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PSAUMES

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Génération éternelle du Verbe (pour parler le langage de la théologie chrétienne, basée sur une révélation postérieure), ou génération temporelle ? — Le mot aujourd’hui (en hebr. hayyém signifie aussi tel jour : Job, i, 6 ; I Sam., i, 4 ss., etc.), l’autorité de S. Paul (Ad., xiii, 33)et l’usage de l’Eglise, qui chante ce Ps. à Noël, nous invitent à y voir la génération temporelle du Christ. Mais on ne peut exiger, de ces vieux textes, des précisions, que seule la suite de la révélation a pu autoriser. Il reste qu’ici la personne du Messie dépasse inliniment, par son origine, tout ce qui est humain.

La génération éternelle du Messie serait clairement affirmée dan » Ps., ex, 3, si on était sûr que la version des lxx ('i De mon sein avant l’aurore, je t’ai engendré », dirait Dieu au Seigneur, le Messie) répond au texte original. Ma19 le texte masorétique et toutes las autres versions y sont contraires ; d’autres difficultés philologiques s’y opposent, et il est remarquable que ce verset n’est jiunais cité dans lo Nouveau Testament, pas même dans Héb., v, 5-6, où le contexte suggérait et exigeait presque la leçon des lxx ; l’Apôtre cite à la place ii, 7. Pour ces raisons, l’apologiste prudent s’abstiendra de se prévaloir de ce texte pour prouver la divinité du Messie.

Le Ps. ex, de son côté, ajoute au portrait du Messie un trait de première importance : la dignité sacerdotale.

Le Seigneur l’a juré, il ne s’en repentira point ;

Tu es prêtre pour toujours

à la manière de Melcbisédec (4).

La formule ne manque pas de solennité. Impossible de la faire tomber sur un roi de la dynastie asmonéenne, comme on l’a voulu, ou sur un descendant de David, à part le Messie, qui aurait réuni dans sa personne les privilèges de David et de Lévi, du roi et du prêtre, précisément comme Melchisédec. Le Pb.cz et son jumeau le Ps. n sont purement messianiques et excluent toute autre interprétation. Tous deux sont cités expressément dans le N. T. à témoigner en faveur de la divine mission de Jésus (Mat., xxii, 4 1 -45 ; Marc, xii, 35-3^ ; tue, xx, l-kh ', Act., ii, 34 s. ; iv, 25 s. ; xiii, 33 ; Hébr., i, 13 ; v, 5 s., etc.).

La personne du Messie est ainsi dessinée dans tous ses traits les plus saillants ; son activité de même. Il ne reste plus à parler que de deux faits, qui, dans l'œuvre de Jésus-Christ, jouent un rôle immense : de sa passion et de sa résurrection.

David étant le type du Messie, tous ces Psaumes davidiques (nous avons dit qu’ils sont la grande majorité) qui furent dictés sous le coup de la souffrance, pourraient se prendre (au sens typique) comme prédictions des souffrances du Christ. Mais il en est un qu’on regarde à bon droit comme le Psaume de la Passion par excellence : c’est le Ps.xxn. Jésus lui-même, sur la croix, s’est appliqué le premier verset (Mot., xxvii, C> ; Marc, xv, 3.4). L’Evangéliste (Jean, xix, a/|) fait expressément remarquer comment le v. 2<) s’est accompli dans la passion du Sauveur. Enfin certains détails sont si frappants et pourtant si identiques dans lo Psaume et l’Evangile, (comparez 8 s. avec Mat., xxvii, 5g-£3 ; 17 s. avec Marc, xv, 24, Jean, xix, 2/1), qu’on doit conclure : Voilà bien ici la prédiction et là l’accomplissement.

Le v. 17 a donné lif u à une célèbre controverse critiqueOn sait que, là on la Vulgate lif : « Ils ont percé xm » mains etmes pied a », I hébreu nia-oi ri.'que dit ; « Comme

un lion me » maïs. 1 ic. » Graphiquement la différence

( —t minime : Kaaru. kaari. l’fsllftfruons d’abord la question de lecture et celle du sens Puiir la lecture, s’il est un fait avéré, c’est <jii « les plus anciens et pins nombreux témoins du texte (ux, Syriaque [uila, S. Jérôme,

les Midrocliim ra biiiiques, rte boni manuscrits hébreux ;

voir (JirssisuRU, Introduction tothe massoretico-critical édition, London 1897, p. 968 ss.) ont lu un verbe à la 3* personne du pluriel, c.-à-d. kaaru. L’autre leçon (avec yod) ne figure que dans Symmaque (ii J siècle après J.-C.), le Targum (v s.) et le texte ordinaire de la Masore (x* s.). Le poids penche décidément an faveur de kaaru.

Le sens de ce mot n’a pas la même évidence. Mais l’autorité des lxx, comme témoins de l’exégèse juive avant l'ère chrétienne, a ici une valeur exceptionnelle : leur version ( « ils ont percé » ou « creusé ») est celle aussi qui cadre le mieux avec le contexte, malgré une petite anomalie d’orthographe. Ajoutons que, parmi ceux quiadoptent lu leçon yod à la fin, plusieurs, tels que le Targum et une note de la Masore elle-même (voir Ginsburg, 1. c. p. 970), y voient une forme verbule et non un nom ( « comme un lion »). Critique et exégèse sontdonc décidément pour la leçon de la Vulgate =lxx.

D’ailleurs le Juste soutirant du Ps. xxu est très semblable au Serviteur de lahvé chez Isaïe, xi.11. xlix-i.iu. C’est une figura si idéale, qu’on doit dans les deux cas y reconnaître le Messie soutirant. Où trouvai' dans l’histoire d Israël une autre personne qui en vérifie la description ? Dans le Ps., on ne souligne pas, comme dans Isaïe, que le Juste souffre pour les péchés des autres. Muis deux idées fécondes sont propres au Ps. : 1° La passion de ce Juste aboutit, par la délivrance (on ne dit pas de quelle sorte), à un sacrifice d’action de grâce, autrement dit à un sacrifice eucharistique (23-27). N’avons-nous pas le droit d’y voir une image de cet auguste Sacrement, de cette Eucharistie, qui est « un perpétuel souvenir de la Passion » du Christ ? — 2" Dernier ell’et de cette passion et de ce sacrifice, c’est que tous les peuples se convertiront au culte du vrai Dieu, du Dieu d’Israël (£8-32).

Autre prédiction qui s’accomplit dans l'œuvre de Jésus. Nous venons de parler de la délivrance. Elle fait encore lesujet du Ps. xvi, dont lesvv. 9, 10 sont cités par les princes des Apôtres comme preuve de la résurrection de Jésus-Christ. Nous avons déjà fait remarquer plus haut (11, 2, C) avec combien de raison. Il ne nous reste qu'à conclure : très riche est la moisson qu’offre le Psautier à l’apologiste pour démontrer par la prophétie la divine mission de Jésus-Christ.

III. — MuttALE

I. Idées dominantes. — A) Religion et culte. — Sur la morale des Psaumes, on peut tout dire en un mot : c’est la morale même des prophètes, c’est-à-dire la plus haute expression de la morale dans l’A. T. La Loi, dont l’observance l’ait les devoirs extérieurs de l’homme et conduira les Juifs à un formalisme sec et vide, est très en honneur comme œuvre de Dieu, comme parole de Dieu, dans les Ps., xix, Sss. | cxix. xxxvii, 31 ; mais elleest rarementrappelée ; évidemment, ce n’est pas là-dessus qu’insistent lea Psalmistes. On trouve même, Ps., ii, une cha fond contre le formalisme religieux, qui, content d’immoler à Dieu des victimes, négligeait les devoir6 de justice, de chasteté, de charité envers le prochain (<omp. « *3., i, 16-17 ; LVnI i M lcn -< vi, 6-8 ; Os., vi, 6 ; Jer., vii, 21-27, eU ')- Ailleurs, plus discrètement, on fait entendre la supériorité des vertus morales sur les pratiques extérieures de la religion (Ps., xi., 7-y ; li, 18 ; lxix, 32 ; iv, 6 ; xxvn 4- ss.). Le péché, dont tant de Psaumes inspirent une si grande horreur (v, 5-i 1 ; vii, 4-6 ; XI j xii ; xiv, eto.), n’est pas la pure infraction d’une loi pénalo ou rituelle ; c’est un attentat aux bases mêmes de la morale (xi, 3 ; lxxxii, 5). « Qui est digne d’entrer dans le Sanctuaire ? » demandent plusieurs Psaumes (xv. xxiv. xxvi. ci). Et la réponse est toujours :

« l’homme au cœur pur, aux mains (œuvres) innocentes, qui ne fait pas de tort à son prochain, qui ne

ment pas » etc. ; c’est leportrait de l’homme honnête. On ne se contente pas même des œuvres ; c’est au cœur, au tréfonds de la conscience, qu’on pénètre