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PROPAGATION DE L’EVANGILE

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rhénane, alors aux mains des Francs et encore païenne, et, au delà, la terre des aïeux, la Saxe farouchement idolâtre. Le Saxe surtout l’attire, mais avant de l’aborder, il commence par établir en Germanie une ligne solide de centres religieux, qui sera comme le rempart de l’apostolat. D’abord il étudie son terrain, trouve des vestiges de missions celtiques, des restes de catholicisme mal dégagés des superstitions païennes. Son inspection faite, il retourne à Rome et en revient évêque. Il organise son église amorphe de Germanie. Son programme est net : apostolat monastique pour commencer, union étroite avec Ro ne, appui du prince franc, et relations suivies avec l’Angleterre d’où lui viennent assez de recrues pour fonder des monastères d’hommes et de femmes. Sa méthode est impeccable. Il s’adresse d’abord à des populations bien disposées, chez qui un retour violent vers le passé n’est pas à craindre. Il établit parmi elles des écoles claustrales de formation et de recrutement. Un réseau de monastères fut l'ébauche de l’organisation hiérarchique. Il reprenait ainsi pour la rendre viable l'œuvre des Celtes. Ainsi se créa toute une province dont la métropole fut Mayence et qui s'étendait sur la Bavière, l’Alamanie, la Hesse et la Thuringe.

Il n’eut pas le temps d’achever son œuvre et d’attaquer directement la Saxe. Du reste, devenu vieux, il fut pris par la nostalgie de la vie de missionnaire. Résignant sa charge, il retourna en Frise, et y trouva le martyre. Le 5 juin 754, à Dokkum, il fut massacré par les inûdèles avec 5a compagnons. — Voir G. Kukth, Saint Boniface (Les Saints), 19, 02. — Bbr LIÈRB, Op. Cit., p. 62-69.

5. — Il fallait maintenant faire un pas de plus et aborder les Saxons. Tâche difficile. Le Christianisme leur venait des Francs, et les Francs étaient l’ennemi héréditaire, avec le Christ pour protecteur.Toutpays converti était par eux condamné, envahi, ravagé. Les missionnaires étaient massacrés ou devaient reculer. Impossible pour les Francs de subir pareil voisinage ; la conquête s’imposait : elle dura de 772 à 804, mêlée de missions, de créations monastiques et épiscopales, et aussi de révoltes, de représailles quelque fois excessives (massacre de Werden, 783). Ces Germains étaient de ceux qui ne se rendent qu'à l’argument de la force. Vaincus, ils se laissaient évangéliser. Leurs principaux apôtres furent l’abbé de Fulda, saint Sturm, les évêques de Brème et de Munster, saint Willbhad et saint Ludgbr. C’est toujours l’apostolat monastique, appuyé sur de fortes abbayes, surtout Werden et la Nouvelle Corbie.

KURTH, OzANAM, BuRLIERB, op. cit. — J. DB LA SliR vièrb, Charlemagne et l’Eglise (Science et Religion), 1304.

6. — La Nouvelle Corbie fut ce qu’avait été Fulda au tempsde 6aintBoniface, un séminairede missions, un point d’appui pour les entreprises à pousser vers le Nord. Il fallait, au delà de l’Elbe, aborder lesScandinaves.en ces régions d’où partaient vers toutesles mers d’Occident les redoutables Northmen (Normands). Eux et les Danois sont, en barbarie et en paganisme obstiné, les dignes frères des Saxons. Le meilleur moyen pour défendre contre eux les jeunes Eglises de Frise et de Saxe était encore de les convertir. Saint Wilfrid, saint WiLLiBRORD, et plus tard Ehhon, archevêque de Reims, n’aboutirent à rien de sérieux. Louis le Pieux recourut à un moine de Corbie en Picardie, saint Anschairb. Zélé, endurant, patient, il arrivait trop tard, et les résultats furent maigres : deux Eglises en SIeswig et un poste en Suède. Il mourut en 865, laissant tout à refaire.

On ne reprit le travail que 80 ans plus tard, sous l’impulsion du roi de Germanie Henri l". L’an io13

marqua la victoire du Christianisme en Danemark, suivie du règne de saint Canut leGrand (io14-io36). En même temps la Norvège cédait, avec ses deux Olaf, Olaf Trygwesen (995-1000) et Olaf Haraldson (io14-io30). Le premierporta la foi en Islande où, dès l’an 1 000, il y avait deux évêchés.et dans les Hébrides, lesOrcades, l’Ecosse du Nord, les Feroé. D’Islande, la foi passa jusqu’au Groenland, qui eut un cvêché au xi* siècle. — De son côté, la Suède entrait dans l’Eglise, avec un autre Olaf (f 1024), et les rois Ingb et saint Eric (-j- 1160). Au mitieu duxn* siècle Eric Jedvardsson envoyait saint Hbnri d’Upsal porter la foi en Finlande : ce missionnaire y trouva le martyre.

Bbrlibrb, op. cit., p.85 ; Maurbr, Die Bekehrung des norwegischen Stammes, Munich, 1856 ; Dahlmann, Gesch. Dænm., I, Hambourg 1840 ; Gbubr, Gesch. Schwedens, I, Hambourg, 1832 ; Rbutbrdahl, Ges. der schwed. Kirche, I, Berlin, 183^ ; L. Bril, Les premiers temps du Christianisme en Suède, R.Hist. Eccl., t. XII.

7. — Parallèlement se développait la conquête des Slaves. Ils occupaient, en arrière du monde germanique, un vaste territoire, s'étendant de la Baltique à l’Adriatique, mais coupé en deux (900) par l’enclave hongroise Celait les marches de l’Elbe la Poméranie, la Prusse propre, la Lithuanie, presque tout le grand-duché de Russie, la Pologne, la Moravie, la Bohême ; au sud, la Styrie, la Carinthie, la Carniole, la Croatie, la Serbie. Les Slaves étaient encore en Bulgarie, soumis aux Bulgares et se les assimilant. Trois catégories de missionnaires s’attaquèrent au paganisme slave : Allemands, Romains, Byzantins.

D’abord les Slaves du sud-ouest, Carinthie, Carniole, Styrie, furent entrepris par lesévêquesdes diocèses allemands voisins, et les abbayes. Innichen et Schledorf furent fondées dans ce but : missions allemandes. Mais c’est de Rome que, sous Nicolas I", vinrent les apôtres des Slaves établis dans l’ancienne Pannonie méridionale.

La Bulgarie avec son roi Boris, ou Bogoris, fut convertie par les Byzantins. Pour des motifs mêlés, cependant, c’està Rome qu’il voulut se rattacher. Il faut le reconnaître, tout n’estpas toujours purement religieux danscescbangementsde religion, et la politique y a parfois sa part, les favorisant, mais les contrecarrant aussi à l’occasion. Ce fut le cas pour la Moravie.

Des missionnaires y étaient venus d’Allemagne : ils n'étaient pas seuls, par malheur. Avec eux se présentaient des soldats et des colons, pillards et durs. On christianisait, mais on germanisait aussi. Le duc Ratislav ne voulut pas des prêtres germains ; il se refusait à l’incorporation dans l’Empire, et ce fut à Byzance qu’il demanda des catéchistes. On lui envoya deux frères, Cvrillb et Mkthodb, moines instruits et zélés, qui déjà s'étaient fait la main chez les Khazars de Crimée.

La Moravie, chrétienne, reçut de ses apôtres la liturgie grecque, mais traduite en Slavon. Accusés de ce chef en cour de Rome par les Allemands, les deux missionnaires se justiûèrent. Cyrille étant mort, Méthode fut nommé par Rome archevêque de Pannonie et de Moravie. Il disparut en 885. Lui et son frère sont considérés comme les grands apôtres de l’Eglise slave. Cependant les résultats immédiats de leur mission furent médiocres. Il leur manquait, ce qu’avait eu saint Boniface, des réserves et des points d’appui. Byzance, qui les avait envoyés, ne les soutint pas (on était au temps de Photius). La papauté traversait des jours sombres. L’Allemagne voyait d’un mauvais œil cet apostolat, où elle n'était pas ouvrière. Les missionnaires n’avaient point à