Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/221

Cette page n’a pas encore été corrigée

429

PROPRIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE

430

Mirabeau et Thouret puisèrent les éléments de leur argumentation pour tenter d’établir que les biens du clergé appartenaient à l’Etat, à la Nation. La thèse contraire l’ut cluqueminent soutenue, et la puissance oratoire de Mirabeau trouva d’éloquents contradicteurs, notamment l’abbé Maury. Le décret de l’Assemblée Constituante et ceux qui ont suivi méritent de lixer l’attention, ils ont créé un ordre nouveau, Us ont une importance capitale. On en trouvera un saisissant tableau tracé par M. IlHHW Biun dans une conférence à l’université catholique de Lyon, publiée parla fttvue catholique des Institutions et du Droit (tome XXVIII, p. ttg) s° « » s le titre : Là propriété ecclésiastique et tes lois révolutionnaires. Le principe voté le a novembre 1789 se formulait ainsi : ies biens ecclésiastiques étaient « mis à la disposition de la nation » et l’Assemblée ajoutait : « à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres » ; voilà la base du droit nouveau en matière de propriété ecclésiastique, droit qui a été en vigueur pendant tout le xix’siècle. Les biens dn clergé passaient à la Nation, celleci, en retour, s’engageait à pourvoir aux besoins du clergé (Chbnon, Histoire des rapports de l’Eglise et de l’Etat, du i* « nu XX* siècle, p. 175). Cette indemnité, qui a formé le budget des cultes, avait le caractère d’une dette, que Mirabeau a appelée

« une dette sacrée » (séance du 3 octobre 1789, 

Réimpression du Moniteur, t. I, p. lia). La loi constitutionnelle a reconnu cette dette : « Le traitement des ministres du culte, pensionnés élus ou nommés en vertu des décrets de l’Assemblée constituante, fait partie de la dette nationale » (Constitution de 1791, titre V, art. a). La Constitution républicaine du 4 novembre 18/ ( 8 n’était pas moins formelle ; on y pouvait lire (art. 7) : « Les ministres des cultes reconnus ont le droit de recevoir un traitement. <>

Ce régime nouveau, créé pour l’Eglise en France, le Pontife suprême, dans un esprit de grande condescendance, l’avait accepté. Parle Concordat conclu au début du xix* siècle, le Saint-Siège ratifia les faits accomplis. Cette convention intervenue entre le Pape Pie VII et le Gouvernement français est du 37 fructidor an IX. elle a été promulguée en France par la loi du 18 germinal an X. « Sa Sainteté, dill’article 17, pour le bien de la paix et l’heureux rétablissement de la Religion catholique, déclare que ni Elle ni ses successeurs ne troubleront les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés et que, en conséquence, la propriété de ces mêmes biens demeurera incornmutable entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause. »

D’autre part, l’article 14 stipulait : « Le Gouvernement assurera nn traitement convenable aux évoques et aux curés dont les diocèses seront compris dans la circonscription nouvelle. » C’était le renouvellement et la confirmation de l’engagement pris par la Constituante, engagement quelque peu oublié pendant la tourmente révolutionnaire, mais non cependant formellement méconnu (v. décret du 3 ventôse an III art. il, sur les pensions). En ce qui concerne les immeubles nécessaires au culte, un article du Concordat (art. la) avait pris aussi un engagement :

« Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, 

paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront remises à la disposition des évêques. » C’estprinoipalement dans les dispositions des décrets du ?, o novembre 1809 et du 6 novembre 1 81 5 qu’il faut chercher la mise en œuvre des principes posés par le Concordat. L’Eglise avait cessé d’être propriétaire. La loi reconnaissait, comme personnes morales capables d’acquérir et de posséder,

seulement des institutions particulières et isolées tenant de l’Elut lenrpersonnalité.Cesétai>lissenients, quant à l’administration et à la disposition de leurs biens, étaient considérés comme des mineurs’-t l’Etat exerçait sur eux un véritable droit de tutelle. Suivant les distinctions du Droit administratif, les cathédrales et autres édillces diocésains avaient été placés dans le domaine national soit public soit privé. Suivant ces mêmes distinctions, les églises sont dans le domaine public communal, les presbytères dans le domaine privé de la commune. Mais ce droit de propriété était un droit.via generis. L’Etat et la commune avaient l’obligation de respecter la destination des édifices. Sur ceux destinés à l’habitation, les ministres dn culte jouissaient d’un droit d’usufruit particulier (Rapport de M. Touzauo au Congrès de Lyon, llcvue catholique des Institutions et du Droit, t. XVII, p./|O0,. — Ducroq, Des églises et autres édifices du culte catholique. — Aucoc, Sur la propriété des églises paroissiales et des presbytères, dans la Revue critique de législation et de jurisprudence, année 1878). Cette législation et cette réglementation minutieuse limitait parcimonieusement les droits de l’Eglise. On pouvait reconnaître dans le régime nouveau que la Révolution avait prétendu instaurer plus d’un point de ressemblance avec îe. régime ancien, et, comme a pu dire Emile Olivikh, 1 tout l’appareil juridique du Gallicanisme » (f.e Concordat et la séparation de l’Eglise et de l’Etut, p. 16). Appliqué dans un esprit conciliant, le régime concordataire a pu assurer pendant de longues années la paix religieuse, et l’Eglise a pu développer ces institutions. L’examen des différents budgets révèle par quelles alternatives l’Eglise passe, suivant les dispositions du gouvernement. Le tableau statistique des dépenses du culte a été dressé par Ch. Jourdain, dans son ouvrage : Le Budget des cultes en France, 185g. Le système des réductions vexatoires opérées sous le gouvernement de juillet a été repris et aggravé dans le cours des dernières années du xix « siècle et des premières du xx a siècle. Ce serait un attristant chapitre à ajouter à l’ouvrage d’histoire financière qui vient d’être cilé.

Cette période fiscale du siècle dernier et les débuts de celui où nous sommes ont marqué une hostilité croissante des pouvoirs publics contre le catholicisme ; systématiquement, la législation a été appliquée dans un esprit malveillant : désaffectation d’édifices nécessaires, suppressions arbitraires de traitement (v. Besson, Revue catholique des Institutions et du Droit, t. XX, p. 485 et XXI, p. ia3), persécution fiscale, restrictions du droit du prêtre en ce qui touche à l’usage des cloches et des clés de l’église (Loi du 5 avril 1884, art. io4 et 101) ; vente arbitraire des biens de la mense épiscopale, en cas de vacance du siège (Observations de Mgr Frbpvrl ; Univers du 7 septembre 1 885). Enfin, en 1901, la loi du 1 1 juillet sur le contrat d’association, qui soumettait à la liquidation les biens des congrégations dissoutes, a plusieurs fois reçu des tribunaux une interprétation aboutissant à urieréellespoliation. — Dans cette même période, denombreux projets proposaient la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la suppression du budget des cultes.

C. Sous le régime de la séparation. — La menace devait se réaliser en igo5. Il ne saurait être question d’analyser ici la loi du g décembre igo5 ni les discussions auxquelles elle a donné lieu, ni de raconter de quelle façon la rupture a été effectuée entre la France et l’Eglise (v. notamment Bihk, la Séparation des Eglises et de l’Etat. — Lamarzelle et Taudii’îrb, Commentaire de la loi du 9 décembre 1905. — Celibr, J.a Loi du 9 décembre 1905 concer-