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PSAUMES

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cessé d’affirmer qu’un temps viendrait où tous les peuples de la terre reconnaîtraient dans le Dieu d’Israël le seul vrai Dieu. Ce serait là le grand, le véritable triomphe d’Israël sur toutes les nations ; et là devait être le meilleur des promesses faites par Dieu à son peuple. Les Psaumes, qui sont 1 epanchement lyrique de l’esprit prophétique, ont gardé des traces profondes de cet enseignement. Nous l’y rencontrons par groupes.

Ps., lxv-i xvm. Ce Dieu, qui par des prodiges fait le salut du peuple élu (lit, 6), est aussi l’espoir des extrémités de li terre et des mers lointaines (6| ; les habitants des pays lointains révèrent ses prodiges, il remplit d’allégresse l’Orient et l’Occident (9). Le Ps. suivant invite tous les peuples de la terre à chanter les louanges du Dieu d’Israël, à le remercier pour les bienfaits dont il a comblé son peuple. C’est que le bonheur d’Israël est le salut de toute la terre. C’est pourquoi, au Ps. lxvii, Israël invite Dieu à le bénir

afin que l’on connaisse sur la terre ta voie et parmi toutes les nations ton salut (3)

et conclut par la prière :

Que Dieu nous bénisse et que toutes les extrémités de la terre Le révèrent ! (8),

c’est-à-dire Lui rendent le culte qui Lui est dû ; c’est la force du mot hébreu.

Au Ps., lxviii on prédit et on précise en même temps :

A ton sanctuaire qui s’élève au-dessus de Jérusalem les rois t’offriront des présents… les grands viendront de l’Egypte, l’Ethiopie s’empressera détendre les mains vers Dieu

(30.32).

Plus clairement, cet universalisme est marqué dans plusieurs hymnes, où l’on voit Dieu, lahvé, reconnu roi de la terre et où on Lui applaudit avec enthousiasme. Tel le Ps., xlvii :

Vous tous, peuples, battez des mains, célébrez Dieu par des cris d’allégresse. Car Dieu est roi de toute la terre… Dieu règne sur les nations,

il siège sur son trône saint ( 2.ÎN.

Tel surtout le groupe des Pss., xcm-c, qu’on dirait composés pour le jour idéal où Dieu monterait sur son trône pour inaugurer ce règne universel, qui doit durer à jamais, et recevoir les hommages de tous les peuples. C’est le jour de lahvé.

B) Dans cette conception idéale, nous avons déjà un trait de V eschatologie sociale, qui revêt presque toujours les couleurs de l’apocalyptique. Ce jour de lahvé, qui doit ouvrir l’ère définitive des derniers temps, jour si souvent décrit par les prophètes, et avec de si sombres couleurs, s’ouvre par un jugement universel.

Que les cieux se réjouissent et que la terre soit dans devant lahvé, car il vient, [l’allégresse..

car il vient pour juger la terre ; il jugera le monde avec justice, et les peuples dans sa fidélité.

(XOVI, il. 13 ; voir xcviii, 9.)

La mise en scène de ce jugement est détaillée au Ps. suivant (xcvii, 2 6). Mais il y a loin d’ici aux terribles tableaux des prophètes nu des apocalypses. Le psaume reste toujours l’hymne liturgique par leqnel un peuple pieux, le cœur au large et le front déridé, rend ses hommages au Très-Haut.

C) La personne du Messie. — Les Psaumes, comme en général les prophéties qui ont trait directement à la personne même du Messie, sont de trois sortes.

Il y en a qui, visant l’homme en général, se vérifient plus pleinement que jamais dans Celui en qui la nature humaine a atteint sa plus haute perfection, en Jésus-Christ ; visant l’homme juste, ces Psaumes s’appliquent à plus forte raison au Juste par excellence. Tel ce Psaume vin (voir ci-dessus, 2, B) que S. Paul a si heureusement interprété delà dignité et de la souveraineté du Christ (Héb., ii, 6-8 ; I Cor.,

xv, 27) et que Jésus lui-même applique à un fait de sa vie (Matt., xxi, 16 et parallèles). Telle aussi cette phrase proverbiale : « La pierre rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la pierre angulaire » (Ps., cxvm, 23), expliquée plusieurs fois du Christ persécuté par les juifs (Afr., xxi, 42 ; Act., i, 11 ; lPet., ii, 4-7). Tel enfin ce passage du Ps. xci, Il s. : « Il (Dieu) ordonnera pour toi à ses anges de te garder. Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre la pierre », dont le tentateur se prévalut pour voir si Jésus était le Fils de Dieu (Mat., iv, 6 ; Luc., iv, 10 s.). La légitimité de telles applications relève d’un procédé très logique, qui consiste à conclure du général au particulier, du moins au plus ; elle était d’ailleurs généralement reconnue des Juifs au 1 er siècle de notre ère’.

Plus souvent (c’est la seconde sorte), ce qui est dit d’abord d’un personnage de l’Ancien Testament, s’entend aussi du Christ, dont l’autre était la Cgure ou le symbole. C’est ce qu’on appelle prophéties typiques, ou passages messianiques au sens typique. Ainsi les paroles de David : « C’est pourquoi je te louerai parmi les nations, lahvé ; je chanterai à la gloire de ton nom » (Ps., xviii, 50), S. Paul les voit accomplies dans le Christ, qui convertit les païens à la foi dans le vrai Dieu (Rom., xv, 8 s.). C’est que David élait la figure ou le type du roi messianique : nulle figure n’est plus clairement et plus fréquemment enseignée ou supposée. De même Ps., xl, 7-y, dans Heb., x, 5-io ; xli, 10, dans Jean, xni, 18 ; Ps., lxix, 5 clans Jean, xv, 25 ; même Ps., xix, 10 dans Jean, , 7 et 7 ?ont., xv, 3 ; encore, 21dans./eara, xix, 28 ; ce sont tous des Psaumes qui portent au titre le nom de David. En conséquence, ce qui, Ps., lxix, 26 et cix, 8 est dit contre les adversaires du roi prophète, S. Pierre (Act., 1, 20) l’applique à la un malheureuse du traître qui vendit Jésus.

Il est aisé de voir la légitimité de ce procédé, qui repose sur la nature même, provisoire et figurative, de l’ancienne économie. La preuve a été développée dans ce même Dictionnaire à l’article Juif (tome II, col. >648-1651), auquel nous n’avons qu’à renvoyer. L’exégèse catholique, dans l’antiquité et au moyen âge, a fait un très large usage de ce principe. D’après plusieurs Pères, presque tous les Psaumes parleraient du Christ. C’est une exagération, qu’on doit d’autant plus volontiers pardonner à ces Pères, qu’ils parlaient en orateurs pour nourrir la piété des fidèles ; voir S. Hilairb, In Ps., Prolog., n. 5 (P. L., IX, 235). Mais le principe porte en lui-même la bonne règle pour éviter toute erreur. Tout ce qui ne se dit pas de David, ou d’un autre, en tant que figure du Christine saurait être appliqué au Christ sans danger (Voir S. Hilaire, 1. c.).

Plus que ces deux sortes de Psaumes messianiques (qu’on comprend souvent sous un seul nom de messianiques au sens spirituel, ou même U piqué), la troisième classe rendra des services solides et durables à l’apologétique : c’est la classe des Ps. messianiques au sens littéral, ou. purement messianiques. Ils ne sont pas bien nombreux ; mais, par contre, ils sont riches d’idées et de scènes grandioses. On peut ainsi les grouper par ordre logique (non chronologique) :

La promesse : Ps. lxxxix,

L’intronisation : Ps. xi.v,

L’empire pacifique : Ps. lxxii, Les ennemis et les luttes : Ps. 11. ex, Les souffrances : Ps. xxii,

La résurrection : Ps. xvi.

1. Voir la l’ « et la 5’règle herméneutique de Hillel (flor. 30 av. C. — 10 ap. J.C.) dans Javish Eucyclopedia, XII (1907), p. 32-33.