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PSAUMES

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n’est besoin, comme d’aucuns voudraient, de les faire remonter à une époque où les Israélites, encore adonnés à un grossier naturisme, auraient reconnu leur Dieu dans les puissances de la matière, surtout dans la masse imposante et majestueuse des montagnes. L’imagination ardente des Orientaux et la puissance du langage métaphorique chez eux, surtout à des époques primitives, suffisent à nous expliquer ces locutions si hardies. Ne lisons-nous pas dans ces mêmes Psaumes, aux anlhropomorphismes si marqués, des lignes d’une profondeur sublime sur la transcendance de Dieu ? Tel ce Ps., xviii, qui nous décrit Dieu en courroux :

La fumée montait de ses narines,

un feu dévorant sortait de sa bouche,

de lui jaillissaient des charbons ardents (9).

Un peu plus loin, le poète s'écrie :

Alors le lit des eaux apparut, les fondements de la terre furent découverts & ta menace, Iahvé, au souille impétueux de tes

[narines… car tu sauves le peuple qu’on opprime et tu abaisses les regards hautains… Les voies de Dieu sont parfaites la parole de Iahvé est épurée (16.28.31).

Le même Psaume lxxviii, qui compare Dieu à un homme ivre et endormi (v. 65), dans un même verset (35) l’appelle Rocher et Dieu Très-Haut (voir aussi v, 56) ; plus bas II est le Saint d’Israël (40, dont la dignité incomparable ne peut tolérer le voisinage d’aucune idole, d’aucune superstition (58).

D’ailleurs il serait facile de recueillir, presque à toutes les pages du Psautier, les expressions les plus belles et les plus variées sur la sublime grandeur de Dieu. Il est éternel et immuable (xc, i, a ; en, a538) ; « sa grandeur est insondable » (cxlv, 3), nous dit-on en termes exprès ; nul n’est comparable à Lui (xl, 6), on voudrait publier et proclamer ses merveilles, mais elles surpassent tout récit (xl, 6). De fait, Il est auteur de prodiges (lxxvii, 15 ; lxxxvi, 10 ; cv, 5 etc.), tels que nul autre n’en peut opérer (lxxii, 18 ; cxxxvi, 4). Sa science n’est pas moins merveilleuse que sa puissance : » elle est au-dessus de ma portée (avoue le Psalmiste), elle est trop élevée pour que je puisse y atteindre » (cxxxix, 6). Aucun livre sacré d’aucune nation (fait justement remarquer un théologien anglican) n’a su, autant que le Psautier, résoudre ce problème fondamental de toute religion, comment sauvegarder en même temps l’Infinité et la Personnalité deDieu (W. T. Davison, dans Die t. of the Bible, IV, 15 ; a).

Attributs. — Parmi les attributs de Dieu, nous n’en relèverons que deux, les plus fréquemment célébrés dans les Ps., et aussi les plus intéressants pour l’apologiste : la bonté et la/ustice.

Juste lui-même dans toutes ses œuvres (cxlv, 17), Lui dont le trône a pour base la justice et l'équité (lxxxix, 15 ; xcvii, a), Dieu exige de tout homme la pratique de la justice (xi, 7 ; xxxvu. a8 etc.). Un des principaux effets de cette justice de Dieu est de rendre à chacun selon ses œuvres (lxii, 13) ; pas un crime sans son châtiment, pas une vertu sans sa récompense (lviii, ia). Cette idée d’une parfaite mesure dans la rétribution par Dieu est tellement natuturelle, dans l’esprit du Psalmiste, qu’elle parait parfois aller contre les faits les plus évidents de l’expérience, et nous donnera plus bas une difficulté i résoudre. Ici, nous n’avons qu'à remarquer encore comment cette même justice fait de Dieu, dans le Psautier comme chez les prophètes, l’avocat des orphelins et des veuves, le défenseur des pauvres et des faibles de toute sorte (x, 14- 18 ; xii, 6 ; lxvhi, 6 ;

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lxxxii, 3 ss. ; cxlvi, 7-9). Ainsi justice et bonté se donnent la main ; elles s’embrassent (lxxxv, 11).

La bonté de Dieu I cet attribut si touchant et dont nous sentons si fort le besoin ! Il paraît si propre à l’Evangile, et au contraire une justice quelque peu farouche s'étale si souvent dans l’Ancien Testament, que nous avons de la peine à nous imaginer à quel point le Psautier est plein de bonté et de tendresse. Quoi de plus touchant, par exemple, que ces vers :

Iahvé est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté. Ce n’est pas pour toujours qu’il nous réprimande, Il ne garde pas à jamais sa colère. Il ne nous traite pas selon nos péchés, Il ne nous châtie pas selon nos iniquités. Car autantles cieux sont élevésau-dessus de la terre. autant sa bonté est grande envers ceux qui le crai [gnent. Comme un père a compassion de ses enfants, Iahvé a compassion de tous ceux qui le craignent ; car II sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière(cni, 8-14). Sa colère dure un instant, Mais sa grâce toute la vie (xxxv, 6).

Et quoi de plus hardi que cette prière, digne vraiment d'être adressée à une Bonté infinie : « A cause de ton nom, Iahvé, tu pardonneras mon iniquité, car elle est grande » (xxv, 1 1). Et encore, que de larmes n’a pas arrachées, mais aussi que de douleurs n’a pas consolées le Psaume pénitentiel par excellence, le Miserere 1 (li). Par là encore, aucun livrede l’Ancien Testament ne se rapproche du Christianisme autant que le Psautier.

2. L’homme. — A) Individualisme dans les Psaumes. — Avant d'étudier l’homme et ses destinées d’après le Psalmiste, une question préalable est à résoudre : Quel est le sujet qui parle dans les Psaumes, lorsqu’on y lit : moi, mon âme, mes douleurs, etc.? — D’après l’opinion la plus répandue et au sens obvie, c’est l’auteur des Psaumes, l’individu. Mais d’après une autre conception, qui a eu jadis de nombreux adhérents, le poète ferait parler le peuple, il exprimerait les sentiments de toute la nation juive. On entrevoit l’importance de la question : quelle différence d’interprétation et d’appréciation, selon que tel mot, telle phrase sort de la bouche d’un individu ou d’un peuple 1 D’ailleurs un peu de lumière sur ce sujet peut nous être utile à d’autres points de vue.

Que le moi parlant, dans beaucoup de Psaumes du moins, soit tout le peuple d’Israël, c'était l’avis des Pères de l'école d’Antioche (voir par ex. Diodore dbTarsb, dans Recherches de science religieuse, 1919, p. 84, lignes a4-30), et de plusieurs rabbins du moyen âge. Mais c’est surtout en Allemagne vers la un du siècle dernier, que cette opinion a gagné du terrain. Elle est actuellement envoie de décadence.

Sans doute dans plusieurs Psaumes, par une sorte de personnification, c’est tout le peuple qui parle comme un seul homme ; par exemple :

Ils m’ont cruellement opprimé dès ma jeunesse — qu’Israël le dise —

ils m’ont cruellement opprimé dès ma jeunesse, mais ils n’ont pas prévalu contre moi (cxxix, 1, 2).

Dans d’autres Ps., le moi alterne avec le nous, qui est évidemment la voix de toute la nation ; voir par ex., xliv, 1-9. Mais ce sont là des cas relativement rares, et d’ailleursdans ceux-là même, le texte donne toujours des indices assez clairs de personnification, comme on peut le voir aux exemples cités. Mais étendre cet usage à tous, ou presque tous, les Psaumes, serait une exagération injustifiée, et exigerait des tours de force d’exégèse, par ex. là où le

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