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PROPAGATION DE L’ÉVANGILE

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a. — Cependant, les pouvoirs coloniaux continuaient à s’intéresser aux œuvres d’apostolat. Les pays catholiques qui n’avaient pas de colonies, Italie, Autriche, Pays-Bas, envoyaient leurs missionnaires chez les Portugais et les Espagnols. La France, vers ce temps-là, ébauchait son empire colonial. Elle eut donc immédiatement à créer et administrer des Eglises lointaines. En 1 6 1 4. Champlain débarquait au Canada avec des Franciscains récollets. Les Jésuites qui avaient déjà paru en Acadie dès 161 1, revinrent en 16a5. Alors commence chez les Hurons, les Iroquois, les Algonquins et autres sauvages, un apostolat qui, de proche en proche, devait s’étendre au nord jusqu’au cercle polaire, à l’ouest jusqu’à l’Océan, au sud jusqu’au golfe du Mexique, rejoignant là et en Californie l’apostolat des Espagnols. Et l’on sait quelles belles pages d’héroïsme et de martyre furent alors écrites par les Pères Jogues, de Brébeuf, Lallemant, Daniel.

C’est encore l’apostolat français qu’on rencontre aux Antilles, au Sénégal, en Guyane. La France soutient les missionnaire latins dans tout le Levant, de Constantinople au Caire, et cela de par les droits que lui confèrent les traités passés avec la Porte. Plus tard, Louis XIV forcera le Portugal à tolérer des missions françaises à côté de celles du Patroado en Chine, au Siam, en Indo-Chine, aux Indes (Pondichéry). A quoi il faut ajouter l’envoi par saint Vincent dk Paul des prêtres de la Mission aux pays barbaresques et à Madagascar. — Voir J. G. Shba, History of the Catholic missions among the lndian tribes of the United States ; — O. Jouvb, Les Frères mineurs à Québec ; — Relations de la Nouvelle France ; — C. db Rochbmontbix, Les Jésuites de la Nouvelle France, 5 vol., 189, 5-1906.

3. — Autre nouveauté, qui donne à l’apostolat français sa note originale. En 164g, le P. Albxandrb db Rhodbs était venu réclamer pour l’Indo-Chine des secours en hommes, surtout des évêques. Le résultat fut d’abord la création deVicaires apostoliques. Le Portugal semblant se refuser à créer les diocèses nécessaires, Rome décida de se passer de lui. Elle envoya en Extrême-Orient des missionnaires ayant caractère épiscopal, mais non tous les pouvoirs des évêques résidentiels. Il s’agissait, avant tout, de multiplier les prêtres chinois, siamois, tonkinois, de donner à ces jeunes Eglises ce qu’on n’avait pas eu le temps de fournir au Japon, un clergé.

Les premiers prélats furent choisis dans une congrégation d’ecclésiastiques que dirigeait à Paris le Jésuite Bagot. Leur entrée dans les territoires qu’on leur assignait fut contrecarrée par les autorités portugaises. Tels de leurs prêtres connurent les prisons de Goa et de Macao. Il s’ensuivit, entre les c Propagandistes » et les missionnaires de patroado, de longs et pénibles conflits.

Dans le même temps, d’autres disciples du P. Bagot, par suite aussi de l’impulsion donnée par A. de Rhodes, fondèrent le Séminaire des Missions Etrangères, lequel ouvre la série des sociétés consacrées exclusivement aux missions lointaines. Ce n’est pas une congrégation religieuse, mais un groupe de prêtres séculiers ne relevant que de l’évêque qui les emploie. Enfin Rome leur assignait la tâche très spéciale de créer, partout où ils iraient, un clergé indigène. Sur ce dernier point, s’ils n’ont pas réalisé dans toute son ampleur le programme des premiers jours, celui-là même qu’avait proposé le P. Alexandre de Rhodes, ce n’est pas faute d’avoir tout essayé, y compris l’épiscopat chinois et annamite. — A. L*unay, H. Génér. de la Soc. des M. Etr., 3 vol., 189^.

4. — La façon étroite dont le Portugal entendait

son patronat fut un obstacle sérieux au progrès de la foi. Il y en eut d’autres.

Les rivalités politiques et commerciales d’abord, entre Castillans et Portugais. Le Japon eùt-il tant souffert, si les Espagnols des Philippines n’eussent pas paru sur ses côtes ?

Puis surgissent Anglais et Hollandais contre Portugais : il en résulte la disparition des missions de Malaca et des Moluques. Peu s’en fallut que Ceylan et l’Inde méridionale eussent le même sort.

Puis encore, rivalités d’ordres religieux : certains ajoutant à leurs préjugés nationaux les prétentions, parfois exorbitantes, de leur ordre, entrant de force sur le terrain d’autrui ou excluant les étrangers de leur propre terrain. Conflits de juridiction, les limites géographiques et morales des pouvoirs n’étant pas nettes. Conflits de méthodes surtout. Les uns étaient pour la prudence, les marches lentes, les conversions longuement préparées, le soin à éviter les éclats inutiles ; d’autres préconisant les procédés rapides, sommaires, et aussi les attaques violentes et directes aux préjugés et aux coutumes locales, tenues quelquefois un peu vite pour superstitieuses. De là, des polémiques. A cela se rattache la querelle des rites chinois et malabars. Assoupie depuis la décision de tolérance dont nous avons parlé, elle se ranima et Rome crut devoir revenir sur les concessions. Elles furentretirées en 1715 par Clément XI, et par Benoit XIV en 174a.

Il n’est pas vrai que l’œuvre des Jésuites en Extrême-Orient,

« privée de sa base naturelle, se soit écroulée

du coup » (Krauss, hist. de V Eglise, III, p. a52). Ce que l’on peut dire, c’est que les conversions chez les lettrés et les brahmes cessèrent. Mais les chrétientés fondées se maintinrent et continuèrent à grandir peu à peu. Ona beaucoup exagéré les pertes subies de ce chef. Si la décadence survint, elle fut due à d’autres causes. Retenons cependant la conclusion de ces tapageux épisodes : combien l’Eglise est scrupuleuse à repousser des accommodements, pour peu que la doctrine soit ou simplement paraisse être en jeu.

Benoit XIV, bull. Ex quo Singulari 1 1 juillet 17^2,

— P. J. Brucker, op. cit.

5. — Les persécutions violentes ne manquèrent pas. Nous avons parlé du Japon et des Moluques.

Persécutions dans l’Inde, intermittentes et locales, surtout de la part des musulmans, par exemple dans le Maïssour.

Persécutions dans l’Indo-Chine. Le premier martyre connu est de 1644. Les violences furent continues aux xvme siècle et plus encore au xix*. Jésuites, Dominicains, prêtres des Missions étrangères, prêtres indigènes, simples fidèles, moururent par troupes avec un héroïsme admirable.

Persécutions en Chine. Au xvii « siècle, rien que des épisodes isolés. Avec Yong-Tcheng.en 1724, la persécution générale commence. Elle dura plus d’un siècle, et fut marquée par une xénophobie aiguë. Elle ne cessa qu’en 1844par suite des traités imposés par la France, non sans avoir fait de nombreux martyrs.

Persécution en Abyssinie, qui détruisit l’œuvre d’union, péniblement réalisée par les Jésuites, coûta la vie à plusieurs d’entre eux, à des Franciscains et à des milliers d’indigènes.

On ne peut parler de persécution en Amérique ; mais tous les ordres religieux employés là dans la mission des Indiens ont leurs longues listes de prêtres massacrés par les sauvages. — P. Allard, article Martyrb, col. 461-49 ».

6. D’autres misères suivirent au xvin » siècle,

pires que les persécutions venant des infidèles. —