre ŒcoLAMPAniîet Jean Eck ne porte que sur le feu du purgatoire. Cf. Cochlakus, op. cit., p. l5 ». Même en 1528, il autorise encore expressément les prières pourles morts. Vom Abendmahl Chrisii ftekenntniss, Weimar, t. XXVI, p. 508. Mais il en était de cette tactique méprisable comme de celle qu’il observaità l’égard du canon delà messe, lorsqu’il recommandait de le supprimer dans l’électorat de Saxe, « de telle façon, toutefois, que le bon peuple ne s’en aperçût pas ». Aussi maintenait-il. dans ce but, le rite de l’élévation, cf. Rifffl, Chnstliche Kirchtngeschicklê der ntuesten Zeit, t II, p. 46 sqq. Mais en i~>30 éclatent soudain, dans la colère, les vrais sentiments de l’hérésiarque. La question du Purgatoire avait été passée prudemment sous silence dans la Confession d’.lugsbourg, rédigée par Melanchthon dans le sens du parti de la conciliation. Luther réclame avec