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PROVIDEISCE

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nie : ce qui ne veul pas dire : ab intrinseco motioiiis divin M terminaiive spectatæ 1.

III. — Motion divine surnaturelle

Reste à considérer de plus près la motion divine, par laquelle Dieu réalise un ordre de Providence. Rien n’intéresse plus immédiatement le problème de la prédestination, puisque c’est par là que la destinée de la créature libre est suspendue à l’action de la Cause première.

SaintThomas a projeté sur cette question mystérieuse, une lumière si pénétrante, qu’on peut espérer approcher de la vérité seulement dans la mesure même où l’on serrera de prèsla pensée du saint docteur.

D’une manière générale, il enseigne que Dieu opère en toute créature, non seulement parce qu’il lui donne l’être et le lui conserve, mais encore parce qu’il l’applique à l’action et parce que toute cause créée agit en vertu de la Cause première. I a, q. io5, a 4- et 5 ; De pot., q. iii, a. 7.

Plus spécialement, il enseigne que Dieu opère dans la volonté créée en la réduisant en acte quant au désir du bien en général, par suite de quoi elle-même se détermine quant au choix des biens particuliers. Il ajoute que parfois Dieu intervient dans la conduite de la volonté créée, en l’inclinant vers des biens particuliers ; cela surtout par la grâce. I a II æ, q. 9, a. 3 et 4 ; q- 10.

Il ajoute que, l’action de la Cause première étant la plus profonde et la plus forte de toutes, Dieu enveloppe et pénètre et d’une certaine manière prévient l’action de toutes les causes secondes : I a, q. 19, a. 8 ; De pot, , q. iii, a. 7.

Ainsi Dieu opère-t-il dans la réalisation d’un ordre de Providence, sous la double raison de première Cause finale et de première Cause efficiente.

Première Cause finale, dont l’appétition obscure, innée à la créature raisonnable, est la raison fondamentale de toutes les appétitions particulières par lesquelles elle poursuit des fragments de bien.

Première Cause efficiente, dont l’opération atteint tous les êtres et chacune de leurs opérations, sous la raison universelle d’être.

Ce qui fait le prix d’un ordre de Providence, c’est la prédestination des élus.

Un ordre quelconque de Providence est tissu des motions de Dieu et des réponses de la créature ; ou, plus exactement, les motions divines, d’ordre naturel et d’ordre surnaturel, en composent la trame ; les consentements de la créature s’y inscrivent en plein et ses résistances en vide. Dieu n’a pas à en chercher hors de lui-même le dessein exact. Ce dessein appartient à l’ordre abstrait des essences, avant d’être évoqué à l’ordre concret du réel ; et l’Ecriture a égard à ces deux stades, quand elle nous présente tantôt les possibilités de la créature libre, et tantôt les réalisations de Dieu.

Ante hominem vita et mors, bonum et malum ; quod placuerit ei, dahititr illi (Eccli., xv, 18) : c’est l’ordre abstrait des possibles, selon lequel l’homme est l’artisan de sa destinée. — Operatur in nobis et velle et perficere(Phil, 11, 13) : c’est l’ordre concret des réalisations divines, selon lequel Dieu sauve des élus.

L’économie thomiste de la grâce assigne expressément une place à ces virtualités permanentes qui rendent l’âme particulièrement docile aux appels de la grâce ; ce sont les dons du Saint-Esprit, gages

1. La portée de cette distinction ne saurait échapper à personne. L’ordinatio divina est affaire de prédétermiuation idéale, et c’est Dieu même. F.a rnotio divina terminative spécial* est le don créé dans lame.

d’une Providence particulière attentive. I a II » e, q. 68, a. 1 : Omne quod movelur necesse est proportionatum esse molori ; et hæcest perfectio mobilis, inquantum est mobile, dispositio qua disponitur ad hoc quod bene moveatur a suo motore… Manifestum est autem quod virtutes humanæ perficiunt hominem, secundum quod homo natus est moveri per rationem in his quæ interius vel exterius agit. Oportet igitur inesse homini altiores perfectiones secundum quai sit dispositus ad hoc quod divinitus moveatur ; et istæ perfectiones vocantur dona, non solum quia infunduntur a Deo, sed quia secundum ea homo disponitur ut efficiatur prompte mobilis ab inspiratione divina. Mais ces gages, si précieux soient-ils, ne préjugent pas entièrement la réponse de la liberté humaine. Quodlib., i t a. 7. ad a m : Deus movet omnia secundum modum corum ; et ideo divina motio a quibusdam parlicipatur cum necessiate, a natura autem rationali cum libertate, propter hoc quod virttts rationalis se habet ad opposita ; et ideo Deus sic movet mentem humanam ad bonum, quod tamen potest huic motioni resistere… — En dernier ressort, il appartient à la divine Providence de choisir intelligemment dans le carquois de sa grâce la flèche qui touchera efficacement le cœur de l’homme.

Une grâce efficace est, par essence, une grâce conjointe, selon l’intention divine, à la volonté de l’homme qui, en acceptant la motion divine, opère immédiatement la conjonction. Mihi autem adhærere Deo bonum est (Ps., lxxxii, 28). Saint Thomas présente cet enseignement sous diverses formes.

Par exemple, il enseigne qu’entre la science divine et la détermination libre de la créature, il y a deux intermédiaires : la volonté divine d’abord, puis la volonté créée. De veritale, q. H, a. 14 : Inter scie’ : tiam Dei, quæ est causa rei, et ipsam rem causaiam, invenitur duplex médium : unum ex parte Dei, se. divina voluntas ; aliud ex parte ipsarum rerum quantum ad quosdam effectus, se. causæ secundae, quibus mediantibus proveniunt res a scientia Dei. Omnis autem effectus non solum sequitur condicionem causae primat, sed etiam mediæ ; et ideo res scitæ a Deo procedunt ab eius scientia per modum voluntatis et per modum causarum secundarum.

Il enseigne que la prédestination présuppose la prescience et s’y appuie en y ajoutant une certitude nouvelle, celle de l’ordination divine. De veritate, q. vi.

Dans les nombreux passages où il marque la hiérarchie des causes, soit dans l’ordre de la science soit dans l’ordre de l’action, il maintient l’empire immédiat delà volonté créée sur sa propre détermination, que l’inclination donnée par Dieu n’inclut pas toujours." Le passage suivant est révélateur :

S. Thomas, De Veritate, q. xxii, a. 8 : UtrumDeus voluntatein cogère posait. R. d. q. Deus potest immutare roluntatem do necessitale, non tamen potest eam cogère. Quantumeumque enim voluntas immutetur in aliquid, non dicitur cogi in illud. Cuius ratio est quia ipsuni velle aliquid est inclinari in illud ; coactio autem vel violonlia est contraria inclinationi illius rei quæ cogitur. Cum igitur Deus voluntatem immutat, facit ut præcedenti inclinationi succédât alia inclinatio. et ita quod prima aulertur et secunda man>>t…

Potest autem Deus voluntatem immutare ex hoc quod ipse in voluntate operatur sicut |in natura ; unde, sicut omnis actio naturalis est a Deo, ita omnis actio voluntatis, in quantum est actio, non solum est a voluntate ut immédiate agente, sed a Deo ut a primo agonte, qui vehement>us iniprimit. Unde, sicut voluntas potest immutare actum siium in aliud, ita, et multo amplius, Deus.

Immutat autem voluntatem dupliciter. Uno modo, movendo tantum ; quando se. voluntatem movet ad aliquid volenduin, sine hoc quod aliquam formam imprimai voluntati, sicut sine appositionc alicuius hahitus quandoque facit ut homo velit hoc quod prius non volebat. Alio vero modo, imprimendo ali-