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PROPAGATION DE L’ÉVANGILE

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portée d’abbayes leur servant de soutien. Ils étaient Isolés. Enfin l’empire morave ne dura pas ; en 80, 4> il succombait.

Néanmoins, c’est bien là le point de départ de la conquête religieuse de l’Europe orientale. La Moravie avait entraîné la Bohême, dont le duc Borziwoi fut baptisé par saint Méthode. Des réfugiés moraves portèrent l’Evangile en Pologne, qui fut définitivement gagnée sous Bolrslas lb Foht (g.j3-ina5). La Hongrie suivit sous saint Etibnne (979-1038).

Le grand missionnaire à la fin du x° siècle est saint Adalbbrt, moine romain, évêque de Prague, qui prêcha en Pologne, en Bohême, en Hongrie, en Prusse : âme ardente, tiraillée entre l’amour de la solitude et le désir du martyre. Il fut martyr en effet chez les Prussiens idolâtres, a3 avril 997. Malheureusement, il travaillait sans plan d’ensemble ; aussi fallut-il reprendre son œuvre au xu* et au xni’siècles.

La germanisation, qui avait failli tout compromettre en Moravie, semble au contraire chez les Slaves du nord avoir favorisé l’apostolat. Mais il s’agissait de peuples restés beaucoup plus barbares. La I’oméranie, la Prusse, la Livonie, la Courlande, l’Esthonie finirent par entrer dans l’Eglise. Les missionnaires ne leur manquèrent pas, car le martyre de saint Adalbert suscita bien des vocations, mè. ne chez les ermites d’Italie. Le Camaldules se précipitèrent vers les Slaves et les Magyars encore payens. Saint Romcald lui-même partit pour la Hongrie avec vingt-quatre compagnons. Plus tard, saint Norhebt de Magdebourg enverra ses Prémontrés chez les Wendes.

Ces peuples, convertis par des Occidentaux, ou sous le contrôle de Rome, restèrent fidèles au catholicisme romain. La Russie fut moins heureuse. La foi lui était venue de Byzance. C’est à Constantinople même que furent baptisés la duchesse Olga en g55, et le roi Vladimir en 998. Les Russes échappaient ainsi à l’action de Rome, et, à l’heure du schisme, suivirent Byzance dans sa rupture. — Voir J. Pargoirb, L’Eglise byzantine, 1905 ; — A. Lapôtrb, L’Europe et le Saint Siège à l’époque carolingienne, 189.Ï ; — E. Horn, Saint Etienne de Hongrie, 1898 ; — U. Berlirhb, op. cit., p. 70-75 ; — Rambaud, Histoire de la Russie, 1893. — Gubrin Songbon, Hist. de Bu Igarie, ig13. — E. Mairb, Saint Norbert, 192a.

8. — Au xne siècle l’Europe chrétienne était constituée. Il n’avait pas fallu moins de six siècles pour gagner à la foi le quadrilatère formé par les Osera du Nord, le Rhin, le Danube et la Vistule.Mais aussi le travail avait été dur, et le succès plus d’une fois acheté du sang des missionnaires. Si quelques peuples se laissèrent assez facilement gagner, d’autres opposèrent une longue résistance. Plus d’une conversion fut suivie d’apostasies en bloc.

Par contre il faut noter ce fait : ces peuples si rudes ne sontpas plutôt chrétiens qu’ils sont pris de l’esprit d’apostolat. Celtes, Francs, Anglo-Saxons, Germains, Danois, Suédois, Slaves, tour à tour fournissent les bandes de travailleurs qui vont se joindre aux Latins et aux Grecs. A quoi servent grandement les monastères. A mesure qu’on avance, l’armée conquérante se recrute sur place ; des moines d’abord, le clergé ensuite. Cinquante ans après l’arrivée de saint Augustin à Cantorbéry, l’Angleterre commence à avoir des évêques anglais, et à envoyer des escouades de missionnaires en Germanie.

De leur côté, les princes comprennent que leur devoir est de soutenir l’Eglise dans son expansion. Psi’iN, Charlbmagnb, Louis lb Dkbonnairb, saint Hb.vri, d’autres encore, Francs, Scandinaves, Slaves,

ont compris leur rôle, fondant des évôchés et des abbayes à portée des peuples à gagner, imposant aux rois infidèles, leurs alliés ou leurs vaincus, au moins un peu de tolérance religieuse, parfois aussi dépassant les limites permises. Ce fut le tort des princes allemands de trop lier la conquête des âmes à la conquête du sol. Il y eut des conversions forcées et qui ne durèrent pas. Barbares hier, les convertisseurs d’aujourd’hui gardaient leurs façons brutales. Bien des diflicultés vinrent de là.

Avouons que la situation était difficile. D’une part, il est évident que l’Evangile ne peut être imposé par la violence. Il y faut douceur et discrétion, même dans la controverse. Le vieil évêque de "Winchester, Daniel, avait prévenu saint Boniface qu’il nedevait point attaquer violemment les erreurs païennes, mais laisser lesinfidèlesexposer librement leurs croyances etleurmontrer tranquillement qu’ils se trompent. Opposer à ces dogmes une exposition simple de la vérité, pour « qu’ils demeurent confus plutôt qu’exaspérés ». Surtout, jamais d’insulte ni de provocation (P. L., LXXX1X, col. 707-709).

D’un autre côté, certains de ces peuples étaient de ceux à qui tout d’abord il fallait imposer le respect du droit d’autrui. Et c’était bien la pensée de tout le siècle que traduisait le Poeta Saxo anonyme, quand il disait : » L’Eternel, qui, dans sa miséricorde, veut le salut du genre humain, avait connu que rien ne pouvait adoucir la dureté de ces peuples ; et, afin de les forcer à subir le joug doux et léger du Christ, il leur donna pour maître et docteur de la foi le glorieux Charles, qui, les domptant par la guerre, sinon par la raison, devait les sauver malgré eux. » Sans doute, et l’on comprend que ce

« malgré eux » porte, non sur la conversion elle-même, 

mais sur certains préliminaires. Reste que Charlemagne, par ses sévérités excessives, s’attira les remontrances d’Alcuin et d’Adrien I".

La politique ne fut pas toujours étrangère aux conversions de rois, et ces conversions elles-mêmes furent d’un grand poids souvent dans la conversion des sujets. Ce n’est pas une raison pour en suspecter la bonne foi. Des intentions mêlées ne sont pas nécessairement des intentions mauvaises, et peuvent avec le temps se purifier.

Notons encore que, dans la conversion des barbares, peuples rudes et sans culture, il dut entrer une part d’instinct « grégaire », phénomène qu’on ne remarque point dans la conquête de l’empire romain : conversions par familles, par tribus, par nations, la masse entraînant les individus. Aussi, l’année qu’on assigne à la conquête d’un peuple souvent n’indique qu’un point de départ. C’est le moment où commence le travail en profondeur, celui qui arrive avec le temps à changer les âmes, et ce travail a pu durer des siècles. Ici, il n’y a guère d’histoire possible. Comment raconter l’influence d’un monastère sur les populations groupées à son ombre ?

§ 3. — Missions du bas Moyen Age

1. — Au xme siècle, on peut considérer la tâche comme à peu près finie en Occident. Elle recommence ailleurs, et en des conditions nouvelles. L’ère de l’apostolat monastique est terminée. Ceux qui entrent en ligne sont les religieux mendiants, fils de saint Dominique et de saint François. Milice plus mobile, plus souple, plus apte aux grands déplacements. Aussitôt fondés, les deux ordres se mettent au travail. Les uns s’en vont vers le nord-est en Prusse, en Courlande, en Livonie, jusqu’en Finlande. Le grand missionnaire en ces quartiers est le dominicain saint Hyacintiir (-j- 1257).

Les Franciscains, aussi avides du martyre,