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PSAUMES

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Pour préciser davantage il faut interroger la tradition historique, et d’abord celle qui est consignée dans les titres mêmes des Psaumes…

a. Valeur des titres- — Chaque Psaume est généralement précédé d’un titre ou inscription, qui donne des renseignements sur l’origine et l’usage de la pièce Dans ces titres on remarque souvent des variantes entre le texte hébreu actuel et les anciennes versions, et même entre les différents manuscrits du texte. Si nous prenons pour point de départ le texte officiel, dit masorétique, nous trouverons que juste les deux, tiers des Psaumes (100) sont précédés de noms de personne. Les plus fréquents sont : David (73 Pss.) ; Asaph (la Pss.) ; Fils de Coré (10 Pss.) ; nous avons déjà suffisamment indiqué plus haut leur répartition dans le Psautier. Les autres n’ont qu’un Psaume (Moïsb, Héman, IUtan) ou deux (Salomun). Si on tient compte des variantes des versions anciennes et des manuscrits hébreux, il faut enlever à David quatre Psaumes ; de sorte qu’on peut dire que par l’unanimité des témoins du texte 61j Psaumes sont attribués au roi poète. Comme la principale, presque la seule question, quand il s’agit des auteurs des Psaumes, est cette attribution à David, nous allons la traiter avec quelque ampleur. D’abord une considération générale sur la valeur des titres. Ils contiennent souvent Jes indications de nature esthétique (musicale, poétique), qui n’étaient plus comprises par les traducteurs grecs duni" siècle avant J.-C.(lesLxx). C’est dire que cestilres doivent remonter à une très haute antiquité. C’est donc bien avec raison que la Commission Biblique, dans son Décret de ie’mai 1910, les regarde comme témoins au moins d’une vieille tradition judaïque (Rép. 11), et nie qu’on puisse, sans graves raisons, en mettre en doute l’authenticité (Rép. m).

L’examen intrinsèque en confirme la valeur. Les noms d’auteur (pour nous restreindre à notre sujet) n’y sont pas jetés là au hasard. Les Psaumes qui portent le nom de David ont leur physionomie propre, comme ceux des lils de Coré ou d’Asaph ont la leur. La très grande majorité des Psaumes davidiques expriment les sentiments, à la fois tendres et forts, de recours à Dieu dans la douleur, de prière, de confiance au milieu des danger&, de reconnaissance pour la délivrance ; le sentiment de la nature y apparaît rarement (Ps., vin. xix. xxix) ; rare aussi est l’enseignement de la morale (Ps., xiv — lui. xxxvii. lvhi). Or, voici qui est bien remarquable : dans le gros bloc des Psaumes iii-xli le nom de David disparait tout d’un coup auPs. xxxiii ; et du même coup disparaissent aussi toutes les particularités des Psaumes davidiques ; nous y trouvons au contraire le sujet et le style des hymnes de la grande collection anonyme (civ ss.). Même remarque pour Ps., lxvi.lxvi. au milieu delà secondecollectiondavidique, Li-Lxxu. Au contraire, lorsque dans la masse des hymnes anonymes ou hallel, nous voyons reparaître sporadiquement le nom de David (cix. cxxxviii.clxv), nous retrouen même temps le sujet et l’allureordinaire des Psaumes davidiques. Bref, le nom de David n’est pas mis là au petit bonheur ; il tient sans doute par quelque lien bien réel à l’origine même des Psaumes qui le portent. De quelle nature est ce lien ? Voilà au fond la vraie, la grande question.

Ne serait-ce pas que le nom mis en tête des Psaumes a été inscrit par l’auteur lui-même ? — Beaucoup de critiques, surtout catholiques, l’ont pensé ; voirCoRNBLY, Historica et critica Introductio in V. T. libros, i ». éd. (1897), vol. II, ae. p. 84-87. Dans ce cas, le titre serait lui aussi inspiré et ferait partie intégrante des saintes Ecritures ; par conséquent nulle erreur n’y serait possible et personne ne pour rait refuser ce témoignage. Mais c’est là une opinion excessive, qu’on ne saurait justifier.

D’abord il n’est, en rigueur, nullement démontré que ce fût l’usage parmi les Hébreux, que le poète plaçât sou nom eu tête de chaque pièce qu’il composait. Telle n’était pus l’opinion de tous les Pères. Saint Jirome nous assure que, de son temps, beaucoup ne croyaient pas que les titres fissent partie des Psaumes (Tractatus in Ps. V, dans Anecdota Maredoslana, vol. III, 2, p. 10, lignée ss.)et que les Syriens (c’est-à-dire l’école d’Autioche ) les avaient rayés du Psautier (ib., p. 421, 5). L’uuteur de la version syriaque (dite Peschillo) ne les a pas même traduits et ils n’ont jamais fait partie de la Bible de l’Eglise syrienne. Diodohe de Tarse enseignait ouvertement qu’ils ont été ajoutés après coup, au temps d’Etdrai, pensuit-i ! (voir la Préface à son commenlaire des Psaumes dans Recherches de science religieuse, t. X [1919], p. 86, ligne 30 ss.). Enfin la Commission Biblique, dans le décret déjà cité (Rep. ni), suppose qu’il peut y avoir de graves raisons contre l’authenticité des titres ; ce qui évidemment ne serait pas le cas, si les titres venaient des auteurs eux-mêmes.

Mais si les titres n’ont pas cette origine au-dessus de toute exception, ils viennent, nous l’avons dit, d’une tradition à la fois très ancienne et très autorisée. Et la tradition sans doute voulait indiquer par une telle attribution que les Ps. avaient été composés par ces personnages illustres. Examinons le cas pour David.

3. Psaumes de David. — Que David ait composé nombre de Psaumes, a priori on doit s’y attendre. Il avait une âme poétique, et l’histoire nous a conservé quelque spécimen de ses compositions profanes (II Sam., 1, 19-37 ; iii, 33, ss.). Il était recherché pour son talent musical (I Sam., xvi, 17 s. a3 ; xviii, 10). Son penchant pour la musique religieuse nous est attesté maintes fois (II Sam., vi, 5- 1 5 ;

I Par., xvi, 4 ss. ; II Par., xxix, a5-30 ; Esdr., iii, 10 ; Neh., xii, a4-36). Chez le plus ancien des prophètes (Amos, vi, 5), il passe pour le type le plus achevé du poète et du musicien ; ailleurs il est appelé par excellence « l’aimable chantre d’Israël » (II Sam., xxm, 1). Il serait bien étonnant que rien ne nous fût resté de son œuvre. D’ailleurs le caractère de David, tel qu’il nous est révélé par l’histoire (I Sam., xviu II Sam.), loin d’y contredire, convient admirablement aux sentiments exprimés dans les Psaumes qui portent son nom : courage héroïque dans les Ps. (ni, 6 ; iv, 8 s. ; xi, 1 ; xxvii, i-3 ; lvii, 5, etc.), comme dans les livres historiques (I Sam., xvii ss.), et dans ceuxci confiance en Dieu sans bornes (1 Sam., xvii, 36 ss. ; 45 s.), continuelle et absolue dépendance de Dieu (I Sam., xxiii, 10 ss. ; xxx, 6 ss. ; II Sam., v, ig-aS ; xvi, 1 1), comme dans les Ps. ; partout tendresse dans l’amitié (Ps., lv, 13 ss. ; I Sam., xviii, t ss. ; II Sajn., 1, 19 ss.) ; douceur et humanité (I Sam., xxiv, 5-16 ; xxvi, 9 ss. ; II Sam., 1, 19 ss. ; xvi, io-13 ; Ps., iv, 3-8 ; vu, 4-6 ; xvii, a-7) ; parfois un chevaleresque mélange de violence et de gentillesse (I Sam., xxv ; Ps. xviii,

17-49) La tradition est donc, en gros, dans le vrai, qui attribue ces Psaumes au roi poète. Cependant on ne peut nier, que plusieurs Psaumes contiennent des données ou des allusions qu’on ne pourrait faire remonter à la personne ou au temps de David. Les objections qu’on fait à cet endroit peuvent se réduire à quatre chefs : 1) on y parle du roi comme d’une personne distincte de l’auteur (Ps., xx. xxi. lxi. lxiii) ; a) on suppose le temple déjà bâti (v. xxiv. xxvn s. lxviii s. ; ci. cxxxvin) ; 3) on décrit avec de sombres couleurs des princes injustes et tyrans qui oppriment le peuple, surtout les gens les plus pieux et plus dévoués à la cause de Dieu (ix. X. xn. xiv.