Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

'.89

PSAUMES

490

Parlons brièvement do /^..lxxxix, qu’on peut placer en tête comme/)ro/oj » iie au messianisme des Ps. Dans sa partie centrale (vv. ao-38) il ne fait que mettre en vers coulants le message envoyé par Dieu à David par le moyen du prophète Nathan, tel qu’il se lit dans H Sam., vii, 8-13 et I Par., xii, 7-15.

Celte magnifique charte de la royauté davidique se compose de deux articles ouéléments : l’un absolu, essentiel ; l’autre conditionnel, accessoire. Premier article :

Il (David) m’invoquera : « Tu es mon père,

mon Dieu et le rocher de mon salut. »

Et moi je ferai de lui le premier-né

le plus élevé des rois de la terre.

Je lui conservera ! ma honte à jamais,

et mon alliance avec lui sera indissoluble.

J’établirai sa postérité pour une durée éternelle

et son trône aura les jours des cieux (27-30).

Voilà ce à quoi Dieu s’oblige en tout cas, et voilà ce qui s’est accompli en Jésus-Christ, d’après ces paroles de l’Ange à la Vierge Mère : « Vous enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, on l’appellera le Fils du Très-haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. » (Luc, 1, 3a ss.) C’est l’éternité du royaume spirituel, religieux.

L’autre article, ou élément, promet aussi la prospérité du royaume matériel, terrestre ; mais à la condition que les descendants de David seront fidèles de leur côté à leurs devoirs envers Dieu :

Si *es fils abandonnent la loi,

et ne marchent pas selon mes ordonnances ; ’ils violent mes préceptes

et n’observant pas mes commandements ;

je punirai de la verge leurs transgressions

et par des coups leurs iniquités (vv. 31-33).

L’histoire nous dit que la condition n’a pas été remplie par tous les fils de David. Ce royaume terrestre a eu une lin. C’était l’enveloppe extérieure, caduque, de la promesse divine. La chute de cette enveloppe n’a fait que donner plus d’éclat à la substance intérieure de l’élément essentiel.

Le Ps. xlv est assez ordinairement considéré aujourd’hui par les exégètes catholiques’, comme nn épithalaræ composé pour les noces d’un roi davidique (Salomon, disent la plupart) avec une princesse (la fille de Pharaon, dans le cas ; voir III Rois, iii, 1) ; ce serait alors un chant messianique au sens typique déjà expliqué. On ne saurait rejeter cette interprétation à base historique, pour la raison que le texte original a pu subir çà et là quelques retouches ; il est même probable qu’au v. 8 à la place de « Dieu, ton Dieu » on lisait d’abord

« Iahvéton Dieu » (voir Crampon). Tel qu’il est, tel

qu’il se présente déjà dans la version des lxx, ce beau chant est purement messianique et célèbre les noces mystiques duMessie avec l’Eglise qu’il a associée à sa gloire. A tout le moins, texte et versions témoignent que l’interprétation messianique de ce Ps. est aussi ancienne que tous nos documents ; elle est tenue par la très grande majorité des catholiques. Le royal époux y est appelé Dieu ( 7), on exalte sa beauté, sa grâce (3), sa vaillance (4-6), sa justice tempérée de douceur (5-7 s.) ; on le félicite de sa noble épouse, de ses princes, de son peuple, ou plutôt des nombreux peuples, qui seront fiers d’être ses sujets

1 Ce psaume est regardé comme messianique au sens typique par Bossuet, Dom Calmet, Jansenius de Gand, Le Hir, Patrizi, et plus près de nous par le Card. Meignan, Crampon, Higgins, Perez-Gonzalo, Hoylau.

(10-18). Nous pouvonsbien y voir le chant de l’intronisation idéale du Christ.

Même divergence d’opinion pourl’inlerprétation de Ps. lxxii, si ce n’est que l’explication historicoprophetique ou typicomessianique rallie un plus grand nombre de catholiques. Sans doute, ce qu’on souhaite ou ce qu’on prédit ici (v. 8-1 1) au roi, dépasse l’horizon d’un roi palestinien ou même de tout roi de la terre ; c’est une raison pour dire que le psaume se rapporte directement au Messie. Ce qu’il importe surtout de remarquer dans cet hymne sublime, c’est qu’on nous présente la douce figure d’un roi tout appliqué à faire le bonheur de son peuple, et surtout à relever le sort des pauvres, des faibles, des malheureux (vv. a-4 ; ia-15). N’est-ce pas là la marque donnée par Jésus lui-même de sa mission ? Voir Mail., xi, a-6 ; Lue., iv, 17-21 ; VII, 18-35.

Cet empire pacifique et bienfaisantn’ira pas toutefois sans opposition acharnée. C’estcette opposition que mettent en scène les deux Psaumes Il et ex. On dirait volontiers deux chants jumeaux. Dans tous les deux, le Messie (ainsi formellement appelé, 11, 2) vient d’être établi par lahvé lui-même sur son trône, sur la sainte montagne de Sion (11, 6 ; ex, 2) ; de nombreux ennemis, rois et nations, se rebellent contre cette royauté du Christ (11, 1-2 ; ex, 1. 5 ss.) ; le Christ-Roi, soutenu par une force divine, s’avance contre eux et les écrase sans peine (11, 9 ; ex, 5 ss.) ; son empire s’établit ainsi définitivement sur toutes les nations du inonde (11, 8 ; ex, 6).

La dignité royale du Christ est ainsi mise en relief dans les deux Psaumes. Le triomphe est présenté sous des images guerrières, qui paraissent jurer avec la douceur de l’Agneau de Dieu ; mais elles relèvent de la rude main qui les a tracées. Ce n’est pas à tort que la tradition attribue ces deux Psaumes à David, qui « était homme de guerre et a versé le sang » (I Par., xxviii, 3). Mais chacun des deux a un trait spécial.

Dans 11, c’est la filiation divine :

lahvé m’a dit : Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui (7).

Ces mots sont-ils à prendre dans un sens strict, propre, qui importe la génération naturelle ; ou dans le sens métaphorique, auquel sufTilVadoption’ ! Sans doute, le verbe engendrer (héb. yalad) indique ailleurs (Deut., xxxii, 18) l’adoption du peuple hébreu comme fils de lahvé (comparez Osée, xi, 1), ou même la formation des montagnes dans l’œuvre de la création (Ps., xc, 2). Chaque roi descendant de David, Dieu a bien voulu (nous l’avons vu) l’appeler

« Mon fils ». Mais jamais à aucun individu, en

dehors du Messie dans ce Ps., Dieu n’a dit : « Je t’ai engendré. » On a prétendu que c’est là une formule officielle, par laquelle les rois de l’ancien Orient, à leur avènement, voulaient faire reconnaître leur origine divine, se faire croire dieux eux-mêmes.

« La génération divine, est (dit-on) une métaphore

pour désigner le couronnement. Mais on ne cite aucun appui solide à cette théorie extraordinaire » (P. LAGHANOR.dans Rev. Bill., 1900, p. l-2).Ku contraire, les bas-reliefs des temples égyptiens (par ex. dans la chambre dite de la nativité, au temple de Louqsor) montrent encore à nos yeux de quelle façon crue, matérielle, on concevait cette filiation divine dès la conception du futur roi’. Il faut donc prendre ici la génération au sens propre, naturel.

1. Voir surtout A. Moret, Du caractère de la royauté pharaonique (Paris 1902), p. 39.48-52. Tables dans A. Gayet, Le temple de Lousor (Mémoires de ! mission arch. française au Caire, XV), |>. 99-10Î, pi. LXII,