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PROPHETISME ISRAELITE

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plutôt qu’une cause surnaturelle. « Jérémie a prévu réellement et en toute vérité la niortde Hananias. Il est ridicule denier la possibilité de prévisions pareilles, Innombrables [I], simplement parce qu’elles sont la plus grande énigme qui soil sur la terre. » Donc, prévision purement humaine et peut-être, ajoute-t-il, mal interprétée par Jérémie (Das Huch Jeremia, 1901, p. 227). Souvent chez Dulnu l’acuité du sens critique est émoussée par le préjugé rationaliste : qu’on lise ses réflexions mesquines, saugrenues, portant à faux, mais lidèlement conservées dans trois éditions, sur le magnifique déli porté par Iahvé aux dieux des païens impuissants à prédire l’avenir (Isaïe. xli, 21-29).

5. — Pour résoudre cette question : les prophètes avaient-ils une mission surnaturelle ? Abr. Kuenen examine si leurs prédictions se sont accomplies. Evidemment, les prédictions non réalisées ne viennent pas d’une révélation. Quant aux autres, qui seraient accomplies, Kuenen pense pouvoir les expliquer sans recourir à une cause surnaturelle (The Prophets and Prophecy in Israël). — Il faudrait un volume d’égale dimension, 600 pages in-8 pour réfuter point par point cette interprétation des prédictions de l’Ancien Testament. Qu’il suffise ici de donner quelques spécimens de la méthode.

A. Les prédictions mal réalisées, d’après Kuenen

a) Au sujet de Ninive, « sur un point les prédictions de Nahum et de Sophonie n’ont pas été confirmées par l’événement. Ninive est devenue déserte dans un espace de temps relativement court, mais pourtant pas tout d’un coup… L’annihilation complète n’a pas été subite » (p. 13 1-1 3a). — Kuenen exige la réalisation littérale des détails d’une description poétique. Ici, il a contre lui le témoignage de Slrabon, qui dit que Ninive disparut immédiatement après la ruine de l’empire assyrien, ifaviaQ-n r.yr.y.y_p ?, u.x XVI, I, 3) ; et l’inscription de Nabonide, qui montre le roi des Mèdes anéantissant les sanctuaires des dieux d’Assour, détruisant et désolant les villes comme un ouragan (stèle déchiffrée et publiée par V. Schkil en 1895, Recueil de Travaux relatifs à la Philologie et à l’Archéologie égyptiennes et assyriennes, t. XVIII).

b) Les prédictions de Jérémie (xliii, 8-13) « t d’Ezéchiel (xxix, 18-21, xxx), surune campagne victorieuse de Nabuchodonosor en Egypte, ne se sont pas réalisées, écrivait Kuenen en 1879. Mais un fragment d’inscription cunéiforme, déchiffré en 1878, établit l’historicité de cette expédition. Kuenen, en 1892, avoue que « le problème est entré dans une phase nouvelle », mais il continue à soutenir que ces prophéties ne se sont pas accomplies, et, pour le montrerai en force et fausse le sens (Voir Le Livre de Jérémie, par A. Condamin, 1920, p. 289-291). Les découvertes assyriologiques ont infligé à Kuenen plus d’un démenti. Son traducteur, M. A. Pibrson, reconnaissait déjà en 1879 que les textes cunéiformes ont « fourni des révélations inattendues, qui ôtent leur portée à certains arguments de M. Kuenen », l’amenant à « transformer sur quelques points son ancienne manière de voir » (Hist. critique des Livres de l’A. T., t. II, p. n).

c) Michée (ni, 12) annonçait la ruine de Jérusalem et du temple comme un châtiment, (si l’on ne faisait pénitence). On implora la grâce de Iahvé, et la ville fut épargnée. C’est ainsi que « les anciens du pays », au temps de Jérémie, interprétaient cette prophétie de Michée (Jér., xxvi, 18- 19). Mais Kuenen n’admet pas de prophétie conditionnelle, à moins que la condition ne soit formulée expressément par le prophète : cela lui permet d’en trouver un plus grand

nombre en défaut ; ainsi Michée, d’après lui, s’est trompé (p. 161-167, 333 sqq.). KAurzscu.au contraire, a fort bien compris que « la prédiction comminatoire, même exprimée en termes catégoriques, n’a toujoursqu’un caractère conditionnel « [j’ajoute, pour éviter tout malentendu, quand elle s’adresse à ceux qu’elle menace] (/lastings’Dict., Extra vol., p. 675 a). C’est en effet la doctrine générale exposée par les prophètes : Dieu veut la conversion des coupables, et non leur ruine {.1er., xviii, 1-10 ; Ez., xxxiii, 13-16) ; et c’est aussi l’enseignement très clair du livre de Jonas (Jon., m).

B. Les prophéties accomplies

a) L’échec de Sennachérib (701) prédit par Isaïe.

« Comme on l’a dit avec raison, remarque Driver, 

jamais prophète n’avait fait une prédiction plus hardie, et jamais prédiction ne s’était réalisée d’une façon plus éclatante. » Aucune prévision ou calcul des probabilités ne peut expliquer cette prédiction certaine, précise, réitérée ; ni le hasard, son accomplissement (S. R. Driver, Isaiah : His Life and Times, 2* éd. 1893, p. 8a-83).

Interprétation de Kuenen : La confiance absolue avec laquelle Isaïe annonce l’échec de Sennachérib, est-elle inexplicable à moins de supposer que l’avenir lui a été révélé d’une manière surnaturelle ? Je réponds : non. Cette confiance repose, en réalité, sur la conviction qu’Israël a été choisi par Iahvé et que Sion est la demeure de Iahvé » (l. c, p. 297). — Non, cette conviction ne suffisait pas pour donner la certitude du salut, puisque d’autres prophètes, avec la même conviction, annonçaient pourtant la ruine de Jérusalem et du temple : ainsi Jérémie (vu et xxvi), Michée, contemporain d’Isaïe (m, 12), et Isaïe lui-même en d’autres circonstances (m, a5-26, et surtout

XXXII, 14).

b) La guérison d’Ezéchias prédite par Isaïe (Is, xxxviii). « Il est très probable, dit Kuenen, que le prophète encouragea le roi malade, lui donna des espérances de guérison et indiqua les remèdes convenables. Quant à dire que la vie du roi serait prolongée dequinzeans, exactement, ni plus ni moins,

— peut-on juger vraisemblable, qu’Isaïe ait connu qu’il en serait ainsi, et qu’il ait encouragé Ezéchias en le lui annonçant ? Une pareille déviation du cours ordinaire des événements — sans raison et sans nécessité — peut-elle bien être reconnue pour un fait réel, sur l’autorité d’un écrivain qui vivait plus d’un siècle après la mort d’Ezéchias ? » (p. 440- — ^ cl Ie critique oublie de déguiser un peu la pétition de principe : il établit une enquête pour rechercher si la surnaturel se trouve dans les prophéties, et il met en doute la valeur du récit uniquement à cause de son caractère surnaturel.

c) La mort de Hananias prédite par Jérémie (xxvih).

« Certainement personne n’attribuera une importance

capitale au récit du conflit entre Jérémie et Hananias… Mainte menace de la colère divine, comme celle que nous trouvons là, s’est réalisée d’une manière aussi frappante, ou bien parce qu’elle a produit une vive impression sur l’imagination de celui qu’elle concernait, ou bien par hasard, comme on dit. On n’a gardé le souvenir de pareilles prédictions que dans les cas où elles ont été confirmées par l’événement [alors comment Kuenen trouve-t-il tantde prophéties non réalisées ?]… Enfin, le récit de ce fait a été composé plus tard ; même s’il a été écrit par Jérémie lui-même, il ne nous a pas été conservé dans sa forme originale… Nous ne savons donc pas si la mort de Hananias, arrivée cette année-là, avait été réellement prédite en termes aussi clairs. » (p. 304 305). — Comme on voit, quand toutes les hypothè-