Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

355

PHOBABII.ISME

356

équitable, au prorata des incertitudes. Nous sommes d’accord, en cela, avec d’incontestables autorités. Néanmoins cette opinion n’est pas admise par tout le monde. Les controverses ont converti la question de fait en question de droit. Nous ne condamnerons donc pas celui qui veut, même à ces doutes de justice, appliquer les principes du probabilisme.

d) Lorsque la probabilité de fait est réellement irréductible, elle n’écarte aucune éventualité fâcheuse. Agir, en cette circonstance, c’est accepter virtuellement la conséquence fâcheuse pour le cas où elle se produirait. Dès lors, si cette conséquence garde la moralité d’une action intrinsèquementmauvaise, il faut résolument s’en tenir à la règle rigoureuse :

« Il revient au même, en morale, de faire ou

de s’exposer à faire. » L’application classique nous est fournie par l’homicide. Voici, à distance, un être animé, ce peut être un homme, ce peut être un animal : il m’est défendu de l’occire directement, parce que l’homicide direct est intrinsèquement illicite.

Mais la moralité de la conséquence peut être modiiiée par le doute invincible. Des raisons évidentes d’utilité générale demandent que le mariage soit permis à tous ceux dont l’incapacité n’est pas établie. L’impuissance douteuse ne mettra donc pas obstacle à la conclusion du mariage, malgré le risque de nullité. La loi divine, dont l’Eglise est l’interprète infaillible, autorise elle-même à le courir : c’est l’enseignement implicite du canon 1068.

Quand l’acte, au pis aller, ne tombe que sou6 une prohibition positive, surtout si celle-ci est d’origine humaine, nous pouvons tempérer la rigueur de la règle susdite par cette autre maxime, qu’un inconvé nient relativement notable affranchit de la loi positive. Telmetsestprobablementmaigre, probablement gras. S’il est préparé et servi, il semble qu’on ait une excuse suffisante pour le consommer en toute hypothèse (en supposant qu’on ne puisse décemment éclaircir le doute). Mais ce mets n’est pas encore préparé. Différer la préparation, si vous le pouvez sans difficulté.

Ne s’agit-il pas de l’action elle-même, mais d’effets, de conséquences, les cas seront régis par ce qu’on appelle le principe du double effet. Nous le formulons en ces ternies. « L’effet mauvais, même prévu, mais non voulu ou poursuivi, n’est pas imputable à qui a rempli l’obligation positive de l’éviter. » Cette obligation variera avec la nature de cet effet, la gravité de la conséquence, son caractère incertain ou inévitable. Quelle grave raison ne faut-il pas pour s’exposer à causer la mortd’une personne humaine 1 Des précautions rigoureuses doivent alors être prises. Par contre, cette même obligation d’éviter l’effet, d’ailleurs toujours involontaire, peut se ramener à chose infinitésimale, si l’effet n’est pas, comme tel, dommageable. En ce cas, la mauvaise intention demeure seule prescrite ; l’effet involontaire ne doit pas nous préoccuper. C’est te cas des émotions charnelles. Le mêmeS. Alpiionsk.sî strict pour interdire, en dehors du mariage, toute satisfaction volontaira de ce genre, donnera lui-même le cjnseil de ne pas s’inquiéter des répercussions qui peuvent, dans la sensibilité, accompagner des actions non luxurieuses. (Théologie morale, 1. III, n. 481 et 48/4)

H) De ta solution des doutes négatifs.

a) Le doute négatif est celui qui n’est fondé sur aucune raison sérieuse. En matière d’honnêteté, des motifs, même non péremptoires, mais qui ne sont combattus par aucune raison positive, donnent la certilude morale. Là-dessus, l’accord s’est fait. Par conséquent, aussi longtemps qu’aucune raison sérieuse ne nous fait mettre en doute l’iionnêleté de notre action, celle-ci nous est certainement per mise, en vertu du principe général que tout est licite qui n’est pas défendu.

La question des doutes négatifs de droit ou de lioéité ne se pose donc pas, ou se résout d’emblée par le rappel de cette règle.

i) Il n’en va pas de même des doutes de fait. D’abord, une raison non convaincante ne nous donne, en ce cas, aucune certitude morale, lors même que nous n’aurions pas d’argument à y opposer. Voici que se cachent des brigands, détrousseurs de grands chemins. Ils peuvent camper sur la route de droite ousur la route de gauche. Aucune raison ne me les dit à droite ; des indices positifs, mais non infaillibles, nous les font croire à gauche. Nous tiendrons-nous pour rassurés, en nous engageant dans le chemin de droite ?

Le cas se complique, quand le doute de fait est négatif des deux côtés, sans nous fournir une présomption. Voici, dans un pays de religion mixte, un enfant trouvé. Est-il baptisé, ne l’est-il pas ? Le oui et le non sont possibles ; ni oui ni non ne sont probables. Tout renseignement peut nous faire défaut pour dire s’il est aujourd’hui jeudi ou vendredi, dimanche ou lundi ; si tel jeune homme a 20 ou ai ans ; si l’heure de minuit est ou non passée. De ces faits incertains, dépendent pourtant des obligations même graves.

Parfois le parti le plus sûr s’imposera à nous avec évidence. Il est manifeste qu’un baptême conditionnel doit rendre certain le baptême d’un sujet apte à recevoir le caractère du chrétien.

c) Mais comment nous comporter pratiquement dans les autres doutes ? Sanchbz (Matr., 1. ii, d. 41, n. 3a), Noldin (Principia, n. 2^8), plusieurs autres encoi’e, avec S. Alphonsb (Theol. mor., 1. I, n. 3a), recourent alors au principe de possession : dans la nuit du jeudi au vendredi, ils autoriseront des mets gras, qu’ils vous refuseront dans celle du vendredi au samedi, parce que, dans le premier cas, la nuit vous surprend en possession de votre liberté, dans le second elle vous trouvait astreint à la loi d’abstinence. Pour le même motif, le jeune homme qui doute s’il a accompli ses ai ans ne doit pas jeûner ; mais le vieillard est tenu au jeûne, s’il doute d’avoir atteint la soixantaine. Nous avons déjà plus haut, d’une façon générale, écarté ce moyen de solution. Rendons ici plus manifeste son inefficacité et son peu d’utilité pratique.

Interrogeons le sens commun : que la nuit précède ou suive le vendredi, ne nous estimera-t-il pas, au regard de la loi, dans une situation identique ; et les distinctions rappelées plus haut ne lui paraitront-elles pas de vaines subtilités ? La vraisemblance pour minuit ou pour l’âge qui astreint au jeûne ou qui en libère, change-t-elle d’une nuit à l’autre, du jeune homme au vieillard ? La négative est certaine. Dirat-on peut-être que les faits ne se présument pas, mais doivent se prouver ; et que, dans la nuit de jeudi au vendredi, la preuve à fournir est cellede l’obligation, tandis que, dans la nuit suivante, c’est celle de la liberté ? De même, le jeune homme ne peut-il pas attendre qu’on lui démontre son obligation déjeuner ; et le vieillard ne doit-il pas prouver qu’il n’est plus astreint au jeûne ?

Ilegardons-y de plus près. Notre obligation, notre liberté sont-elles des faits qui tombent sous le sens, plutôt que des conséquences morales rattachées à des faits ? La réalité, la seule réalité est bien celle-ci, que, suivant qu’il est onze heures ou une heure, suivant que le jeune homme a accompli ou non ses ai ans, et que le vieillard a atteint ou non ses 60 ans, la loi (l’abstinence nous lie ou nous laisse libres ; le jeune homme doit jeûner ou Don, et le vieillard est