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PROVIDENCE

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Par cette voie, on échappe à l’écueil où viendrait sombrer la liberté de la créature, et l’on véritie ce double caraclère que doit posséder- l’acte libre : d’être essentiellement un don que la créature sa fait à elle-même, et d’être réellement un don du Créateur.

.Don que la créature se lait à elle-même, selon le dessein idéal de la détermination.

Dan da la Cause première, par la pleine réalité de cette détermination.

D « ce point de vue, bien des choses s’éclairent ; notammeat la relation de la grâce ellicaceà la grâce purement sullisante.

De l’una à l’autre, la différence actuelle est constituée par le don divin. Dieu qui, d’une volonté antécédente, veut les grâces toutes etlicaces, veut, d’une volonté conséquente, les unes efficaces et non les au-Les unes et les autres sont des dons divins ; mais les premières emportent le consentement du libre arbitre créé, les secondes ne l’emportent pas : Pourqaoi ? — Parce que tel est le bon plaisir divin.

— Sans doute. Mais si le bon plaisir divin trace a

: tout le dessein des voies de la créature sans

égard au réactions du libre arbitre sous la grâce, on ne voit pas ce qui reste de cette volonté antécédente par laquelle il conviait le libre arbitre à tout bien. Si l’on veut maintenir en Dieu — selon notre manière de concevoir — la distinction des deux volontés antécédente et conséquente, — et il la faut bien maintenir, si l’on espère concilier le désir qu’a Dieu de sauver tous les hommes avec la damnation de plusieurs, — on devra nécessairement interposer. au passage de l’une à l’autre, la prévision du libre dissentiment de la créature. C’est ce que saint Tho, mas ne manque pas de faire (I », q. 19, a. 6), après s tint Jean Damascène. Ainsi admet-il que Dieu e.jprunte à la détermination prévue de la créature le dessain de son opération infaillible ; en un sens, il se détarmine a posteriori. Dans l’ordre intelligible, la grâce efficace et la non-ellicace sont différenciées, par la fidélité de l’homme ; et c’est pourquoi, dans l’ordre réel, elles sont différenciées par le don divin qui emporte la fidélité de l’homme. Autant qu’il est permis d’assigner divers moments de raison au développement de l’action divine, voici ce que nous apercevons :

i° Conception d’un ordre particulier de Providence, comportant telles motion s divines et telles déterminations libres de la créature.

l’inteilect divin. Il ne prononce pas le nom de science raoytnm, et il observe trois choses. D’abord, cette science d -s futurs conditionnels ressortit, non à la vision, mais à la simple intelligence En second lieu, on se gardera bien d’en chercher la source dan, la disposition des causes secondes libres, c msidérées en allas-moines : elle procède proprement de 1 exemplaire divin. En troisième lieu, la même s Menée s éteni a’ix futurs absalus. Les Commentarii theniogici de Valentia parurent pour la première fois à Ingolstadt en 1 » 9 1 ; nous citons la 3° édition, Lyon, 1603, t. I, p. 28 » -269 (In /an », q. lï, a. 1H). On profite à fréquenter ce théologien, a notre avis, souvent plus sago que Molina. De soa côté, Leseius, avant 1587, à Louvain, donnait pour Base à sa théorie de la prédestination la science divine des futurs conditionnais, ressortissant à la simple intelligence. bicimut prædéilinationem n’Mesupponere præseientiam eonditimnatmn), fuar nihil est aliud qu<im simplex inteili t*tia 1 tiriitionali’im libtrarum. Voir sa liespontio ad Amtmpmlogiam FaculUilis Lovaniensis. p. 390, p. StUINSSmank, Cvntroversiurum…, p. 38*o. — Tel est encore le fondemaat thédagique de la science moyenne, aux yeux du Cardinal Bi 101, qui, arec Valentia et Lessius, inclina manifestement à ne pas l’isoler d 1 domaine de la simple intelligeoe

  • De Dm uno eltrino. tliet. xxii, p. l’J'2-3, Romne.

1912. bans une nota inspirée par Valentia, le H. P. M. dp. la Taille parût de même sentiment, Ittch. de Se. relig., p. 13sqq.

a" Préférence donnée à cet ordre de Providence, par rapport à d’autres possibles. C’est là une prédétermination idéale, en vue de la réalisation. Mais au regard de la détermination prévue de la créature, c’est plutôt une postdétermination.

3° Passage à l’exécution : prémotion physique*.

Si l’on quitte la considération générale d’un ordre de Providence pour descendre à la considération plus particulière de tel acte peccamineux, les mêmes conclusions s’imposent avec force.

Saint Thomas n’a pas dit — ilne pouvait pas dire

— que Dieu prédétermine l’homme par une action physique à tel acte dont l’homme endossera d’ailleurs la responsabilité morale, et qui le damnera. Ce qu’il a dit, c’est que parmi les ordres de Providence, en nombre infini, présents à la pensée divine, Dieu fait choix de tel ordre de Providence où l’homme se détermine à tel parti et se damne. La réalisation de cet ordre de Providence comporte une certaine somme de motions divines, les unes positivement salutaires, les autres étrangères au salul. Il arrive que Dieu meut l’homme à la matérialité de certains actes coupables : sous cette motion, il se détermine avec plus ou inoins de malice, c’est-à-dire avec plus ou moins de difformité à l’égard des motions de l’ordre le plus élevé. La motion divine est la condition sine qua non de l’acte, quel qu’il soit. La culpabilité de l’acte est le fait d’une volonté humaine qui écarte le meilleur et choisit le pire. Dieu permet ce choix, par égard au dessein d’ensemble qu’il poursuit.

Aussi loin que nous pouvons remonter dans la genèse des œuvres divines, nous rencontrons une Providence attentive aux destinées de la créature libre, et des grâces diversement efficaces. L’eflicacilé des grâces procède ab intrinseco 01 dinationis divi 1. Il nous plaît de retrouver cette terminologie chez Bniuakt. 11 écrit, De Deo, Dissert, viii, art. 5, éd. Paris, 1839, t. I, p. 382 :

Deus, ul principium efficiens in ordine physico, est prior in bonis, et voluntas creata, ul principium doiieiens in ordine morali, est prior in malis ; ita ut non maie quidam ex nostris observaverint quod. licet decretumquo Deus ab aeterno statuit ad actus peccaminosos tam angelorum quam hominum concurrere, et motio qua in tempore eos ad id movet, aliquo vero sensu vocentur prædefinitiu et pi aedtterminatio. quia prædefinit entitatem actus et ad eam præmovet, attamen alio sensu possint vocari poildefinilio et posfdetei ininatio ; quia Deus ab aeterno non prædefinit entitatem actus cui coniungitur malitia, nec ad eam in tempore præmovet, nisi quia voluntas creata prius deviat ab ordine primi agentis et est in dispositione indebita ad recipiendam divinam motionem ex qua sequitur actio inordinata, quae alioquin fuisset bona et ordinata — Combien cette exposition n’est-elle pas plus satisfaisante que celle d’Alvarez !

Dans sa Théodicée, Leihmtz a essayé de figurer, par un mythe ingénieux, l’économie du gouvernement divin sur les êtres libres. Le jeune Tarquin se rend en Grèce, et consulte plusieurs oracles. A Delphes, Apollon lui annonce que, roi de Rome, il se perdra par son orgueil. A Dedone, Zeus lui déclare qu’il tient à lui de ne pas se rendre à Rome et de ne pas viser au trime. Tarquin choisit de viser au trône et se perdra. Cependant à Athènes, Pallas, consultée elle aussi, a étalé diverses destinées où le jeune Tarquin peut tenir divers rôles mais elle a donné à entendre quo celle où Tarquin devient roi de Rome et se perd, a, pour des raisons de haute sagesse, la préférence de Zeus. Apollon (igure la science de visi >n ; Zeus figure le gouvernement de la Frovidence : Pallas figure la science de aimpl « intelligence. Leibnitz avait pleine conscience de ne point aupprimer le mystère du gouvernement divin. L’optimisme, dont il fait la loi de la Providence, n’est à nos yeux qu’une hypothèse mineuse. Par ailleurs, le mythe peut aider à concevoir comment, sous le regard infaillible de Dieu, et sous le gouvernement souverain do sa Providence, l’homme se détermine et prépare sa destinée. Leibnitz, Opéra p/iilosophiea. éd. Erdmann, lxxiii, n. 405-471, p. 620-624 ; Berlin, 1840,