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PROPRIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE

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pliètes d’Israël. S’il n’admet pas tout d’abord que le vrai Dieu puisse intervenir dans le monde en révé-Lint ses volontés, il supprime la raison d’être du prophète : et, dès lors, il n’a pas de peine à trouver intolérante et extravagante l’action d’un homme qui s’arroge le droit de parler et d’intimer des ordres en qualité d’interprète de Dieu.

Albert Condamin, S. J.


PROPRIÉTÉ ECCLÉSIASTIQUE.

I. Origine et fondement de la propriété ecclésiastique.

II. Le droit de propriété de l’Eglise, spécialement en France. A. Ancien régime jusqu’à la Révolution de ÏJ89. — B. De ÎTS’J à la loi de séparation {1905). — C. Sous le régime de la séparation.

I. Origine et fondement de la propriété ecclésiastique. — Il est d’évidence que toute société, pour subsister, doit avoir quelques biens en commun. Le droit pour les associations en général de posséder dérive de leur droit d’exister, qui est incontestable. Les collectivités peuvent, tout aussi bien que les individus, être sujets du droit de propriété (Cbpsda, Eléments de droit naturel, traduct. française, p. 245). L’association formée parla communauté de croyance et de culte est tout spécialement placée dans la nécessité d’avoir des biens. Uue religion sans culte s’affaiblirait bientôt et serait sans empire sur des êtres qui ne sont pas de purs esprits. Il faut des ressources pour subvenir aux frais qu’entraîne un culte public (Portalis, Discours et travaux sur le Concordat, p. 4- — Affhe, Traité de la propriété des biens ecclésiastiques, chap. i. — CardinalGoussBT, Du droit de l’Eglise touchant la possession des biens destinés au culte). Historiquement il est démontré que les ministres des temples ont été, en tous lieux et à toutes les époques, entretenus par des contributions et des terres, que la libéralité des princes ou la piété des peuples leur avait attribuées. Cette coutumeest aussi ancienne que le genre humain (Thomassin, Discipline de l’Eglise, III, liv. I, ch. î). Depuis l’antiquité la plus reculée, les prêtres ont exercé le droit de propriété, en vue de leur entretien et des frais du culte (Onclair, De la Révolution et de la restauration des vrais principes sociaux, t. IV, p. 129).

Le fondement de cet usage dérive de la notion du domaine souverain appartenant à la divinité sur l’homme et sur tout ordre créé ; il se constate dès l’origine du monde. Les premiers hommes offraient à Dieu des fruits et le produit de leur travail (Gen., iv, 34). On trouve dans les livres de l’Ancien Testament l’éuiiméraliondes richessesdela tribu lévitique chez les Juifs (Xum., xxxv, 2, 5 ; Jos., xxi). La loi mosaïque attribuait aux prêtres la perception des (limes (Levit., xxviii, 30. — Fleury, Mœurs des Israélites, vin. — Pastorbt, Histoire de la législation, t. III, ch. 1 et xvi). L’antiquité païenne fournit de nombreux exemples de libéralités en faveur des templeset de leurs min istres. En Egypte, l^s prêtresjouissaient de grands privilèges et de revenus importants (Hérodotb, II, xxxvii. — Pastorbt, op. cit., tl.ch. xx. — Horoy, Des rapports du sacerdoce avec l’autorité civile à travers les âges, t. I, p. 34 et les notes).

César rapporte ojuelle était la condition privilégiée deïdruides chez lesGaulois (De liello Gallico, l, xiv). Dès la plus haute antiquité, la propriété sacerdotale avait place dans les institutions helléniques. Les temples jouissaient du produit des terres consacrées auxdivinité-i(XKNOPHON, Hellenic, I. — Platon, Des /ois, VI. — Horoy, op. cit., t. I, p. 157). L’ancien

droit romain mentionne l’existence de biens sacrés. Un passage de Cicbron nous apprend que la loi des Xll tables punissaitcomme parricide le ravisseur de ces biens (De I.egibus, II, § 11). Gaius indique une classe de choses qu’il appelle divini juris((’omm., U, § 2). Dans la législation romaine on remarque, à toutes les époques, des dispositions assurant le respect desres sac/ « e(FusTBL dbCoulanges, l.a Cité antique, liv. III, ch. vin).— On trouvera l’indication des nombreux textes relatifs à cette matière dans La Hivierrb, Des choses divini juris.y. aussi Darumberg, Diction, des antiquités, v° Bona templorum et les sources indiquées. — Willbms, Droit public romain, p. 3 10). Avec le christianisme, pénétra chez les Romains l’idée de charité et s’introduisit l’usage des fondations pieuses au profit des églises (Troplong, Influence du Christianisme sur le droit civil des Romains, p. 123). Le droit des Empereurs chrétiens contient de nombreuses dispositions relatives à la propriété ecclésiastique. L’Eglise chrétienne naissante ne pouvait échapper à cette nécessité de posséder des biens, le droit de propriété est lié à la liberté, il se confond avec le droit d’exister et de se conserver (v. dans la Revue trimestrielle, janvier 1882, une intéressante dissertation de Dom Chamard sur la propriété ecclésiastique). Ozanam, dans une étude sur les Riens de l’Eglise (Mélanges, t II, p. 331), invoque l’autorité des prophéties d’Isaïe, dont il cite plusieurs passages. Sans doute le divin Fondateur de l’Eglise a voulu naître et mourir pauvre ; il a enseigné à ses disciples la loi du détachement personnel (Matt., x, 9) ; mais il n’a jamais répudié, pour la société qu’il fondait, le droit de propriété(D. Chamard, op. cit., m). Lui-même recevait des offrandes et en disposait. S. Augustin voyait là l’origine du patrimoine de l’Eglise — cité par Ozanam (ubi, supra p. 545).

L’Evangile nous apprend que le collège apostolique possédait un fonds commun (Luc, viii, 3. — loan., xii, 29). Les disciples suivirent les exemples et les préceptes du Sauveur. Ils se contentaient du strict nécessaire pour eux-mêmes ; mais recevaient des ûdèles ce que ceux-ci versaient avec une pieuse libéralité pour le trésor de l’Eglise (Acl., 11, 4 > ; iv, 35 ; v, 1. 2). Les Apôtres revendiquaient ce droit de recueillir desbiens temporelsen retour des biens spirituels qu’ils avaient distribués (S. Paul, I Cor., ix, 4. !) Ces coutumes se développèrent dans l’Eglise et aboutirent à une organisation des ressources établie sur une plus large base. La fonction d’administrer les aumônes prit place dans les hiérarchie ecclésiastique dès ses débuts(D. Chamard, loc. cit.). L’histoire a enregistré les progrès de la formation du patrimoine de l’Eglise, au milieu des vicissitudes par lesquelles il plaît à la Providence de la faire passer (Gossblin, Pouvoir des Papes au moyen âge, surtout le chapitre sur les biens du clergé pendant les premiers siècles. — Introduction, § 3). De bonne heure, les chefs de l’Eglise cherchèrent à s’assurer des biens stables pour conserver à leur destination les temples et les lieux de sépulture. Il est prouvé qu’elle possédait des immeubles pendant les trois premiers siècles (Affrb, op. cit., ch. 1, § 1. — Allard, Histoire des persécutions, t. II, p. 9). Le christianisme se propagea assez rapidement à Rome (Ch vMi-AGNY, Les Césars, t. II, p. 14<> et suiv.). La légalité romaine et les édits des empereurs persécuteurs ne permettaient pas aux chrétiens de s’associer et déposséder collectivement. Les travaux de Rossi ont mis en lumière le mode légal employé par les communautés chrétiennes pour se réunir el posséder. Profitant de la faveur que la loi commune faisait aux tombeaux (Gaius, Institut., 11, § 8, D. De